Haqq an-Nâs

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Haqq an-Nâs (en arabe : حق الناس) ou le Droit des gens est ce que l'on doit aux autres êtres humains, par opposition au Droit de Dieu ou Haqq Allah, qui est ce que l'on doit à Dieu. Les deux droits ensemble constituent la base des droits islamiques. Haqq an-Nâs est en fait un droit qui appartient aux humains, un droit qui a été confié par Dieu aux hommes, et se place à côté du droit qui appartient à Dieu, Lui seul. Plus concrètement, le droit des humains signifie les droits et les devoirs que les êtres humains ont les uns envers les autres.

Ce droit n'est pas limité aux droits matériels (c'est à dire ce qu'on doit les uns autres financièrement et matériellement), mais inclut également les questions immatérielles comme la vie et la réputation des autres. Cela comprend le respect, le confort, la liberté, la confiance, etc. Ainsi la demande d'excuse en cas d'erreur, le fait d'assurer la satisfaction et le confort de ceux qui dépendent de nous, d'assurer leur bonne réputation, etc. font partie des exemples de devoirs de chacun envers les autres. Les violations du droit des autres peut ainsi comprendre : le vol, le qadhf (attribution de l'adultère ou de la pédérastie à quelqu'un sans preuve), la médisance et la diffamation, etc.

Selon les doctrines de l'Islam, la violation du droit des gens est très grave, même plus grave que la violation du Droit de Dieu. Parce qu'elle ne sera pardonnées ni par la repentance et ni même par le martyre sur le chemin de Dieu (par lequel tous les autres péchés seront pardonnés, selon la croyance), mais par la personne dont le droit a été piétiné, elle-même. Les violations des droits d'un individu ou des individus ne peuvent être compensées ou pardonnées que par ceux dont les droits ont été violés. Ainsi selon les doctrines, le châtiment le plus important au jour de la Résurrection concerne ce que chaque être humain devrait répondre au sujet des droits de ceux qu'il avait côtoyait dans sa vie; il doit répondre à la présence de Dieu à tous ceux qui ont été endommagés ou soufferts, même très peu, à cause de lui. Le respect de ce droit a une importance majeure par ce que selon les doctrines, Dieu, par sa miséricorde peut pardonner son serviteur s'il a transgressé Son droit, mais le droit qui appartient aux autres humains, ne concerne que ceux à qui il appartient et c'est seulement eux-mêmes qui doivent pardonner celui qui a gâché leurs droits.

De même dans les décisions judiciaires Islamique, il existe une différence entre le droit des gens et le droit de Dieu. Par exemple, pour faire appliquer un jugement concernant le droit d'un autre, la personne en question peut faire une demande particulière pour modifier le jugement (par exemple dans le cas d'un meurtre, les parents de la victime en tant que tuteurs, peuvent pardonner le fautif et il sera ainsi libéré de la peine juridique), alors que lorsque le Droit de Dieu est concerné, l'avis des gens ne joue aucun rôle.

Notion

Dans l'Islam, les droits sont divisés entre ceux des gens et ceux de Dieu[1]. De respecter le droit des gens est une obligation envers les autres humains, auprès de Dieu[2], tandis que le droit de Dieu est une obligation envers Dieu[3]. Cependant, théologiquement, le Droit des gens est aussi une sorte de Droit de Dieu. Or lorsque le terme est utilisé par opposition au Droit de Dieu, il ne fait référence qu'aux droits que l'on doit aux autres personnes[4].

Dans les sources de hadiths et de la jurisprudence, le Droit des gens est appelé le Droit des serviteurs (Haqq 'Ibâd)[5]., le droit de l'homme (Haqq al-âdam)[6] et les droits des musulmans (Huqûq al-muslimîn)[7].

Exemples

Certains juristes ont divisé le droit des gens en deux catégories :

  • Le droit pur des gens (Haqq an-Nâs al-Mahd), ceux qui appartiennent seulement aux hommes, comme ce qui concerne la vie et les biens des gens
  • Le droit non-pur des gens (Haqq an-Nâs ghayr al-Mahd), c'est-à-dire les droits qui appartiennent à la fois à Dieu et aux gens, et la violation de ces droits comprend des actes comme le vol, les peines discrétionnaires (ta'zir) et le qadhf (attribution de l'adultère à quelqu'un sans preuve).

