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Ghinâ’

De wikishia

Al-Ghinâ’ (en arabe : الغِنَاء) signifie le chant et en fiqh islamique, son précepte jurisprudentiel (Hukm ash-Sharʿî) fait l’objet de discussions. Les Fuqahâ’ (Jurisconsultes) proposent des définitions divergentes d'al-Ghinâ’. Certains le considèrent simplement comme un chant accompagné de Tarjî‘ (vibrations vocales). D'autres le définissent comme un chant au contenu vain (Bâtil), accompagné de musique et adapté aux assemblées de Lahw (divertissement) et La‘ib (jeu) .

La majorité des juristes chiites des quatorzième et quinzième siècles de l'Hégire lunaire considèrent comme Harâm (interdit) uniquement le chant qui correspond à la seconde définition d'al-Ghinâ’ ; cependant, certains émettent une Fatwâ sur le caractère Harâm de tout type de chant.

Définition jurisprudentiel d'al-Ghinâ’

Dans la littérature des jurisconsultes, on observe diverses définitions d'al-Ghinâ’. Certains ont pris en compte la simple nature sonore et vocale de celui-ci. D'autres se sont concentrés sur le contenu du chant. Selon l'avis de certains savants tels que al-‘Allâma al-Hillî, al-Muhaqqiq al-Karakî et ash-Shahîd ath-Thânî, al-Ghinâ’ consiste en le Tarjî‘ as-Sawt (la vibration de la voix) et son prolongement.[1] Un autre groupe, comprenant Cheikh at-Tûsî et Fayd al-Kâshânî, estime qu'al-Ghinâ’ est un chant dont les paroles sont vaines (al-Bâtil) et qui est exécuté avec des instruments de musique.[2]

Précepte jurisprudentiel al-Ghinâ’

Certains Fuqahâ’ considèrent al-Ghinâ’ comme étant absolument Harâm et revendiquent même un Ijmâ‘ (consensus des oulémas) sur son interdiction ; tels que Cheikh at-Tûsî, ash-Shahîd ath-Thânî, Sâhib al-Jawâhir, an-Narâqî et Ayatollah Khû’î.[3]

D'autres ne partagent pas l'avis sur le caractère Harâm intrinsèque d'al-Ghinâ’ et soutiennent qu'il n'est Harâm que s’il est accompagné d’exaltation passionnée (Tarab) ou de divertissement et de jeu (Lahw wa Laʿib) ; parmi eux figurent al-Muhaqqiq al-Karakî[4], Fayd al-Kâshânî[5], al-Muhaqqiq Sabziwârî[6], Cheikh al-Ansârî[7] et Imâm Khomeini.[8]

Les chercheurs expliquent que la raison de cette divergence de jugement réside dans la différence de définition al-Ghinâ’ chez les Fuqahâ’ ; car certains considèrent Tarab ou Lahw et La‘ib comme faisant partie intégrante de l'essence du concept d'al-Ghinâ’. Par conséquent, ils émettent une fatwâ sur son interdiction. En revanche, d'autres, qui considèrent ces éléments comme distincts du concept d’al-Ghinâ’, ne jugent pas al-Ghinâ’ al-Harâm en soi.[9]

Quels sont les types d'al-Ghinâ’ Halâl ?

Ceux parmi les jurisconsultes qui soutiennent l’interdiction intrinsèque d'al-Ghinâʾ font des exceptions pour certains cas et les considèrent licites malgré la réalisation d'al-Ghinâʾ ; parmi ceux-ci figurent la récitation du Coran et les invocations, le chant des élégies (al-Marthîya), le chant lors des mariages et des fêtes ; mais ceux qui ne soutiennent pas l’interdiction intrinsèque d'al-Ghinâʾ disent que tout chant qui n’est pas accompagné d’un autre interdit tel que l’exaltation passionnée, le divertissement et le jeu est licite.[10]

Fatwas des jurisconsultes des XIVe et XVe siècles

La majorité des jurisconsultes des XIVe et XVe siècles hégiriens lunaire, tels que Ayatollah Khamenei, Ayatollah Tabrîzî, Ayatollah Fâdil Lankarânî et Ayatollah Makârim Shîrâzî, ont établi une distinction entre al-Ghinâʾ et la musique. Ils ont défini al-Ghinâʾ comme le chant accompagné d’exaltation passionnée (Tarab) et adapté aux rassemblements de divertissement et de jeu (Lahw wa Laʿib) ou de plaisir et de boisson, et la musique comme la pratique instrumentale accompagnée d’exaltation passionnée et adaptée aux rassemblements de plaisir et de boisson. Par conséquent, ils considèrent leur exécution et leur écoute comme interdites.[11]

Sur cette base, la plupart d’entre eux ont déclaré licite al-Ghinâʾqui n’est pas accompagné d’exaltation passionnée ni adapté aux rassemblements de Lahw wa Laʿib. Parmi eux, Ayatollah Tabrîzî a émis une fatwa selon laquelle, par précaution obligatoire (Ihtîyât Wâjib), il faut s’abstenir de tout chant impliquant la modulation et l’allongement de la voix (Tarjîʿ as-Sawt, ou vocalises), même s’il n’a pas un contenu futile.[12] De plus, Ayatollah Sâfî Gulpâygânî considère al-Ghinâʾ et la musique comme absolument interdits.[13]

