Écrire le hadith

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Écrire le hadith (en arabe : كتابة الحديث) fait allusion à écrire les paroles du Prophète Muhammad (s) et des Ahl al-Bayt (a) qui était l'un des facteurs importants pour la préservation des hadiths et leur transmission aux générations suivantes. Les hadiths des Ahl al-Bayt (a) insistent sur l'importance d’écrire les hadiths. Ash-Shahîd ath-Thânî, le juriste chiite du 10e siècle de l’hégire, considérait l'écriture des hadiths comme obligatoire pendant son époque en raison de l'absence de livres de hadiths.

Pendant la vie du Messager de Dieu (s), les compagnons du Prophète écrivaient les hadiths et, à certaines occasions, le Prophète (s) dictait les hadiths à Imam Ali (a) et ce dernier les écrivait.
Mais, après le décès du Prophète et pendant les califats d'Abû Bakr et d'Umar b. al-Khattab, écrire les hadiths fut interdit. Les adeptes du sunnisme considèrent que l'interdiction d'écrire les hadiths était due à la prévention de la propagation de hadiths non authentiques et à la crainte que des livres soient placés aux côtés du Coran. Alors que l'histoire en témoigne, l'interdiction de la diffusion des hadiths conduisit à l’apparition de nombreux faux hadiths.
En revanche, selon les chiites, l'interdiction d'écrire les hadiths était motivée par le désir d'empêcher la diffusion des innombrables vertus du Prince des croyants, Ali (a). Après la levée de l'interdiction d'écrire les hadiths par Umar ibn Abd al-Aziz (63 - 101 H), de nombreux livres de hadiths furent écrits.

Au cours du premier siècle de l'hégire, où la politique dominante était l'interdiction d'écrire les hadiths, l'écriture des hadiths du Prophète (s) et ses Ahl al-Bayt (a) était également limitée, et de nombreux hadiths des quatre premiers Imams chiites furent perdus. Cependant, au deuxième siècle de l'hégire, avec la levée de l'interdiction d'écrire les hadiths, les chiites écrivirent de nombreux livres de hadiths.
Les livres de hadiths chiites de cette époque s’appelaient en arabe « ar-Risâla » (l’article), « al-Asl » (la source) et « al-Musannaf » (le recueil ou le livre). En peu de temps, des centaines de recueils de hadiths, dont les plus importants étaient les Quatre cent Sources (Usûl al-Arba‘a Mi’a), furent compilés.

Importance et statut

Écrire les hadiths ou écrire les paroles du Prophète Muhammad (s) et des Imams (a) joua un rôle crucial dans la préservation des hadiths islamiques.[1] Nûr ad-Dîn ‘Itr, un spécialiste sunnite de hadith, considère l'écriture des hadiths comme le moyen principal de préserver et de transmettre les hadiths aux générations futures.[2] Selon Sayyid Muhsin al-Amîn, l'auteur du livre « A‘yân ash-Shî‘a », les chiites écrivirent environ 6 600 livres de hadiths depuis l'époque du Commandeur des croyants (a) jusqu'à l'époque de l'Imam al-‘Askarî.[3]

Étant donné que les hadiths des Infaillibles (a) sont considérés, après le Coran, comme la deuxième source de connaissance des enseignements religieux, écrire les hadiths avait une grande importance à l'époque du Prophète (s) et des Imams (a).[4] Dans de nombreux hadiths, les Quatorze Immaculés (a) encouragent leur compagnons à écrire les hadiths.[5]
Ali Akbar Ghaffârî, un spécialiste chiite de hadith, cite un hadith du livre « Dalâ’il al-Imâma » pour souligner l'importance d’écrire des hadiths, dans lequel Ibn Mas ‘ûd rapporte :

« Un homme vint voir Fatima (a) et lui dit : ô fille du Messager d'Allah, est-ce que le Messager d'Allah (s) t'a laissé quelque chose que tu pourrais me donner ?
Elle a dit : ô servante, apporte-moi cette écharpe en soie.
Elle l’a cherché, mais ne la trouva pas, alors elle (Sayyida Fatima (a)) a dit : malheur à toi, cherche-la ; certes, auprès de moi cela équivaut à al-Hasan et al-Husayn, …  »[6]

Mais malheureusement, l'écriture des hadiths, qui était d'une telle importance, fut interdite sur ordre du deuxième calife.