Le droit des gens ne se limite pas, comme a été dit, aux droits matériels; il inclut également et surtout les droits immatériels comme le respect, le confort psychologique, la réputation des autres. Ainsi, les médisances ou les commérages, les accusations infondées, les calomnies et les contrariétés sans fondement, les injures et les violences verbales, la discrimination, etc. à l'encontre des être humains sont également considérés comme des violations du droit des gens. Dans un hadith de l'Imam al-Sajjad (a), connu sous le nom de Le traité des droits (Risâlat al-huqûq), plus de cinquante droits et obligations ont été mentionnés, dont de très nombreux droits envers d'autres personnes.

Dans ce traité, ces droits ont été catégorisés en sept catégories suivantes:

  • Le droit de Dieu
  • Les droits des organes du corps : langue, oreille, oeil, main, pied, ventre, sexe
  • Les droits (concernant) des actes : prières, pèlerinage, jeûne, don aux pauvres, sacrifice
  • Les droits des maîtres (professeur, gouverneur, guide, etc.: cela comprend le devoir des gouvernés envers le gouverneur, des disciples envers le maitre, des dirigés envers le dirigeant, etc.
  • Les droits des gens et du peuple : cela comprend les devoirs du gouverneur envers le gouverné, du maître envers le disciple, du mari envers sa femme, et de tout supérieur envers son inférieur
  • Les droits de membre de la famille : la mère, le père, les enfants, les frères et les soeurs, etc.
  • Les droits des autres : celui qui t'a aidé, celui que tu as aidé, celui qui fait de la bienfaisance, le muezzin, celui que l'on côtoie tous les jours, le voisin, l'ami, le partenaire, celui qui te doit quelque chose, celui qui te demande quelque chose, celui qui te demande un conseil, celui qui te donne un conseil, ton ainé, ton cadet, celui qui attend quelque chose de toi, celui de qui tu attends quelque chose, celui qui te fait du mal, celui qui te fait du bien, tes co-religieux, ceux qui ont une autre religion [8][9]

Importance dans les hadith

Selon les hadiths, la violation du droit des gens est considérée comme très grave, et compte parmi les facteurs qui font que les prières de la personne qui l'a commis restent sans réponse de la part Dieu. L'Imam al-Sadiq (a) dit qu'il n'y a pas de culte plus grand que l'accomplissement du droit d'un croyant. Dans le Hadith al-Manâhi, le Prophète (s) dit : "Si quelqu'un doit quelque chose à quelqu'un d'autre et qu'il peut le lui rendre, mais qu'il continue à le reporter, alors pour chaque jour de retard, un équivalent du péché d'un 'ashshâr sera noté pour lui" ( 'Ashshâr est le nom donné à quelqu'un qui prend un dixième des biens des gens par force, sous ordre d'un dirigeant injuste).

Dans les sources de la jurisprudence, le droit des gens est abordé dans la section des décisions juridiques. Précisons que dans le République islamique d'Iran, le droit du peuple figure dans Loi. Par exemple, la diya, le qisâs et certains autres châtiments discrétionnaires, comme l'humiliation, sont considérés comme des crimes parce que constituent des violations du droit du peuple.

Différence avec le droit de Dieu

Il y a certaines différences entre le droit des personnes et le droit de Dieu, notamment :

  • Il est plus facile de prouver le Droit des gens à un juge que le Droit de Dieu. Parce que l'application de la décision concernant le Droit des personnes nécessite la convocation de la personne en question et ses témoins, alors que l'application du Droit de Dieu ne peut être témoigné par personne[10].
  • Dans le cas du Droit des gens, le juge ne peut pas dissuader le défendeur de faire des aveux, contrairement au Droit de Dieu[11].
  • Certains cas de Droit des gens peuvent être pardonnés ou transférés, alors que dans les cas de droit de Dieu, si la victime du crime tolère son droit, cela ne fait pas de changement dans le Droit de Dieu.
  • Le droit des gens ne sera pas pardonné par la repentance, alors que certains cas de droit de Dieu sont pardonnés par la repentance[12].
  • Le droit des gens doit être abordé avec des normes de précision et de prudence, tandis que le droit de Dieu doit être abordé avec indulgence[13]. On dit que certains juristes attribuent à cette dernière caractéristique les différences entre le droit de Dieu et le droit des gens en ce qui concerne les décisions judiciaires.
  • Le Droit des gens n'est pas pardonné par le martyre sur le chemin de Dieu, alors que le droit de Dieu l'est[14]. Ainsi, il est dit que l'Imam al-Husayn (a) a demandé à ses compagnons de quitter son armée et se sauver, s'ils avaient des dettes à d'autres personnes[15].

