Ghazwa de Banî Qaynuqâ‘

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Ghazwa de Banî Qaynuqâ‘ (en arabe : غزوة بني قَينُقاع) fut la prmière bataille qui eut lieu entre le Prophète Muhammad (s) et les Juifs de Médine en l'an 2 de l'Hégire (624 c). La tribu de Banî Qaynuqâ‘ contrôlait l'un des marchés arabes les plus célèbres et détenait le pouvoir économique à Médine. Avec le renforcement du Messager de Dieu (s) à Médine, Banî Qaynuqâ‘ se sentirent menacés et s'opposèrent aux musulmans. Ils agressèrent une femme musulmane, violant le pacte de Médine. Le 15 Shawwâl de la deuxième année de l'Hégire (10 avril 624), les musulmans assiégèrent leur forteresse. Après 15 jours de siège, les juifs de Banî Qaynuqâ‘ se rendirent au Prophète (s) et furent exilés vers le Cham sur son ordre.

‘Ibâdat b. as-Sâmit et Abd Allah Ubayy qui étaient de la tribu de Khazradj, étaient alliés avec les juifs de Banî Qaynuqâ‘. Après la déclaration de la guerre entre la tribu de Banî Qaynuqâ‘ et musulmans, ‘Ibâdat b. as-Sâmit se désolidarisa d'eux alors que Abd Allah Ubayy, le chef des hypocrites de Médine, ne le fit pas.

Avec la défaite de Banî Qaynuqâ‘, les musulmans acquirent de nombreux butins. On dit que le précepte de Khums fut appliqué pour la première fois dans cette bataille.
Après l'exil des juifs de Banî Qaynuqâ‘, l'unité politico-religieuse régna à Médine qui passa totalement sous contrôle musulman.
Le porte-étendard de l’Envoyé de Dieu (s) dans cette mission fut l’oncle du Prophète (s), Hamzat b. Abd al-Muttalib et le Messager d’Allah (s) nomma Abû Lubâba al-Ansârî comme son successeur à Médine.

Tribu de Banî Qaynuqâ‘

La tribu de Banî Qaynuqâ‘ était l'une des tribus juives les plus célèbres qui habitait à Médine aux premières années de l'islam.[1] Selon certaines sources, la tribu de Banî Qaynuqâ‘ furent présentés comme les premiers habitants de Médine.[2] Cependant, certains historiens considèrent les ‘Amâlaqa comme les premiers habitants de Médine, et Banî Qaynuqâ‘ comme la deuxième tribu qui s'installa à Médine.[3]

Après leur installation à Yathrib, ils s'allièrent à la tribu de Khazradj,[4] contrairement aux autres tribus juives comme Banî Qurayza et Banî an-Nadîr qui s'allièrent à la tribu d’Aws. La tribu de Banî Qaynuqâ‘ habitait au sud-ouest de Médine.[5]
Il apparaît des sources historiques qu'il y avait une concurrence entre ces tribus juives ce qui mena à plusieurs guerres entre elles.[6]

Le marché de Banî Qaynuqâ‘ était l'un des marchés arabes les plus renommés,[7] qui avait lieu quelques fois par an et ils en étaient fiers.[8] Banî Qaynuqâ‘ n'avait pas de terres agricoles ni de palmiers à Médine, et leur métier était l'orfèvrerie[9] et la forge.[10]

Ayatollah Ja‘far Subhânî, l'auteur du livre « Furûgh Abadîyyat », croit que le pouvoir économique de Médine était entre les mains de Banî Qaynuqâ‘.[11] La tribu de Banî Qaynuqâ‘, après leur défaite face aux musulmans et leur exil vers al-Cham, fut anéantit (un an[12]) après une courte période.[13]

Importance de Ghazwa de Banî Qaynuqâ‘ dans l'histoire de l'islam

Ghazwa de Banî Qaynuqâ‘, le septième Ghazwa du Prophète (s)[14] et la première bataille qui eut lieu entre lui et les juifs.[15] Avec la défaite de Banî Qaynuqâ‘, l'une des tribus juives les plus courageuses de Médine, les autres tribus juives craignaient le pouvoir du Prophète (s) et évitèrent d'attaquer les musulmans pendant un certain temps.[16] De même, les musulmans gagnèrent plus de confiance en eux-mêmes et mirent de côté la peur et le doute.[17]