La collecte des hadiths eut différentes caractéristiques à différentes époques ; par conséquent, les spécialistes des hadiths discutèrent des caractéristiques distinctes pour chaque période.[7] D’après ash-Shahîf ath-Thânî, un juriste chiite du 10e siècle de l’hégire, écrire le hadith peut être obligatoire ou recommandée en fonction de leur sujet et de leur importance.[8] Durant la vie d’ash-Shahîd ath-Thânî, en raison du manque de livres religieux en quantité suffisante, il considérait l'écriture des hadiths comme une obligation ‘Aynî.[9]

Ecrire les hadiths du Prophète Muhammad (s)

Selon de nombreux hadiths chiites et sunnites, le Prophète (s) recommandait d’écrire ses hadiths.[10] Nûr ad-Dîn ‘Itr, un spécialiste sunnite de hadith, croit que les hadiths qui prouvent l'écriture des hadiths pendant la vie du Messager d’Allah (s) sont Mutawâtir.[Note 1][11]
Bien que certaines sources sunnites mentionnent également des hadiths interdisant l'écriture des hadiths, Muhammad Mustafa al-‘Azmî, l'un des érudits sunnites, ne considère aucune d'entre elles comme authentiques.[12]
Pendant la vie de l’Envoyé de Dieu (s), certains compagnons recueillaient des compilations de hadiths intitulées « Sahîfa » sans être confrontés à une interdiction du Prophète lui-même (s), et certains d'entre eux étaient réalisés avec sa permission,[13] comme Sahîfa de Ubayy b. Râfi‘.[14]

Conformément à un hadith du livre « Rijâl an-Najâshî », le Prophète, lui-même, dictait les hadiths au Commandeur des croyants (a) et il les écrivait.[15] Ali Akbar Ghaffârî, un expert chiite en critique des manuscrits, considère le livre de Ali (a) comme le premier recueil compilé dans l'islam.[16] Ce livre est la plus ancienne collection de hadiths de l'islam.[17]
Selon Sayyid Hasan Sadr, parmi les compagnons du Messager de Dieu (s) et des Imams (a), Abû Râfi‘ (l'esclave du Prophète (s)) est le premier à avoir écrit des hadiths.[18] Salman al-Farisi, Abû Dharr al-Ghifârî et al-Asbagh b. Nubâta sont également mentionnés comme parmi les premiers chiites qui écrivaient et compilaient les hadiths.[19]
Mahdawî Râd, un chercheur de Hawza ‘Ilmîyya, mentionne dans son article nommé « Sahâbi wa Kitâbat Hadîth » (les Compagnons et l'écriture de hadith) le nom de 48 compagnons du Prophète (s) qui étaient actifs dans l'écriture des hadiths.[20] Selon lui, dans les anciens livres, les écrits des compagnons sont mentionnés sous le nom de « Sahîfa » ou « Nuskha ».[21]


Interdiction d'écrire de hadith

Article connexe : Interdiction des hadiths.

Écrire les hadiths du Prophète (s) fut interdit pendant le califat d'Abû Bakr et d'Umar b. al-Khattâb, et cette interdiction perdura jusqu'au califat d'Umar ibn Abd al-Aziz, soit environ 100 ans.[22] En plus d'interdire l'écriture des hadiths, Umar b. al-Khattâb interdit également de raconter les hadiths du Prophète (s) et pour cette raison, il emprisonna Abû Dardâ’ et d'Ibn Mas‘ûd.[23]

Du point de vue des sunnites, cette interdiction des hadiths était motivée par la crainte de mélanger les hadiths avec le Coran,[24] de prévenir les divergences parmi les musulmans,[25] de prévenir la diffusion de hadiths non authentiques[26] et de craindre l'émergence d'un livre aux côtés du Coran.[27]
Mais, étant donné que pendant l'époque du Prophète (s), les hadiths étaient écrits et collectés par les Sahaba et que l’Envoyé de Dieu (s) leur ordonnait également d’écrire les hadiths, on ne peut pas accepter ces justifications. Ce point est bien enregistré dans l'histoire de l'islam. Par exemple, certains compagnons tels qu’Abû Hurayra sont connus comme rapporteurs de hadiths.
Les chiites croient que l'une des raisons les plus importantes de l'interdiction des hadiths était d'empêcher la diffusion des vertus du Prince des croyants, Ali (a).[28]
Pour interdire d’écrire les hadiths, plusieurs conséquences furent mentionnées, telles que la destruction des premiers textes de hadiths, la fabrication de faux hadiths, la modification de la Tradition du Prophète et l’apparition de différentes sectes.[29] Cependant, certains auteurs estiment que l'interdiction d'écrire des hadiths de la part des sunnites ne nuisit pas au domaine des hadiths chiites.[30]

