Brouillon:Al-Mubâhala
Mubâhala ou l’ordalie (en arabe : المُباهَلَة) est la demande de malédiction et de punition de la part de Dieu pour prouver la véracité et l'honnêteté de soi-même et démontrer la fausseté des paroles de l'autre partie. Al-Mubâhala a lieu lorsque les discussions et les arguments ne mènent à aucun résultat, et que les deux parties persistent dans leurs positions. Avant l’islam, l’odalie était pratiqué entre certains peuples.
Al-Mubâhala du Prophète Muhammad (s) avec les chrétiens de Nadjran est l'un des exemples de l’ordalie qui a eu lieu au début de l’islam. Selon certains rapports, les Ahl al-Bayt (a) invitèrent également certaines personnes à participer à Mubâhala ; par exemple, l'Imam al-Bâqir (a) invita Abd Allah b. ‘Umar al-Laythî à un Mubâhala. De plus, des érudits chiites comme l’Ayatollah Mîr Findiriskî, un philosophe du Xe siècle de l’hégire, l’Ayatollah Ja‘far Kâshf al-Ghitâ’, un juriste du XIIe siècle de l’hégire, et ‘Allama Tabâtabâ’î, un juriste du XIVe siècle de l’hégire, suivant l'exemple des Imams (a), soit participèrent à l’ordalie avec leurs opposants, soit les invitèrent à le faire.
Sens du concept
Al-Mubâhala ou l’ordalie signifie que deux personnes ou deux groupes, pour prouver leur vérité, demandent à Dieu d'envoyer une malédiction sur l'autre partie qu'ils considèrent comme injuste,[1] afin de rendre le menteur honteux et de le punir.[2] Cette action de l’ordalie a lieu lorsque le raisonnement et le dialogue scientifique n’aboutirent pas à un résultat.[3]
Selon les sources historiques et de hadiths, dans les premiers temps de l’islam, al-Mubâhala ou l'invitation à celui-ci a été pratiqué par différentes personnes,[4] parmi lesquels se trouve Mubâhala du Prophète Muhammad (s) avec les chrétiens de Nadjran, mentionnée dans le Coran dans le verset d’al-Mubâhala.[5] Cette Mubâhala prouve la véracité du Prophète Muhammad (s) contre les chrétiens de Nadjran.[6] Le juriste et philosophe chiite, ‘Allâma Tabâtabâ’î, le savant de XIVe siècle de l’hégire, qualifia cette Mubâhala de Messager de Dieu Muhammad (s) comme un miracle permanent.[7]
Histoire d'al-Mubâhala
Selon certains chercheurs, la pratique d’al-Mubâhala (l’ordalie) existait avant l’islam. Par exemple, le peuple de Sâm, à l’époque de la civilisation babylonienne, lorsqu’ils voulaient prouver leur propre véracité ou celle de leurs propos, prêtaient serment et invoquaient la malédiction divine en demandant que Dieu les punisse s’ils avaient menti.[8] De même, selon un hadith rapporté par ‘Allama al-Majlisî dans le livre « Bihâr al-Anwâr », l’odalie existait également dans les traditions juive et chrétienne.[9]
Manière de pratiquer al-Mubâhala
ِDu'â rapporté par l'Imam as-Sâdiq (a) lors d'al-Mubâhala : « Ô Dieu, si untel a renié un droit et reconnu ce qui est faux, frappe-le d’un châtiment venant du ciel ou d’un supplice venant de Toi, et maudis-le soixante-dix fois. »[10]
Cheikh al-Kulaynî, le spécialiste de hadith chiite du IIIe siècle de l’hégire, rapporte des hadiths selon lesquels, lors d’al-Mubâhala (l’ordalie), il convient de placer les doigts de sa main droite dans ceux de l’autre partie.[11] Dans un autre hadith, il est recommandé de maudire l’autre partie soixante-dix fois pendant l’ordalie.[12] Aussi, d’après un hadith, le moment approprié pour effectuer l’ordalie est indiqué comme étant entre l’aube et le lever de soleil (Bayn at-Tulû‘ayn).[13]
Personnes qui pratiquèrent al-Mubâhala
Depuis le début de l’islam, différentes personnes eurent recours à al-Mubâhala (l’ordalie) pour prouver la véracité de leurs affirmations, parmi lesquelles on peut citer les suivantes :
Al-Mubâhal du Prophète Muhammad (s) avec les chrétiens de Nadjran