Avec l'expulsion des Juifs de Banî Qaynuqâ‘ de Médine, l'unité politico-religieuse s’établit dans la ville et la majorité absolue passa aux mains des musulmans.[18] Dans la guerre de Banî Qaynuqâ‘, le Messager d’Allah (s) démontra sa fermeté en matière de gouvernement et réfuta l’idée des juifs qui pensaient que sa tolérance et indulgence découlait de sa peur.[19] Certains chercheurs croient que Ghazwa de Banî Qaynuqâ‘ fut un test pour les gens de Médine, notamment la tribu de Khazradj, afin d’évaluer leur attachement au Prophète (s) et à l’islam face aux pactes tribaux. Dans ce test, la plupart des gens (sauf quelques-uns comme Abd Allah b. Ubayy) démontrèrent leur loyauté à l’islam.[20]

Cause de la bataille

Après la migration des musulmans à Médine, le Prophète Muhammad (s) écrivit un document appelé « Dustûr al-Madîna » (la Constitution de Médine), qui régissait les relations entre tous les citoyens de Médine, entre les musulmans d'une part et entre les musulmans et les juifs d'autre part, à condition que les juifs aient leur religion et se tiennent aux côtés des musulmans, et si une guerre éclate contre les musulmans ils doivent les soutenir financièrement, et qu'il y ait paix entre les deux groupes.[21] Les sources historiques mentionnent que Banî Qaynuqâ‘ fut la première tribu juive à rompre son accord.[22]

Les historiens mentionnèrent qu'il y avait quelques raisons qui conduisirent à Ghazwa de Banî Qaynuqâ‘ et à leur expulsion de Médine, dont :

  • Les juifs propageaient de fausses rumeurs, affichant leur foi le matin et redevenant mécréants le soir, semant ainsi des doutes dans le cœur des faibles musulmans et rendant la vie dure aux croyants avec qui ils avaient des liens financiers. Ils agissaient ainsi même avant Badr, en dépit du pacte qu'ils avaient conclu avec l'Envoyé de Dieu (s).
  • Après le retour du noble Prophète (s) de la bataille de Badr, durant la 2e année de l’Hégire, il se rendit au marché de Banî Qaynuqâ‘ et leur demanda de se convertir à l'islam et de tirer les leçons de ce qui était arrivé aux idolâtres à Badr. Mais ils répondirent :
« Penses-tu que nous sommes comme ton peuple ? Tu as affronté des gens ignorants dans l'art de la guerre et tu en as profité. Par Allah ! Si nous te combattons, tu sauras que nous sommes des guerriers. »[23]
  • Ce qui est arrivé à une femme musulmane qui était l’épouse d'un des Ansar. Elle apportait du lait pour le vendre au marché de Banî Qaynuqâ‘ et s’assit auprès d’un bijoutier. Un jeune juif souleva alors son hijab, elle résista et le rabaissa. Le bijoutier attrapa le pan de sa robe et l’attacha dans son dos, si bien qu’en se levant, elle se retrouva son corps. Ils éclatèrent de rire tandis qu’elle criait. Un musulman se précipita alors sur le bijoutier et tua le juif. Les juifs à leur tour s’acharnèrent sur le musulman et le tuèrent.[24]

Temps de la bataille

Conformément à la plupart des historiens, Ghazwa de Banî Qaynuqâ‘ eut lieu le 15 Shawwâl de la deuxième année de l'Hégire (10 avril 624) après la bataille de Badr, [25] et se termina le premier Dhul Qa‘da (25 avril 624).[26]
Dans un autre rapport, cet événement se déroula au mois de Safar de la troisième année de l'Hégire.[27]

Dans un autre rapport, il est dit que lorsque le Prophète Muhammad (s) vainquit la tribu de Banî Qaynuqâ‘ et revint à Médine, c'était la fête d’al-Adhâ (le 10 Dhu al-Hijja) et que pour la première fois, il accomplit avec les gens la prière de l’Aïd al-Adhâ.[28] Il fut également dit que l'exil des Banû Qaynuqâ‘ et des Banî Nadîr eut lieu en même temps.[29] Selon certains historiens, les divergences entre les rapports sur la datation de cet évènement rendent difficile de déterminer avec précision la date exacte de celui-ci.[30]

Victoire des musulmans

Avec le début de la guerre contre Banî Qaynuqâ‘, les juifs se réfugièrent dans leurs forteresses et les musulmans les assiégea pendant 15 jours.[31] Al-Mas‘ûsdî estime le nombre des juifs assiégés à quatre cents.[32] Le Prophète (s) nomma Abû Lubâba al-Ansârî comme son successeur à Médine.[33]

