Al-Baqî‘ (cimetière)

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Al-Baqî’(en arabe: مقبرة البقیع), Janat al-Baqî’ ou al-Baqî’ al-Gharqad est le premier et le plus ancien cimetière islamique de Médine où sont enterrés quatre Imams chiites et de nombreuses autres personnalités dont des compagnons du Prophète et des Tâbi’ûn (disciples des compagnons du Prophète (s)).

Selon certains rapports, la tombe de l’honorable Fatima (a), fille du Prophète (s) est là-bas .

Le cimetière est considéré comme un des sites sacrés du chiisme et les chiites rendent visite aux tombes qui s’y trouvent.

D’après un récit saint, l’honorable Prophète (s) s’est rendu une nuit vers la fin de sa vie à al-Baqî’ pour demander le pardon pour ceux qui y étaient enterrés.[1]

Dans le passé, des bâtiments et des coupoles étaient dressés sur les tombes des Imams et de certaines autres personnalités, constructions qui étaient détruites au cours de l’offensive des Wahhabites contre Médine en 1221 de l’hégire lunaire, mais plus tard, elles ont été reconstruites, selon l’ordre du sultan ottoman, Abd al-Hamîd II.

Ces derniers bâtiments ont été encore démolis le 8 Shawwâl 1344 de l’hégire lunaire, soit 1304 de l’hégire solaire, au cours de la seconde offensive lancée par les Wahhabites, cette fois par l’émir Muhammad, le gouverneur de Médine, sur l’ordre de son père, Abd al-Azîz Al Sa'ûd.

Al-Baqî’ au cours du temps

Al-Baqî’ vient du terme Baqa’a qui signifie une terre différente des terrains voisinants ou bien une terre où les arbres ou leurs racines sont éparpillés.[2]

Dans les sources islamiques, on cite al-Baqî’ comme un fameux cimetière à Médine, appelé aussi al-Baqî’ al-Gharqad, à cause des arbrisseaux ou des Gharqad qui y poussaient.[3]

Après l’installation du Prophète (s) à Médine et la hausse du nombre des musulmans en cette ville, on avait besoin d’un cimetière propre aux musulmans. C’est pourquoi, après quelque patrouille dans différents secteurs de Médine, et par les orientations données par l’ânge Gabriel, al-Baqî’ a été choisi.

Cette terre se trouvait pas trop loin de la Mosquée du Prophète et au prolongement de la porte de Gabriel.[4]A la suite de l’enterrement de quelques compagnons, y compris As’ad b. Zurâra de Khazraj au premier an de l’hégire, Ibn Sa’d[5] et Uthmân b. Maz’ûn, au Dhu al-hijja de l’an 2 après l’hégire[6], les Médinois ont montré plus d’intérêt à l’enterrement des défunts à al-Baqî’.

Cependant l’inhumation de gens tels que Fatima bt. Asad, mère de l’Imam Ali (a) et ‘Abbâs, oncle du Prophète[7] et des Imams chiites chez ‘Aqîl b. Abî Talib[8] est le signe de la poursuite de l’enterrement des morts dans les maisons surtout dans celles se trouvant à proximité de al-Baqî’.

Les maisons de certains compagnons se trouvant près de al-Baqî’, ou les terrains séparant al-Baqî’ de la Mosquée du Prophète et dont une partie était transformée en tombe familiale, comme celles de ‘Aqîl b. Abî Talib[9], Muhammad b. Hanafîyya[10] et Ibn Aflah[11] ont été petit à petit ajouté au cimetière.

On ne connaît guère les dates exactes de ces extensions. Après la destruction graduelle des maisons et des rues qui séparaient al-Baqî’ al-‘Ammât (tombes des tantes du Prophète) du cimetière, en 1373 de l’hégire lunaire[12], le secteur, d’une superficie approximative de 3 500 m2, et la rue les liant a été intégré et la rue qui les séparait et qui s’appelait Zaqâq al-‘Amât, d’une superficie de 824 m2 a été ajoutée à al-Baqî’ permettant ce dernier à atteindre une superficie de 15 000 m2 (150×100 m)[13].

Plus tard, en 1385 de l’hégire lunaire, un terrain en forme triangulaire, de 1 612 m2, se trouvant au Nord de al-Baqî’ et appartenant à la mairie a été ajouté à al-Baqî’[14].

