Polygamie
Polygamie ou ta'adud az-zawjât (en arabe : تعدد الزوجات), est une situation dans laquelle un homme a plusieurs femmes. Selon certains versets coraniques et certains hadiths authentiques ainsi que la Sîra, tous admis par les diverses écoles islamiques, cette pratique est considérée comme licite dans l'islam, mais contrainte à des conditions précises. Il s'agit d'une pratique qui est d'ailleurs courante dans de nombreuses autres traditions et sociétés à travers le monde. Cela existait aussi dans toutes les autres religions monothéistes avant l'avènement de l'islam.
Le verset coranique le plus important, considéré comme le document principal autorisant cette pratique, est le verset trois de la sourate an-Nisâ', qui limite cette pratique à quatre épouses et cela sous la condition que l'homme respecte l'application de la justice entre toutes ses épouses.
La notion d'Ibâha (une pratique par rapport à la quelle il n'y a pas de position particulière, autrement dit de le faire ou de ne pas le faire sont indifférents) est mentionnée par rapport à la polygamie sous certaines conditions, et elle se base sur le principe du bien individuel et collectif des êtres humains, et en considérant les situations naturelles et corporelles de l'homme et de la femme, ainsi que leurs autres besoins.
De nombreuses critiques ont été prononcés au sujet de ce décret et de cette pratique, et de nombreux penseurs musulmans ont écrit divers ouvrages pour répondre à ces critiques.
Définition
La polygamie signifie littéralement l'état dans lequel un homme épouse plusieurs femmes. Il s'agit d'une pratique qui touche à plusieurs questions : juridique, traditionnelle, coutumière etc., qui est, selon de nombreux rapports et études faites à travers le monde, bien courantes dans de nombreuses sociétés, notamment les sociétés traditionnelles.
Cependant, selon l'ayatollah Murtada Muttaharî, c'est la monogamie qui est la forme matrimoniale la plus naturelle. Dans la monogamie, une forme d'appartenance et attachement individuel et privé règne, et chacun des époux considère que les sentiments, les affections et même le corps de l'autre, lui appartiennent[1].
Historique
Comme nous l'avons dit il s'agit d'une pratique bien répandue historiquement et géographiquement, y compris au sein de diverses religions célestes avant l'événement de l'islam.
Polygamie dans la Tora et dans les Evangiles
Dans la Tora, il y a des phrases qui font allusion à la possibilité de polygamie ; par exemple au sujet de la vie de certains prophètes ou certaines personnalités montrant qu'ils avaient épousé plusieurs femmes[2]. L'Ibâha de la polygamie dans le culte juif, sans limiter le nombre d'épouse, était courant jusqu'au 11ème siècle. Cela a été interdit en 11 siècle (18ème siècle de e.c.) par les Ahbâr, il s'agit d'une interdiction qui continue jusqu'à nos jours.
Dans les Evangiles, il n'y a aucun propos clair à propos de l'autorisation ou l'interdiction de cette pratique, mais les investigations historiques montrent que certains rois chrétiens avaient plusieurs femmes[3].
Depuis les derniers siècles l'Église à interdit la polygamie, et certains pensent aussi que la monogamie est une des caractéristiques du christianisme. [4]
Polygamie dans la situation contemporaine
La polygamie est une pratique très courante dans de nombreuses sociétés aujourd'hui à travers le monde, et c'est ce que les études ethnologiques montrent aussi. Ainsi, selon certains chercheurs, la polygamie est pratiquée dans 67 % des sociétés [5].
Polygamie en islam
L'autorisation de la polygamie dans l'islam se base sur des raisonnements juridiques, selon le Livre, la Sunna, la Sirâ et l'Ijmâ' des juristes-théologiens de toutes les écoles juridiques.
Dans certains versets coraniques, la polygamie est mentionnée[6], dont le plus important est le verset 3 de la sourate an-Nisâ', et selon l'interprétation des juristes, ce verset autorise un homme d'épouser quatre femmes sous condition de respecter certaines règles[7].
