Déclaration des versets d’al-Barâ’a

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Déclaration des versets d’al-Barâ’a (en arabe : إبلاغ آيات البراءة) par le Prince des croyants Ali (a) des premiers versets de la sourate at-Tawba à La Mecque devant les polythéistes qui eut lieu au mois de Dhu al-Hijja de l'an 9 de l'Hégire. Le Prophète Muhammad (s) en avait d'abord chargé Abû Bakr b. Abî Quhâfa ; mais sur l'ordre de Dieu, il les lui reprit et les confia au Prince des croyants Ali (a). Le hadith qui rapporte cet événement fut transmis de façon récurrente dans les sources chiites et sunnites.

Cet événement est considéré dans les sources comme l'une des vertus de l'Imam Ali (a). De plus, selon des hadiths rapportés dans les sources chiites et sunnites, le Prince des croyants Ali (a) s'est appuyé sur cet événement pour prouver sa supériorité sur les autres Sahaba et son droit au califat après le décès du Messager d’Allah (a).

Importance et statut

La déclaration et la lecture des versets initiaux de la sourate at-Tawba connu sous le nom des versets d’al-Barâ’a par l'Imam Ali (a) en l'an 9 de l'Hégire devant l'assemblée des polythéistes à La Mecque compte parmi les vertus de l'Imam Ali (a).[1] Dans son livre illustre, al-Ghadîr, ‘Allâma Amînî affirme que cet événement fut rapporté dans diverses sources chiites et sunnites.[2]

Détails de l’événement

Les versets d’al-Barâ’a furent révélés à la fin de l'an 9 de l'Hégire[3] et le Prophète Muhammad (s) reçut l'ordre de les annoncer aux polythéistes lors du pèlerinage à La Mecque au mois de Dhu al-Hijja de la même année.[4]

Les détails de cette annonce sont rapportés dans les sources historiques et hadiths chiites et sunnites : lorsque les dix versets du début de la sourate al-Barâ’a (c’est un autre nom de la sourate at-Tawba) furent révélés à l’Envoyé de Dieu (s), il convoqua Abû Bakr b. Abî Quhâfa et l'envoya pour lire les versets au peuple de La Mecque. Puis le Prophète (s) convoqua l'Imam Ali (a) et lui ordonna de suivre Abû Bakr, et de reprendre l'écrit dès qu'il le rattraperait pour l'apporter au peuple de La Mecque et le leur lire. Le Commandeur des croyants Ali (a) rattrapa Abû Bakr à Juhfa et reprit l'écrit des versets. Abû Bakr retourna vers le Messager d’Allah (s) et dit :

« Ô Prophète de Dieu !, quelque chose fut-il révélé à mon sujet ? »

Il répondit :

« Non, mais Gabriel vint à moi et dit : le message de ta part ne sera porté que par toi-même ou un homme qui fait partie de toi. »[5]

Cet événement fut rapporté de façon récurrente et Mutawâtir[Note 1] par de nombreux transmetteurs.[6] Il existe des divergences mineures entre ces rapports, comme le fait que le Prophète (s) confia d'abord le message à Abû Bakr et Umar (et non seulement Abû Bakr), puis envoya Ali (a) à leur poursuite, ou que l'endroit où l’Imam Ali (a) rattrapa Abû Bakr fut Dhu al-Hulayfa.[7]

Raison de la révélation des versets d’al-Barâ’a

La Mecque, principal centre du polythéisme face au Prophète (s),[8] tomba aux mains des musulmans lors de la Conquête de La Mecque en l'an 8 de l'Hégire.[9] Cependant, certaines tribus résistaient encore à l'islam.[10] Puis, en l'an 9 de l'Hégire, connue sous le nom de l’année d’Wufûd,[Note 2] de nombreuses tribus envoyèrent des délégations au Messager de Dieu (s) pour annoncer leur conversion à l'islam.[11]