A la suite du second projet d’extension lancé par Al Sa'ûd, la superficie de al-Baqî’ a augmenté pour arriver à 180 000 m2[15].

al-Baqî’ se trouve actuellement à l’Est de la Mosquée du Prophète, à une distance approximative de 100 mètres, au milieu de Médine et est entouré par les avenues Sitîn, ‘Abd al-‘Azîz et Abûzar et le début de l’avenue Bâb al-‘Awâlî y commence.

Mérites d'al-Baqî’

Les rapports et récits saints sur al-Baqî’ montrent qu’il s’agit d’un endroit digne d’intérêt pour Dieu Très-Haut.

Selon un récit saint, le Prophète (s) a été chargé de demander le pardon pour ceux qui étaient enterrés à al-Baqî’[16].

On rapporte qu’il se rendait chaque vendredi à al-Baqî’ pour demander l’absolution pour les morts[17].

Il y a de nombreux rapports sur la présence du Prophète (s), ses interventions[18], ses prières y compris la tenue de la prière de l’hydropisie[19] et de celle de la fête[20] à al-Baqî’.

D’après un autre rapport, durant la dernière année de sa noble vie, accompagné d’un groupe de compagnons, le Prophète (s) s’est rendu à al-Baqî’ pour s’y référer aux morts et de faire état de son décès[21].

Selon certains rapports, Fatima (a), honorable fille du Prophète (s) fréquentait beaucoup al-Baqî’ et pleurait la disparition de son père[22]. Même, l’endroit où priait l’honorable Fatima (a) dans une mosquée à al-Baqî’ était connu[23].

Les gens de la Maison Prophétique pour leur part attachaient un intérêt spécial à al-Baqî’ et les sources abondent en rapports sur la zîyârat des Ahl al-Bayt[24].

De nombreux ulémas chiites[25] et sunnites[26] ont émis des fatwas sur les mérites de la zîyârat d'al-Baqî’.

Qui sont enterrés à al-Baqî’ ?

Le premier émigré à être enterré à al-Baqî’ était ‘Uthmân b. Maz’ûn, éminent compagnon du Prophète, décédé en l’an 2 de l’hégire et As’ad b. Zurâra était Le premier Ansâr que D’après Ibn ‘Abd al-Birr[27], les émigrés et les Ansâr (des aides du Prophète (s)) étaient partagés à cet égard, parce que pour ceux-ci, As’ad b. Zarâra, était le compagnon de la prestation de serment au premier ‘Aqaba et au second ‘Aqaba, et qui était mort avant la bataille de Badr.

On considère Sahl b. Sa’d Sâ’idî, mort en 88 ou 91 de l’hégire à Médine[28], comme le dernier compagnon à être enterré à al-Baqî’.

Al-Baqî’ n’était pas consacré à un groupe particulier, mais chacune des tribus résidant à Médine en avait consacré une partie à ses morts. Ultérieurement les parties entourant les tombes des Imâms chiites étaient consacrés aux défunts chiites et les autres parties, aux corps des disciples des autres écoles islamiques.

Cependant, de nos jours, on n’enterre plus dans les endroits où les grands compagnons du Prophète et les Imams sont enterrés.

Al-Baqî’, sépulcre des Imâms chiites

Quatre Imâms chiites soit Imam al-Hasan al-Mujtabâ (a), Imam as-Sajjâd (a), Imam al-Bâqir (a) et Imam as-Sâdiq (a) sont enterrés à al-Baqî’ et la tombe de Fatima aussi peut s’y trouver, même si l’endroit exact en soit méconnu.

Dans un mémorial, à l’occasion de la disparition de l’ Imam as-Sâdiq (a), Mas’ûdî fait allusion à un pierre en marbre où ont été inscrits les noms de l’honorable Fatima et des quatre Imams chiites.[29]

Compagnons et épigones enterrés à al-Baqî’

Les filles du Prophète (s), son fils nouveau-né Ibrâhîm, ses épouses (Mères des croyants) et ses descendants, à l’exception de l’Imam al-Husayn (a), sont tous enterrés à al-Baqî’.