La polygamie a été également l'objet de certains hadiths chiites comme sunnites[8].
Raisonnement juridique
Jusqu'au cinquième siècle de l'hégire, l'autorisation de la polygamie se prononçait uniquement par des fatwas, et il n'y avait aucune argumentation ni de précision à son sujet.
Cette règle a été formulée pour la première fois par Cheikh at-Tûsî (cinquième siècle/12ème siècle e.c.) dans le livre al-Khilâf dans le chapitre Nikâh (mariage) où l'auteur se base sur l'Ijma et des hadiths pour argumenter. Il a considéré la référence coranique (verset 3 de la sourate an-Nisâ') comme non pas complète. Après lui, également, jusque al-'Allâma al-Hillî, aucun livre juridique ne se base sur autre chose que ce raisonnement. Ce dernier (al-'Allâma al-Hillî), est le premier à prendre en compte aussi le verset coranique (3- Sourate an-Nisâ') que voici :
فَانکحُوا مَا طَابَ لَکم مِّنَ النِّسَاءِ مَثْنَیٰ وَثُلَاثَ وَرُبَاعَ
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... Il est permis d’épouser deux, trois ou quatre, parmi les femmes qui vous plaisent, mais, si vous craignez de n’être pas justes avec celles-ci, alors une seule...
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Coran, Sourate 4, verset 3
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Suite à lui, d'autres juristes-théologiens comme Shahîd ath-Thânî et Muhaqiq al-Karakî ont pris en compte ce verset et d'autres sources.
Les juristes-théologiens, en se basant sur ce verset, ainsi que sur certains hadiths, ont soutenu cette règle. Précisons que ces savants considèrent ce verset comme l'argument le plus important surtout pour limiter le nombre des épouses à quatre et mettre des conditions particulières pour la polygamie.
Considérations individuelles et collectives
L'autorisation de la polygamie, sous certaines conditions, se base aussi sur des considérations individuelles et collectives, ainsi que la nature humaine concernant l'homme et la femme et la capacité et le besoin physique de chaque individu.
Dans les argumentations des savants, divers facteurs sont pris en compte, à savoir les conditions climatiques, géographiques, économiques, mais aussi physiques (masculine et féminine).
Conditions de la polygamie en islam
L'autorisation de la polygamie est soumise à certaines règles et conditions qui la justifient, comme la capacité économique de l'homme, la maladie de la femme, l'application de la justice entre les épouses, etc.
Ces conditions en islam sont les suivantes :
Justice
Les juristes de toutes les écoles religieuses islamiques sont unanimes sur cette règle que l'homme qui épouse plus d'une femme, doit pouvoir établir la justice parmi toutes ses femmes, et cette règle, comme on l'a vu plus haut, est basée sur le verset 3 de la sourate 4 du Coran.
Cette règle prend en compte aussi l'obligation de ne pas agresser divers droits des femmes (le rapport conjugal, le soutien économique, etc.). Les savants sunnites appuient également sur l'application de la justice dans le comportement de l'homme à l'égard de ses femmes.
Accord de la première femme
Dans aucune source juridique, le remariage n'est conditionné à l'accord de la première femme, et des femmes précédentes de l'homme, sauf sous certaines conditions comme le remariage avec une femme de famille proche de la femme précédente, par exemple avec la nièce de cette dernière. Seulement dans ces genres de cas, la permission de la femme est obligatoire.
Selon les avis des juristes, si la première femme a demandé, lors de son mariage, l'autorisation de divorce dans le cas du remariage de son mari, elle peut bien évidemment l'appliquer à suite du remariage de son mari.
Aussi, si le remariage de son mari lui cause des problèmes psychologiques ou moraux, de sorte que la suite de la vie avec son mari devient difficile pour elle, elle peut demander le divorce.
Capacité physique et économique de l'homme
Dans les textes juridiques et ceux de hadith, des conditions comme la capacité économique du mari pour assurer la vie matérielle de sa femme, ainsi que sa capacité physique pour satisfaire sa femme, n'ont pas été mentionnées comme conditions du remariage. Cependant, le remariage dans l'absence de ces conditions, est déconseillé. Certains juristes aussi l'ont formellement interdit.