Levée de l'interdiction

L'interdiction d’écrire le hadith fut annulée pendant le califat d’Umar ibn Abd al-Aziz (63 - 101 h).[31] Selon Ibn Hajar al-’Asqalânî, l'un des érudits du hadith sunnites, parmi les sunnites, Ibn Shahâb az-Zuhrî est la première personne à avoir entrepris la collecte des hadiths sur ordre d'Umar ibn Abd al-Aziz en 100 h.[32]

De plus, as-Suyûtî, un autre auteur sunnite, considère des personnes telles que Mâlik b. Anas (93 - 179 h), Sufyân ath-Thawrî (97 - 161 h) et Ibn Jurayj (80 - 150 h) comme les premiers collecteurs de hadiths parmi les sunnites, qui rassemblèrent des hadiths dans différents domaines.[33]
Selon Rasûl Ja‘farîyân, un historien chiite iranien contemporain, bien que certains hadiths sunnites aient été écrits au deuxième siècle de l'hégire, l'écriture des hadiths n'était pas répandue jusqu'au début du troisième siècle de l'hégire, et certains ulémas sunnites les écrivaient à contrecœur et uniquement pour préserver leurs propres connaissances.[34]

Ecrire les hadiths des Ahl al-Bayt (a)

Au dire de Sayyed Hassan Sadr, un spécialiste du hadith du 14e siècle h, les chiites qui considèrent les hadiths des Imams (a) comme étant au même niveau que les hadiths du Prophète (s), accordaient une grande importance à écrire le hadiths dè le début, en suivant leurs Imams (a).[35]
Etant donné que la politique dominante dans la société avant l'époque de l’Imam al-Baqir (a) et de l’Imam as-Sâdiq (a) était d’interdire d’écrire le hadith, l'écriture des hadiths des chiites était également limitée. Par conséquent, certains chercheurs chiites estiment que beaucoup de hadiths des quatre premiers Imams chiites furent perdus.[36]

Cependant, durant son califat, le Commandeur des croyants, Ali (a) avait des scribes qui écrivaient ses lettres et ses ordres, dont certaines furent recueillies dans le livre Nahj al-Balâgha.[37]

Avec la levée de l'interdiction de l'écriture de hadith chez les sunnites, les Imams chiites encouragèrent leurs compagnons à écrire des hadiths et parfois, ils dictaient leurs enseignements à leurs élèves pour qu'ils les écrivent. Aussi, ils répondaient parfois par écrit aux questions des chiites.[38]

D’après Rasûl Ja‘farpiyân, de nombreux livres de hadiths furent écrits depuis l'époque de l'Imam as-Sâdiq (a).[39] Une partie des hadiths chiites de cette époque furent compilées sous les titres de « ar-Risâla » (l’article),[40] « al-Asl » (la source) et « al-Musannaf » (le recueil ou le livre).[41]

Les al-Asl (les sources) étaient des livres de hadith dont les auteurs avaient entendu directement les hadiths de l'Imam (a) ou par l'intermédiaire d'un seul transmetteur.[42] Ces livres devinrent par la suite une source pour d'autres livres.[43] Avec les recommandations des Imams (a) en faveur de l'écriture et l'enthousiasme des compagnons pour sa rédaction, des centaines d’al-Asl furent rédigés en peu de temps,[44] dont les plus importants étaient les Quatre cent Sources (Usûl al-Arba‘a Mi’a).[45]
Les al-Musannaf étaient également des livres de hadiths dans lesquels les auteurs ne se contentaient pas seulement de transmettre les hadiths, mais exprimaient également leurs propres opinions sur la chaîne de transmission et le contenu du hadith.[46]

Note

  1. Le mot « Mutawâtir » est une caractéristique des hadiths qui sont rapportés par des chaînes de transmission et des personnes différentes et nombreuses de manière à garantir la véracité de hadith.