Œuvres indépendantes sur le Ghinâ’

Selon l'ouvrage Ghinâ’ wa Mûsîqâ (publié en 1377 SH), al-Ghinâ’ a suscité l'attention des Fuqahâ’ à partir de l'époque Safavide en raison de la propagation du Samâ‘[Note 1], lequel était accompagné d'al-Ghinâ’ et de musique ; des traités (Risâla) indépendants ont alors été rédigés dans ce domaine. Dans ce livre, le nombre de traités retrouvés ou mentionnés dans d'autres ouvrages (bien qu'accessibles ou non) depuis l'époque Safavide jusqu'avant la Révolution Islamique d'Iran (1357 SH), est estimé à 49.[14] Certains d'entre eux sont les suivants :

  • Risâla dar Tahlîli Ghinâ’ dar Qur’ân, Muhaqqiq Sabziwârî (décédé en 1090 H) ;
  • Risâlatun fî Hurmat al-Ghinâ’, cheikh Hurr al-‘Âmilî (décédé en 1104 H) ;
  • Risâlatun fî Tahrîm al-Ghinâ’, Wahîd al-Bihbahânî (décédé en 1205 H) ;
  • Risâlatun fî al-Ghinâ’ wa Tahlîlihi, Fayd al-Kâshânî (décédé en 1091 H) ;
  • Risâlatun fî Tahqîq al-Ghinâ’, Mîrzâ al-Qummî (décédé en 1231 H).

Cours magistral (Al-Ghinâʾ wa al-Mûsîqî)

Le texte publié du cours magistral de fiqh supérieur de Ayatollah Khamenei sur al-Ghinâʾ et la musique, intitulé Leçon de cours sur le al-Ghinâʾ et la musique, a été publié. Dans ce livre, en s’appuyant sur environ une centaine de hadiths, le concept d'al-Ghinâʾ et de la musique interdite est explicité. Selon l’opinion de Ayatollah Khamenei, dans ce livre, al-Ghinâʾ n’est pas interdit en soi, mais le critère de son interdiction est d’être divertissant (Lahw) et de détourner du chemin de Dieu (Idlâl ʿan Sabîl Allah).[15] Ce livre a été publié en 1398 de l’hégire solaire (2019) en 560 pages, en langue persane.[16]

Note

  1. Samâ' désigne une danse giratoire sacrée des derviches tourneurs soufis Mevlevi qui s’exécute dans le sema khâne (salle de danse du monastère)

Références

  1. Al-‘Allâma al-Hillî, Qawâ‘id al-Ahkâm, vol. 3, p. 495, 1413 H ; Muhaddith Al-Karakî, Jâmi‘ al-Maqâsid, vol. 4, p. 23, 1414 H ; Shahîd ath-Thânî, Ar-Rawda al-Bahîya, vol. 3, p. 212, 1410 H.
  2. Chiekh at-Tûsî, Al-Istibsâr, vol. 3, p. 69, 1390 H ; Fayd Al-Kâshânî, Al-Wâfî, vol. 17, p. 218, 1406 H.
  3. Yûsufî Muqaddam, Pazhûhish dar Ghinâ, pp. 19–20, 1391 SH.
  4. Muhaddith Al-Karakî, Jâmi‘ al-Maqâsid, vol. 4, p. 23, 1414 H.
  5. Fayd Al-Kâshânî, Al-Wâfî, vol. 17, p. 218, 1406 H.
  6. Muhaddith Sabziwârî, Kifâyat al-Ahkâm, vol. 1, pp. 432–433, 1423 H.
  7. Chiekh Al-Ansârî, Makâsib Muharrama, vol. 1, pp. 141–145, 1411 H.
  8. Imâm Khomeynî, Makâsib Muharrama, vol. 1, p. 299, 1415 H.
  9. Yûsufî Muqaddam, Pazhûhish dar Ghinâ, pp. 22–31, 1391 SH ; Qâdîzâda, «Ghinâ az Dîdgâhi Islâm», pp. 337–341 ; Sayyid Karîmî, «Naqd va Barrasîyi Ta‘ârîf-hâyi Mawjûd dar Mawdû‘i Ghinâ’», pp. 117–120.
  10. Nûrî, Mûsîqî va Ghinâ az Dîdgâhi Islâm, pp. 239–269, 1385 SH ; Îzadîfard, «Pazhûhishî Tahlîlî Pîrâmûni Mabânîyi Fiqhîyi Ghinâ’ va Mûsîqî», p. 74.
  11. Mahmûdî, Masâ’ili Jadîd az Dîdgâhi ‘Ulamâ va Marâji‘i Taqlîd, vol. 1, pp. 48–54, 1385 SH.
  12. Mahmûdî, Masâ’ili Jadîd az Dîdgâhi ‘Ulamâ va Marâji‘i Taqlîd, vol. 1, pp. 48–54, 1385 SH.
  13. Mahmûdî, Masâ’ili Jadîd az Dîdgâhi ‘Ulamâ va Marâji‘i Taqlîd, vol. 3, p. 80, 1385 SH.
  14. Mukhtârî va Sâdiqî, Ghinâ’ va Mûsîqî, vol. 3, pp. 2039–2041 et vol. 4, p. 22, 1377 SH.
  15. Khamene’î, Ghinâ, p. 452, 1398 SH.
  16. Khamene’î, Ghinâ, muqaddima, 1398 SH.