Certains faqih sunnites ont considéré la capacité économique de l'homme, comme une stricte condition pour son remariage. Mais selon leurs avis, il s'agit là d'un décret de devoir, et n'annule pas le mariage. Seulement si les incapacités de l'homme créent des problèmes importants pour ses femmes, celles-ci peuvent demander le divorce.
Effets et les préceptes de la polygamie
La polygamie crée une condition juridique très particulière qui a des effets et est soumise à certains préceptes concernant les droits des femmes d'un homme polygame par rapport à un homme monogame.
Droit de la première femme au rapport conjugal
Un des droits évidents de la femme est d'avoir des rapports conjugaux avec son mari. Si un homme a plusieurs femmes, toutes ses femmes auront ce droit. Dans les termes juridiques, ce droit est nommé Haqq qasm, cela veut dire pratiquement que l'homme doit partager ces nuits parmi toutes ses femmes.
Les juristes imamites, mais aussi sunnites sont unanimes sur ce droit.
Question de l'héritage
Si le mari n'a pas d'enfant, la part de sa femme de son héritage est un quart de ses biens, et s'il a des enfants, la part de sa femme est un huitième de ses biens.
De même si un homme a plusieurs femmes, ce droit doit être partagé entre elles de manière égale (autrement dit, la part de la femme ou des femmes ne sera pas augmentée par la polygamie).
Interdiction d'épouser au-delà de quatre femmes
Selon l'avis de toutes les écoles juridiques, il est interdit d'épouser une cinquième femme. La preuve de cette règle est le verset coranique 4/3.
Critiques
Polygamie et le problème de droit de la femme
Certaines critiques se sont basées sur le principe de l'égalité entre l'homme et la femme et ont considéré la polygamie comme une possibilité qui met en cause le principe d'égalité entre deux êtres humains.
En réponse à cette critique, il a été dit que cette pratique et l'autorisation de cette pratique sont basées sur des principes différents qui tiennent compte le bien individuel et le bien collectif des êtres humains, et que dans certaines conditions le remariage de l'homme peut créer une situation dans laquelle la femme pourra acquérir ses droits. Le respect des droits de la femme est considéré comme un principe important dans cette pratique.
Problème de la polygamie comme un encouragement et une valorisation des rapports sexuels
La critique la plus importante à ce propos est que cette pratique encouragerait les rapports sexuels et pencherait les attentions sur ces rapports (ce qui peut créer des problèmes moraux).
En réponse, il a été dit que les conditions posées pour cette pratique, limiteraient pratiquement son expansion dans la société, et que la religion n'est pas responsable des libertinages de certains individus dans la société .
Voir aussi
Références
- ↑ Muttahari, Majmu'e athâr, vol.19, p.299
- ↑ Lahâm, Shâkir, Ta'adud az-Zujât, 1422 h.l., Damas, Dâr at-Tawfiq, p. 28
- ↑ Montesquieu, De l'esprit des lois (1re éd. 1748), p. 434; Lahâm, Ta'adud az-Zujât, 1422 h.l., p. 29
- ↑ Abd al-Fattah, Ta'adud az-Zujât fî l-Islâm, 1408 h.l., p. 359; Lahâm, Ta'adud az-Zujât, 1422 h.l., p. 29
- ↑ Dirîn, Râhi be su-ye mardom-shenasi, 1366, h.s., p. 70
- ↑ Voir la Sourate Tahrim, verset, 1; la Sourate Ahzâb, verset 32 et 50
- ↑ Cheikh al-Mufîd, al-Muqna'a, 1410 h.l., p. 517; Tabâtabâ'î, al-Mizân, 1393 h.l., vol.4, p. 166-167
- ↑ Al-Hurr al-'Âmilî, Wasâ'il as-Shi'a, 1403 h.l, vol. 14, p. 398; Beyhaqî, al-Sunan al-Kubrâ, 1376 h.l., vol. 17, p. 181-182