Parmi les compagnons et les épigones inhumés à al-Baqî’, on peut citer : Ja’far b. Abî Tâlib, son frère ‘Aqîl b. Abî Tâlib, ‘Uthmân b. ‘Affân (troisième calife), Malik ibn Anas (chef des Mâlikistes sunnites), Halîma Sa’dîya (nourrice du Prophète), ‘Abbâs b. ‘Abd al-Mutallib (oncle du Prophète) et Fatima bint Asad (la mère de l'Imam Ali (a)). Peu à peu c’était un honneur d’être enterré à al-Baqî’, parmi les Ahl al-Bayt (a), les Imams et les saints.

Une nuit, vers la fin de sa vie, le Prophète (a) s’est rendu à al-Baqî’ pour solliciter le pardon de Dieu pour ses morts[30]. Peut-être, c’est cette visite à quoi selon ses propres dires, il a été chargé par Dieu, qui a renforcé cette tendance.

Construction de coupoles et de sanctuaires à al-Baqî’

Des coupoles et des sanctuaires ont été mis en place sur les tombes des hommes illustres, par exemple d’après Ibn Jubayr, la coupole du sanctuaire de l’Imam al-Hasan al-Mujtabâ (a) ou celle de l’honorable ‘Abbâs étaient très hautes. Ibn Batûta[31], a vu al-Baqî’, au milieu du 8e siècle, de la manière suivante : la tombe de Malik ibn Anas est mûni d’une petite coupole, celle d’Ibrâhîm d’une coupole blanche, celles des épouses du Prophète, de ‘Abbâs et de l’Imam al-Hasan al-Mujtabâ (a) d’une haute coupole solide, celle du troisième calife d’une grande coupole et la tome de Fatima bt. Asad se trouve tout près.

Safadî[32] fait allusion que les tombes des quatre Imams chiites et celle de ‘Abbas, oncle du Prophète disposaient d’une grande coupole.

Un prince Qâjâr, Farhâd Mîrza, qui a visité al-Baqî’ en 1293,[33] et Muhammad Husayn Khan Farâhânî, ayant visité al-Baqî’ en 1303 de l’hégire lunaire[34] écrivent :

« Il y a un mausolée pour les quatre Imams et ‘Abbâs, la tombe attribuée à l’honorable Fatima az-Zahrâ (a) est mûnie d’un rideau cannetille sur son mausolée, dédié par le Sultan Ahmad Ottoman en 1131 de l’hégire lunaire. Il existe un mausolée au-dessus des tombes des filles du Prophète (s) et un autre sur les tombes de ses épouses et d’autres mausolées aussi ».

Cependant pour Burckhardt[35], ayant visité al-Baqî’ après l’arrivée au pouvoir des wahhabites, le cimetière est devenu l’un des plus humbles de l’Orient. Le cimetière est considéré par les pèlerins, comme la tombe de Hamza à Uhud ou la première mosquée de l’islam à Qubâ, en banlieue de la ville, comme l’un des lieux dont la visite fait partie des actes cultuels.

Destruction des coupoles d'al-Baqî’

Les coupoles et les édifices détruites par les premiers groupes de wahhabites en 1221 de l’hégire lunaire ont été réparées sur l’ordre d’‘Abd al-Hamîd II, sultan ottoman ; mais en 1344 de l’hégire lunaire, soit 1304 de l’hégire solaire, elles ont été détruite encore une fois, par l’émir Muhammad gouverneur de Médine, sur l’ordre de son père, ‘Abd al-‘Azîz Al-Sa’ûd.

Avant la destruction et pour prévenir la protestation des musulmans du monde et notamment les chiites, le grand juge du régime saoudien, ‘Abullâh b. Sulaymân b. Blayhad s’est rendu personnellement à Médine pour solliciter dans une lettre officielle l’avis des ulémas de Médine sur la mise en place de monuments sur les tombes. En réponse à cette lettre, qui selon les dires, était pleine de contrainte et de menace, on évoque l’interdiction de monuments sur les tombes et le fait qu'al-Baqî’ était un terrain de legs pieux (Masbalah). Après la publication de cette lettre, al-Baqî’ a été détruite, ce qui a provoqué la vive protestation des musulmans.

Réaction des musulmans contre la destruction d'al-Baqî’

Pour Sayyid Muhsin Amîn[36], le comportement du roi saoudien de détruire al-Baqî’, a inquiété les ulémas et les responsables officiels iraniens et une mission officielle a été envoyée à Hidjaz pour dresser un bilan. De même, de grands tumultes étaient apparus en Inde, à la suite de quoi une délégation a été envoyée à La Mecque pour transmettre la vive protestation des musulmans indiens. Cependant le sultan ne s’est pas rendu à leurs revendications.