Avec ce changement de l'équation politique en faveur de l'islam, les versets d’al-Barâ’a furent révélés, déclarant l'existence du polythéisme inacceptable et intolérable.[12] On dit aussi, concernant la révélation de ces versets, que les polythéistes violèrent le pacte conclu avec l’Envoyé d’Allah (s) lors du pacte d’al-Hudaybîyya, par lequel ils s'engageaient à laisser La Mecque vide pendant trois jours pour le pèlerinage des musulmans,[13] en tournant nus autour de la Kaaba pendant la saison du pèlerinage.[14] Les exégètes du Coran, sur le commentaire de ces versets évoquèrent les violations répétées du pacte par les polythéistes.[15]

Contenu du message du Prophète (s)

Le Commandeur des croyants Ali (a) arriva à La Mecque dans l'après-midi du jour de l'Aïd al-Adha et s’identifia comme envoyé du Prophète (s), récita les premiers versets de la sourate at-Tawba, puis déclara :

« Dorénavant, nul ne doit faire le Tawâf (tourner autour de la kaaba) nu. Aucun polythéiste n'a le droit de venir en pèlerinage l'année prochaine. Tout pacte conclu par un polythéiste avec le Messager de Dieu est valable pendant quatre mois. »[16]

Il est dit dans le livre « Târîkh al-Ya‘qûbî » que l'Imam Ali (a) récita les versets aux gens de La Mecque, leur dit :

« Quiconque a conclu avec le Messager de Dieu un pacte de quatre mois, celui-ci respectera son pacte. Quiconque n'a pas de pacte ni d’engagement se voit accorder un délai de cinquante nuits. »[17]

On dit que le retrait de délai aux polythéistes était dû à leur violation des pactes. Car Allah dit dans la suite des premiers versets de la sourate at-Tawba de respecter les pactes avec les polythéistes qui ne les ont pas rompus jusqu'à leur terme.[18]

Vertus de l'Imam Ali (a)

Dans les sources chiites et sunnites comme le livre « al-Ihtijâj »[19] de chiekh at-Tabrisî et le livre « Manâqib al-Imâm Ali b. Abî Tâlib »[20] écrit par Ibn al-Maghâzilî, il est dit que l'Imam Ali (a) s'appuya sur cet événement pour prouver sa supériorité sur les autres Compagnons du Prophète et son droit au califat.

De plus, la déclaration des versets d’al-Barâ’a est présentée dans les ouvrages chiites et sunnites parmi les vertus du Commandeur des croyants Ali (a). Du côté chiite, on peut citer les livres « al-Irshâd » de cheikh al-Mufîd (d. 413 h / 1023 c),[21] « Kashf al-Yaqîn » de ‘Allâma al-Hillî (d. 726 h / 1326 c)[22] et al-Manâqib d’Ibn Shahrâshûb (d. 588 h / 1192 c).[23] Du côté sunnite, on peut citer les ouvrages « al-Bidâya wa an-Nihâya » d’Ibn Kathîr[24] et al-Manâqib d’al-Khârazmî (d. 568 h / 1173 c).[25]

Certains savants sunnites dirent que la déposition d'Abû Bakr dans cette affaire et l'envoi de l’Imam Ali (a) ne prouvent pas la supériorité de l'Imam Ali (a), car la raison de cet envoi est qu'il était de coutume à cette époque parmi les Arabes que l'annulation d'un pacte devait être faite par celui qui l'avait conclu ou par un de ses proches.[26]
Mais en réponse, les savants chiites considèrent que la mission du Commandeur des croyants Ali (a) témoigne du partage de la mission entre l'Imam Ali (a) et le Prophète Muhammad (s). Car cette mission n'était pas seulement de renier les polythéistes, ce qui est le devoir de tous les croyants, mais aussi d'annoncer et de communiquer les nouveaux préceptes divins et que Dieu dit à Son Messager qu’il doit déclarer le message lui-même ou l’homme qui fait partie du Prophète ; et puisque Ali (a) était la seule personne qui faisait partie du Messager de Dieu (s), ce dernier le choisit donc au lieu d’Abû Bakr, ce qui indique sa supériorité.[27]

Note

  1. Un hadith Mutawâtir est un hadith rapporté par de nombreuses chaînes de transmetteurs et différentes sources, de telle sorte que l'on en soit certain de l'authenticité du hadith.
  2. L'année où de nombreuses délégations représentant diverses tribus vinrent à Médine auprès du Prophète (s) pour embrasser l'islam et déclarer leur allégeance.