Bibliographie

  • Al-‘Allâma al-Hillî, Hasan b. Yûsuf, Qawâ‘id al-Ahkâm fî Ma‘rifat al-Halâl wa’l-Harâm, chercheur et correcteur groupe de recherche du Daftari Intishârâti Islâmî, Qom, Daftari Intishârâti Islâmîyi Vâbasta be Jâmi‘iyi Mudarrisîni Hawzayi ‘Ilmîya, 1413 H.
  • Chiekh Al-Ansârî, Murtadâ, Al-Makâsib al-Muharrama wa’l-Bay‘ wa al-Khiyârât, Qom, Manshûrâti Dâr adh-Dhakhâ’ir, 1411 H.
  • Chiekh at-Tûsî, Muhammad b. Hasan, Al-Istibsâr fîmâ Ikhtalafa min al-Akhbâr, Téhéran, Dâr al-Kutub al-Islâmîya, 1390 H.
  • Fadlî, ‘Abd al-Hâdî va Muhammad Hâdî Ma‘rifat, Barrasiyi Fiqhîyi Padîdayi Ghinâ, Mâhiyyat va Hukmi Ân, trad. Mujtabâ Ilâhî Khurâsânî, Qom, Mu’assasayi Bûstâni Kitâb, 1385 SH.
  • Fayd Al-Kâshânî, Muhammad Muhsin, Al-Wâfî, chercheur et correcteur Diyâ’ ad-Dîn Husaynî Isfahânî, Isfahân, Kitâbkhânayi Imâm Amîr al-Mu’minîn Ali (‘a), 1406 H.
  • Imâm Khomeynî, Sayyid Rûh Allah, Al-Makâsib al-Muharrama, Téhéran, Mu’assasayi Tanzîm va Nashri Âthâri Imâm Khomeynî (rah), 1415 H.
  • Îzadîfard, Ali Akbar va Husayn Kâviyâr, «Pazhûhishî Tahlîlî Pîrâmûni Mabânîyi Fiqhîyi Ghinâ’ va Mûsîqî», revue Kâvish-hâyi Dînî, n° 6, automne-hiver 1390 SH.
  • Khamene’î, Sayyid Ali, Ghinâ, Téhéran, Intishârâti Fiqhi Rûz, 1398 SH.
  • Mahmûdî, Sayyid Muhsin, Masâ’ili Jadîd az Dîdgâhi ‘Ulamâ va Marâji‘i Taqlîd, Varâmîn, Intishârâti ‘Ilmî-Farhangîyi Sâhib az-Zamân, 1385 SH.
  • Muhaddith Al-Karakî, Ali b. Husayn, Jâmi‘ al-Maqâsid fî Sharh al-Qawâ‘id, Qom, Mu’assasa Âl al-Bayt (‘alayhim as-salâm), 1414 H.
  • Muhaddith Sabziwârî, Muhammad Bâqir b. Muhammad Mu’min, Kifâyat al-Ahkâm, Qom, Daftari Intishârâti Islâmîyi Vâbasti bi Jâmi‘iyi Mudarrisîni Hawzayi ‘Ilmîyayi Qom, 1423 H.
  • Nûrî, Muhammad Ismâ‘îl, Mûsîqî va Ghinâ az Dîdgâhi Islâm, Qom, Mu’assasayi Bûstâni Kitâb, 1385 SH.
  • Qâdîzâda, Kâzim, «Ghinâ az Dîdgâhi Islâm», revue Kâvushî Now dar Fiqh, n° 4 et 5, été-automne 1374 SH.
  • Sâdiqî, Muhsin va Ridâ Mukhtârî, Ghinâ’ va Mûsîqî, Qom, Daftari Tablîghâti Islâmîyi Hawzayi ‘Ilmîyayi Qom, 1377 SH.
  • Sayyid Karîmî, Sayyid ‘Abbâs, «Naqd va Barrasîyi Ta‘ârîf-hâyi Mawjûd dar Mawdû‘i Ghinâ’», revue Ilâhiyyâti Hunar, n° 2, été 1393 SH.
  • Shahîd ath-Thânî, Zayn ad-Dîn b. Ali, Ar-Rawdat al-Bahîya fî Sharh al-Lum‘a ad-Dimashqîya, Qom, Kitâbfurûshîyi Dâvarî, 1410 H.
  • Yûsufî Muqaddam, Muhammad Sâdiq, Pazhûhish dar Ghinâ az Nigâhi Qur’ân va Ravâyâti Tafsîrî, Qom, Pazhûhishgâhi ‘Ulûm va Farhangi Islâmî, 1391 SH.