On dit que le drapeau de l'armée du Prophète (s) dans cette bataille était blanc et entre les mains de Hamza, l'oncle du Messager de Dieu (s).[34] Cependant, Sayyid Ja‘far al-‘Âmilî, l'auteur du livre « as-Sahîh min Sîrat an-Nabîyy al-A‘zam », croit que le drapeau de l’Envoyé d’Allah (s) dans cette bataille était noir et que le porte-drapeau du noble Prophète (s) dans toutes les batailles, y compris celle-ci, était le Commandeur des croyants, l'Imam Ali (a).[35]
Après 15 jours, les juifs de Banî Qaynuqâ‘ se rendirent au Prophète Muhammad (s) et furent exilés à al-Cham sur son ordre et s'installèrent dans une région nommée Adhra‘ât (qui est la ville actuelle de Deraa).[36]

Position des alliés de Banû Qaynuqâ‘

‘Ibâdat b. as-Sâmit et Abd Allah b. Ubayy, tous deux de la tribu de Khazradj, étaient alliés avec les juifs de Banû Qaynuqâ‘. ‘Ibâdat b. as-Sâmit annonça qu'il se désolidarisait d'eux et dit au Prophète Muhammad (s) :

« Ô Messager d’Allah, je me désavoue devant Allah et Son Messager de leur alliance. Je m’attache à Allah, à Son Messager et aux croyants. Je me désavoue de l’alliance de ces mécréants et de leur autorité. »[37]

Quant à Abd Allah b. Ubayy, le chef des hypocrites de Médine, il ne se désolidarisa pas d’eux. Il leur dit de se fortifier et imagina qu’il entrerait avec eux, mais il les trahit et refusa de les rejoindre.[38] Après leur reddition, Abd Allah b. Ubayy tenta d’intercéder auprès de l’Envoyé de Dieu (s) pour ne pas les tuer. Suite à ses insistances, le Messager d’Allah (s) les laissa partir sans leur faire de mal, tout en les bannissant hors de Médine et maudit les juifs ainsi qu’Ibn Ubayy.[39]

Butins et promulgation du précepte de Khums

Les musulmans acquirent de nombreuses armes et outils d'orfèvrerie des forteresses de Banî Qaynuqâ‘.[40] Selon at-Tabarî et al-Mas‘ûdî, les historiens du 4e siècle de l’Hégire, le Prophète (s) distribua le butin acquit entre ses compagnons et prit le cinquième (Khums) pour la première fois.[41]

Sayyid Ja‘far Murtadâ doute que le précepte de Khums ait été promulguée pour la première fois dans cette bataille.[42] Il croit également que les biens obtenus lors de cette bataille étaient Fay’[Note 1] qui appartenaient toutes au noble Prophète (s). Cependant, le Messager d’Allah (s) fit preuve de générosité et partagea les biens entre les musulmans.[43] En tant que safw al-Ghanâ’im (c'est-à-dire la part du butin que le commandant garde pour lui-même),[44] le noble Prophète (s) choisit trois arcs, deux armures, trois épées et trois lances. Il offrit deux armures à Muhammad b. Maslama et Sa‘d b. Mu‘âdh.[45] D’après certains, l'une de ces deux armures était celle que le Prophète David (a) portait lorsqu'il tua Goliath.[46]