Références

  1. Ma‘ârif, « Barrisî Siyr Târîkhî Kitâbat Hadîth dar Shî‘i », p 74
  2. ‘Itr, Manhaj an-Naqd fî ‘Ulûm al-Hadîth, p 39 - 40
  3. Al-Amîn, A‘yân ash-Shî‘a, vol 1, p 140
  4. Tawhîdî, « Barrisî Kitâbat Hadîth dar Duwri Sahâbi », p 87
  5. At-Tirmidhî, Sunan at-Tirmidhî, vol 5, p 39 ; Cheikh al-Kulaynî, Al-Kâfî, vol 1, p 52, hadith 8, 9 et 10 ; Ibn Shu‘ba al-Harrânî, Tuhaf al-‘Uqûl, p 36
  6. At-Tabarî, Dalâ’il al-Imâmat, p 65 - 66
  7. Ma‘ârif, « Tadwîn Hadîth », p 750
  8. As-Shahîd ath-Thânî, Munyat al-Murîd, p 339
  9. As-Shahîd ath-Thânî, Munyat al-Murîd, p 339
  10. As-Saffâr al-Qummî, Basâ’ir ad-Darajât, p 167 ; Cheikh as-Sadûq, Al-Amâlî, p 401 ; Ibn Shu‘ba al-Harrânî, Tuhaf al-‘Uqûl, p 36 ; Abî Dâwûd, Sunan Abî Dâwûd, vol 3, p 318 ; Al-Khatîb al-Baghdâdî, Taqyîd al-‘Ilm, p 66 - 81
  11. ‘Itr, Manhaj an-Naqd fî ‘Ulûm al-Hadîth, p 40
  12. Al-A‘zamîy, Dirâsât fî al-Hadîth an-Nabawîy wa Târîkh Tadwînih, p 80
  13. Ibn Habbân, Sahîh Ibn Habbân, vol 1, p 265
  14. Mûsawî Bîrjandî, « Man‘ Kitâbat wa Intishâr Hadîth wa Sunnat Nabawî », p 76
  15. Najâshî, Rijâl an-Najâshî, p 360
  16. Ghaffârî, Talkhîs Miqbâs al-Hidâya, p 227
  17. Nâjî Isfahânî, « Bâzjust Kitâb ‘Alî », p 7
  18. Ayatollah Sadr, Ta’sîs ash-Shî‘a li ‘Ulûm al-Islâm, p 280
  19. Ayatollah Sadr, Ta’sîs ash-Shî‘a li ‘Ulûm al-Islâm, p 280 - 281
  20. Mahdawî Râd, « Sahâbi wa Kitâbat Hadîth », p 10 - 40
  21. Mahdawî Râd, « Sahâbi wa Kitâbat Hadîth », p 10
  22. Ibn Hajar al-‘Asqalânî, Fath al-Bârî, vol 1, p 208
  23. Adh-Dhahabî, Tadhkira al-Huffâz, vol 1, p 12
  24. Adh-Dhahabî, Tadhkira al-Huffâz, vol 1, p 9
  25. Adh-Dhahabî, Tadhkira al-Huffâz, vol 1, p 9
  26. Al-Muttaqî al-Hindî, Kanz al-‘Ummâl, vol 10, p 285
  27. Adh-Dhahabî, Tadhkira al-Huffâz, vol 1, p 291 - 292
  28. Ash-Shahristânî, Man‘ Tadwîn al-Hadîth, p 67
  29. Subhânî, Farhang ‘Aqâ’id wa Madhâhib Islâmî, p 91 - 96 ; Husiynî, « Pîyâmadhâyi Naql Hadîth », p 60 - 69
  30. Tabâtabâ’î, Târîkh Hadîth, vol 1, p 5
  31. As-Suyûtî, Tadrîb ar-Râwî, vol 1, p 94
  32. Ibn Hajar al-‘Asqalânî, Fath al-Bârî, vol 1, p 208
  33. As-Suyûtî, Tadrîb ar-Râwî, vol 1, p 93
  34. Ja‘farîyân, « Târîkh Tadwîn Hadîth », p 93
  35. Ayatollah Sadr, Ta’sîs ash-Shî‘a li ‘Ulûm al-Islâm, p 279
  36. Ma‘ârif, « Barrisî Siyr Târîkhî Kitâbat Hadîth dar Shî‘i », p 79
  37. Ma‘ârif, « Barrisî Siyr Târîkhî Kitâbat Hadîth dar Shî‘i », p 81
  38. Ma‘ârif, « Barrisî Siyr Târîkhî Kitâbat Hadîth dar Shî‘i », p 82
  39. Ja‘farîyân, « Târîkh Tadwîn Hadîth », p 99
  40. Ma‘ârif, « Barrisî Siyr Târîkhî Kitâbat Hadîth dar Shî‘i », p 82
  41. ‘ shûrî, « Pazhûhishî Pîrâmûn Usûl Arba‘a Mi’a », p 49
  42. Cheikh Âqâ Buzurg at-Tahrânî, Adh-Dharî‘a, vol 2, p 125
  43. Cheikh Âqâ Buzurg at-Tahrânî, Adh-Dharî‘a, vol 2, p 125
  44. Ma‘ârif, « Barrisî Siyr Târîkhî Kitâbat Hadîth dar Shî‘i », p 84
  45. ‘ shûrî, « Pazhûhishî Pîrâmûn Usûl Arba‘a Mi’a », p 58
  46. ‘Allâma Shûshtarî, Qâmûs ar-Rijâl, vol 1, p 65