Compensation des violations des droits des autres

En ce qui concerne le droit des gens, il faut, en plus de la repentance auprès de Dieu, compenser le droit violé auprès de la personne en question. Selon certains juristes et marj'a, cela inclut également les droits qu'une personne a violés avant même sa maturité (c'est à dire que cela comprend aussi tout ce qu'il a fait pendant son enfance).

Selon un hadith du Prophète (s), le jour de la Résurrection, on enlèvera des récompenses de bons actes d'une personne qui a violé le droit d'une autre, et on les et donnera à cette dernière; et si ses bonnes oeuvres ne seront pas suffisantes, alors on enlèvera des péchés de la victime et on les donnera au violeur qui sera alors jeté dans le feu de l'Enfer".

Selon un autre hadith de l'Imam al-Sadiq (a), cité dans Li'âli al-akhbâr, la pire des conditions au jour de la Résurrection est le moment où les ayants droit à la zakât et aux khums (c'est à dire les pauvres à qui on doit faire des dons et donner l'aumône) le réclament, et où Dieu leur attribuent des bonnes oeuvres de ceux qui auraient du leur donner l'aumône.

Une des solutions proposées par les marja' (référence religieuse) pour compenser le droit des autres qu'on a piétiné, dans le cas où on n'a plus accès la personne elle-même, pour le lui rendre ou pour lui demander le pardon, est de faire des dons caritatives aux nécessiteux (cette règle a des conditions précises et il faudrait le voir avec un spécialiste de la loi religieuse). Ce don est appelé, dans la Loi chiite, Radd Mazâlim.

Voir aussi

Références

  1. cf. Ibn Shu'ba, Tuhaf al-'Uqûl, 1404 h.q., p. 255
  2. 'Âmilî, al-Istâlâhât al-Faqih, 1413 h.l., p. 71
  3. cf. Shahid Awwal, al-Qawâ'id wa al-Fawâ'id, 1400 h.l., vol. 2, p. 43
  4. cf. Shahid Awwal, al-Qawâ'id wa al-Fawâ'id, 1400 h.l., vol. 2, p. 43
  5. cf. Shahid Awwal, al-Qawâ'id wa al-Fawâ'id, 1400 h.l.
  6. Shaykh Tûsî, al-Mabsud, 1387 h.l.
  7. Kulayni, al-Kâfî, 1407 h.l., vol. 7
  8. Husayni Jalâli, Jihâd-e Imam Sajjad (Le Jihad de l'Imam Sajjad), 1382 h.s., pp. 305-307
  9. cf. Sepehri, Muhammad, Sharh wa Tarjumeh-ye Risâla al-Huqûq Imam Sajjad (Traduction et commentaire du traite des droit de l'Imam Sajjad), Qom, Dâl al-Ilm, 1384 h.s.
  10. Shaykh Tûsî, al-Mabsût, 387 h.l., vol. 7, pp. 248-249
  11. Muntazeri, Dirâsât fî Wilâyat al-Faqih, 1409, v.2, p. 201
  12. Ardebili, Zubdat al-Bayân, al-Maktabat al-Ja'fariyya li-Ahyâ' al-Âthâr al-Ja'fariyya, p. 308-309
  13. Shaykh Tûsî, al-Mabsût, 387 h.l., vol. 8, p. 163
  14. Shaykh Sadûq, Man lâ-Hahduruhu al-Faqih, 1413, v. 3, p. 183; Kulayni, al-Kâfi, v. 5, p. 794
  15. Shushtari, Qâdî Nur AllahAhqâq al-Haqq, 1409 h.l., v. 19, p. 430