Des ouvrages rejetant les idées wahhabites

Outre les actions citées, plusieurs ulémas musulmans ont écrit des livres pour rejeter les idées wahhabites sur la destruction des tombes y compris à al-Baqî’ :

  • Kashf al-Irtîyâb, par Sayyid Muhsin Amîn ‘Amilî
  • Da’wâ al-Hudâ ilâ al-Dar’ fî al-Af’âl wa al-Taqwâ, par Muhammad Jawâd Balâghi

Al-Baqî’ après la destruction

De nos jour, les tombes à al-Baqî’ continuent à rester privées de coupole et de monument. Sur les tombes sont placées des pierres sur lesquelles il n’existe d’inscription. Ruther qui a visité al-Baqî’ en 1305, soit après la seconde invasion wahhabite, le compare avec les ruines d’une ville après un tremblement de terre.

En 1333, sous les pressions exercées par les références religieuses et les actions politiques, des passages ont été mis en place en ciment pour faciliter les allers et venues des pèlerins. Sous Faysal b. ‘Abd al-‘Azîz, une grande porte a été placée à l’entrée d'al-Baqî’ et il a fallu attendre des années pour voir un parasol se dresser à l’angle ouest.

Références

  1. Halabî, Sirah de Halabî, vol. 3, p. 343.
  2. Farâhîdi, vol. 1, p. 184; Sahib b. ‘abbâd, vol. 1, p. 195, «Baq’».
  3. Farâhîdi, vol. 1, p. 184; Ibn Athîr, vol.1, p.146, «Baq’».
  4. Hâtam ‘Umar Tâhâ, p. 21.
  5. vol. 3, p. 611; Ibn ‘Abd al-Bir, vol. 4, p. 1601.
  6. Ibn Sa’d, vol. 1, p. 115
  7. Ibn Shabah, vol. 1, p. 127
  8. voir: Ibn Shabah, vol. p. 111; Ibn Najjâr, p. 153; Mas’ûdî, vol. 3, p. 297.
  9. Ibn Sa’d, vol. 4, p.33
  10. Ibn Sa’d, vol. 5, p. 83
  11. Tabarî, vol. 7, p. 587; Ab al-Faraj Isfahânî, p. 265
  12. Amînî, p. 36
  13. Hâtam ‘Umar Tâhâ, pp. 21-22
  14. ‘Alî Hâfiz, p. 173
  15. ‘Abd al-Azîz Ka’kaï, vol. 3, p. 461
  16. Mufîd, vol. 181, p. 181; Samhûdî, vol. 3, p.77
  17. Ibn Qulûya, p. 529
  18. Furât al-Kûfî, p. 200
  19. Muttaqî Hindî, vol. 8, p. 436
  20. Kulaynî, vol. 3, p. 460; Tûsî, vol. 3, p. 129; Samhûdî, vol. 3, p. 6
  21. Daylamî, vol. 1, p. 33
  22. Ibn Jubayr, p. 155
  23. Sadûq, vol. 2, p. 577
  24. Ibn Kathîr, vol. 8, p. 228
  25. Ibn Barrâj, vol. 1, p. 283; Muhaqqiq Hillî, vol. 1, p.210
  26. Sharbînî, vol. 1, p. 513; Bahûtî, vol. 2, p. 601; Ibn al-Hâj, vol. 1, p. 265
  27. Al-Istî’âb fî Ma’rifat al-As’hâb, vol. 1, p. 81
  28. Ibn Athîr, Asas al-Ghâbah, vol. 2, p. 320; Ibn Qatîbah, p. 341; Ibn ‘Abd al-Bir, Al-Istî’âb, vol. 2, p. 665
  29. Murawij al-Dhahab, vol. 3, p. 297
  30. Halabî, Sirah al-Halabî, vol. 3, p. 343
  31. Safar Nâmih Ibn Batûta, vol. 1, p. 128
  32. Al Wâfî bil Wafîyât, vol. 4, p. 103, vol. 11, p. 127
  33. Safar Nâmih Farhâd Mirzâ Mu’tamid al-Dulih, pp. 170-173, 190.
  34. Safar Mâmih MirzâMohammad Husayn Farâhânî, pp. 228-234
  35. pp. 222-226
  36. Kashf al-Irtîyâb, p. 60

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