Voir aussi

Note

  1. Fay’ désigne les biens qui échoient aux musulmans sans combat, de manière pacifique.

Références

  1. Yâqût al-Hamawî, Mu‘jam al-Buldân, vol 4, p 424
  2. As-Samhûdî, Wafâ’ al-Wafâ’, vol 1, p 126
  3. As-Samhûdî, Wafâ’ al-Wafâ’, vol 1, p 126
  4. Ibn Hishâm, As-Sîrat an-Nabawîyya, vol 1, p 540 ; At-Tabarî, Târîkh al-Umam wa al-Mulûk, vol 2, p 586
  5. Ibn Hishâm, As-Sîrat an-Nabawîyya, vol 2, p 47
  6. Cheikh Khâlid, Mujtama‘ al-Madîna Qabl al-Hijrat wa Ba‘dihâ, p 39
  7. Jawâd ‘Alî, Al-Mufassal fî Târîkh al-‘Arab Qabl Islâm, vol 14, p 59
  8. As-Samhûdî, Wafâ’ al-Wafâ’, vol 1, p 95
  9. At-Tabarî, Târîkh at-Tabarî, vol 2, p 481
  10. Bal‘amî, Târîkhnâmiyi Tabarî, vol 3, p 151
  11. Ayatollah Subhânî, Furûgh Abadîyyat, vol 1, p 512
  12. Al-Halabî, As-Sîrat al-Halabîyya, vol 2, p 487
  13. Al-Balâdhurî, Ansâb al-Ashrâf, vol 1, p 309 ; Ibn al-Athîr al-Jazarî, Al-Kâmil fi at-Târîkh, vol 2, p 138
  14. An-Nuwayrî, Nahâyat al-Arab, vol 17, p 1
  15. Al-Wâqidî, Al-Maghâzî, vol 1, p 177
  16. As-Sallâbîy, Ghazawât ar-Rasûl, p 91
  17. Al-‘Âmilî, As-Sahîh min Sîrat an-Nabîyy al-A‘zam, vol 7, p 40
  18. Ayatollah Subhânî, Furûgh Abadîyyat, vol 1, p 516
  19. Hasanî, Sîrat al-Mustafâ, p 375
  20. Salhab, Ghazawât ar-Rasûl (s) wa Sarâyâh, p 124
  21. Ibn Hishâm, As-Sîrat an-Nabawîyya, vol 1, p 503 - 504
  22. Ibn Ishâq, As-Sîrat an-Nabawîyya, vol 1, p 323
  23. Al-Halabî, As-Sîrat al-Halabîyya, vol 2, p 284 - 285
  24. Ibn Hishâm, As-Sîrat an-Nabawîyya, vol 2, p 561 ; Al-Wâqidî, Al-Maghâzî, vol 1, p 176
  25. As-Sallâbîy, Ghazawât ar-Rasûl, p 88
  26. Al-Wâqidî, Al-Maghâzî, vol 1, p 176 ; Al-Mas‘ûdî, At-Tanbîh wa al-Ishrâf, p 206
  27. At-Tabarî, Târîkh at-Tabarî, vol 2, p 481 ; Al-Maqrîzî, Imtâ‘ al-Asmâ‘, vol 8, p 347
  28. At-Tabarî, Târîkh at-Tabarî, vol 2, p 482 ; Al-Maqrîzî, Imtâ‘ al-Asmâ‘, vol 8, p 347
  29. Ibn Hajar al-‘Asqalânî, Fath al-Bârî, vol 7, p 332
  30. Farhâdî Munfarid, Dânishnâmiyi Jahân Islâm, « Banî Qaynuqâ‘ », vol 4, p 471
  31. Al-Wâqidî, Al-Maghâzî, vol 1, p 177
  32. Al-Mas‘ûdî, At-Tanbîh wa al-Ishrâf, p 206
  33. At-Tabarî, Târîkh at-Tabarî, vol 2, p 481
  34. At-Tabarî, Târîkh at-Tabarî, vol 2, p 481
  35. Al-‘Âmilî, As-Sahîh min Sîrat an-Nabîyy al-A‘zam, vol 7, p 37 - 38
  36. Al-Mubârakfuwrî, Ar-Rahîq al-Makhtûm, p 217 ; At-Tabarî, Târîkh at-Tabarî, vol 2, p 480 ; Al-Balâdhurî, Ansâb al-Ashrâf, vol 1, p 309
  37. Ibn Ishâq, As-Sîrat an-Nabawîyya, vol 1, p 324
  38. Al-Wâqidî, Al-Maghâzî, vol 1, p 178
  39. Ibn Sa‘d, At-Tabaqât al-Kubrâ, vol 2, p 29
  40. Al-Wâqidî, Al-Maghâzî, vol 1, p 179
  41. At-Tabarî, Târîkh at-Tabarî, vol 2, p 481 ; Al-Mas‘ûdî, At-Tanbîh wa al-Ishrâf, p 207
  42. Al-‘Âmilî, As-Sahîh min Sîrat an-Nabîyy al-A‘zam, vol 7, p 39
  43. Al-‘Âmilî, As-Sahîh min Sîrat an-Nabîyy al-A‘zam, vol 7, p 38
  44. ‘Abd al-Mun‘im, Mu‘jam al-Mustalahât wa al-Alfâz al-Fiqhîyya, vol 2, p 374
  45. Al-Wâqidî, Al-Maghâzî, vol 1, p 178 - 179
  46. As-Samhûdî, Wafâ’ al-Wafâ’, vol 1, p 215