Références

  1. Cheikh al-Mufîd, Al-Irshâd, vol 1, p 65 ; Al-Khârazmî, Al-Manâqib, vol 1, p 165
  2. Al-‘Allâmat al-Amînî, Al-Ghadîr fî al-Kitâb wa as-Sunna wa al-Adab, vol 6, p 338 - 341
  3. Cheikh at-Tabrisî, Majma‘ al-Bayân, vol 5, p 3 ; Ibn Hishâm, As-Sîrat an-Nabawîyya, vol 2, p 545 ; Al-‘Ayyâshî, Tafsîr al-‘Ayyâshî, vol 2, p 73
  4. Ibn Kathîr, Al-bidâya wa an-Nihâya, vol 5, p 36 - 37 ; Rashâd, Dânishnâmi Imâm ‘Alî, vol 8, p 209
  5. Ibn ‘Asâkir, Târîkh Madîna Damishq, vol 42, p 348 ; Ibn Hanbal, Musnad, vol 2, p 427 ; Ahmad ibn Hanbal, Fadâ’il as-Sahâba, vol 2, p 703 ; Ibn Sa‘d, At-Tabaqât al-Kubrâ, vol 1, p 168 ; Cheikh al-Mufîd, Al-Amâlî, p 56
  6. Al-‘Allâmat al-Amînî, Al-Ghadîr fî al-Kitâb wa as-Sunna wa al-Adab, vol 6, p 338 - 341
  7. Ibn Hanbal, Musnad, vol 4, p 423 ; Ahmad ibn Hanbal, Fadâ’il as-Sahâba, vol 2, p 703
  8. Rashâd, Dânishnâmi Imâm ‘Alî, vol 8, p 209
  9. At-Tabarî, Târîkh al-Umam wa al-Mulûk, vol 3, p 42
  10. Rashâd, Dânishnâmi Imâm ‘Alî, vol 8, p 209
  11. Âyatî, Târîkh Payâmbar Islâm Muhammad, p 537
  12. Rashâd, Dânishnâmi Imâm ‘Alî, vol 8, p 209
  13. Ya‘qûbî, Târîkh al-Ya‘qûbî, vol 2, p 54
  14. Ibn Kathîr, Tafsîr al-Qur’ân al-‘Azîm, vol 4, p 89 - 90
  15. Ayatollah Makârim Shîrâzî, Tafsîr Nimûni, vol 2, p 272
  16. Al-‘Ayyâshî, Tafsîr al-‘Ayyâshî, vol 2, p 74 ; Ibn Kathîr, Al-bidâya wa an-Nihâya, vol 5, p 37
  17. Ya‘qûbî, Târîkh al-Ya‘qûbî, vol 2, p 76
  18. ‘Allâma Tabâtabâ’î, Al-Mîzân, vol 9, p 147
  19. Cheikh at-Tabrisî, Al-Ihtijâj, vol 1, p 144
  20. Ibn al-Maghâzilî, Manâqib al-Imâm Ali b. Abî Tâlib, p 170
  21. Cheikh al-Mufîd, Al-Irshâd, vol 1, p 165
  22. ‘Allâma al-Hillî, Kashf al-Yaqîn, p 172
  23. Ibn Shahrâshûb, Al-Manâqib, vol 2, p 126
  24. Ibn Kathîr, Al-bidâya wa an-Nihâya, vol 7, p 357
  25. Al-Khârazmî, Al-Manâqib, vol 1, p 165
  26. Al-Fakhr ar-Râzî, At-Tafsîr al-Kabîr, vol 15, p 523 ; Rashîd Ridâ, Al-Manâr, vol 10, p 139
  27. Rashâd, Dânishnâmi Imâm ‘Alî, vol 8, p 210 ; ‘Allâma Tabâtabâ’î, Al-Mîzân, vol 9, p 164 - 168