Selon les historiens, le Prophète Muhammad (s) envoya une lettre à l’évêque de Nadjran, invitant les habitants de Nadjran à l’islam. Ils vinrent à Médine et discutèrent avec l’Envoyé de Dieu Muhammad (s), mais ils ne renoncèrent pas à leur croyance en la divinité du prophète Jésus (a). Après des débats, il fut décidé de procéder au Mubâhala (l’ordalie). Le jour de Mubâhala, le Prophète Muhammad (s) se présenta avec l’Imam Ali (a), sa fille la Dame Fatima (a) et ses deux petits-fils al-Hasan (a) et al-Husayn (a). Cependant, les chrétiens se retirèrent de l’ordalie et demandèrent un compromis. Le Messager d’Allah (s) accepta leur demande à condition qu’ils versent al-Jizya[Note 1].[14]
Al-Mubâhala des Ahl al-Bayt (a) avec leurs opposants
D’après ce que rapporte ‘Allâma Tabâtabâ’î dans le livre « al-Mîzân », certaines sources de hadith mentionnent que le Prophète Muhammad (s) invita également les juifs à Mubâhala (l’ordalie), mais ils refusèrent cette invitation.[15] Par ailleurs, il est rapporté que l’Imam Ali (a) invita des personnes qui niaient une question au Mubâhala.[16]
De même, selon le rapport du cheikh al-Kulaynî, lorsque l’Imam al-Bâqir (a) discutait avec Abd Allah b. ‘Umar al-Laythî à propos d’une question et que celui-ci refusait d’accepter la vérité, l’Imam al-Bâqir (a) l’invita à Mubâhala.[17]
Al-Mubâhala des compagnons des Ahl al-Bayt (a) avec leurs opposants
Selon Abû Mikhnaf, le premier auteur d’un livre Maqtal sur l'événement de Karbala, qui est décédé vers 157 H., lors de cet événement, Burayr b. Khudayr al-Hamdânî, l’un des martyrs de Karbala, et Yazîd b. Ma‘qal qui était parmi l’armée de ‘Umar b. Sa‘d, eurent recours à Mubâhala (l’ordalie) au sujet de la légitimité de la succession de l’Imam Ali (a).[18]
Abd Allah b. Abbas, le compagnon du Prophète Muhammad (s), invita à quelques reprises différentes personnes, y compris Zayd b. Thâbit, l’un des scribes du Coran, à participer à l’ordalie.[19]
Cheikh al-Mufîd, le juriste chiite du IVe siècle de l’hégire, rapporte dans le livre « al-Irshâd » que le serviteur de l’Imam al-Jawâd (a), invita Ahmad b. Muhammad b. ‘Isâ qui niait la succession de l’Imam al-Hâdî (a) — à Mubâhala ; mais ce dernier prit peur et finit par reconnaître la succession de l’Imam al-Hâdî (a).[20]
De plus, cheikh at-Tûsî, le juriste chiite du Ve siècle de l’hégire, écrit dans le livre « al-Ghayba » qu’al-Husayn b.Rûh an-Nawbakhtî, le troisième des quatre représentants de l’Imam al-Mahdi (a), pratiqua al-Mubâhala (l’ordalie) avec ash-Shalmaghânî, lequel mourut peu de temps après.[21]
An-Najâshî, le savant chiite du V siècle de l’hégire, mentionne également qu’un homme nommé Abû Abd Allah as-Safwânî disputa et fit un Mubâhala avec le juge de Mossoul au sujet de l’Imamat, et que quelques jours plus tard, ce juge mourut.[22]
Al-Mubâhala des érudits chiites avec leurs opposants
Mullâ Ahmad an-Narâqî, le juriste chiite du XIIIe siècle de l’hégire, écrit qu’Abû al-Qâsim Findiriskî, le savant chiite du XIe siècle de l’hégire, lors de son voyage dans une ville habitée par des mécréants, engagea un débat avec eux. Ils justifiaient la légitimité de leur religion en citant la préservation de leurs temples et la ruine des mosquées musulmanes. Findiriskî rejeta leur argument et, pour prouver son point, il prononça l’appel à la prière (Adhân) et fit la prière dans leur temple, ce qui provoqua l'effondrement du toit de ce dernier.[23]
D’après un rapport, ‘Allâma Tabâtabâ’î avait proposé un Mubâhala (l’ordalie) à certains des Gens du Livre, croyant que Mubâhala est un argument vivant, et qu’al-Mubâhala serait toujours efficace lorsqu’elle est pratiqué dans les conditions appropriées.[24]
Note
- ↑ Al-Jizya est un impôt payé par les non-musulmans appartenant aux Gens du Livre résidant dans les territoires islamiques. Il est versé à l’État islamique afin d’assurer leur protection, la préservation de leur religion et de bénéficier du soutien de l’autorité islamique.
Référénces
- ↑ Al-’Allâma al-Majlisî, Mir'ât al-'Uqûl Fî Sharhi Akhbâri Âl ar-Rasûl, Vol. 12, P. 185, 1404 H.
- ↑ Makârimi Shîrâzî, Tafsîri Nimûnih, Vol. 2, P. 578, 1374 SH.
- ↑ Muhammad îyi Riyshahrî, Farhang Nâmihyi Mubâhili, P. 11, 1395 SH.
- ↑ Daftari Hifz Va Nashri Âthâri Hazrati Ayatollah al-'Uzmâ Khâmini'î, https://farsi.khaminii.ir/niwspartindix?tid=1467&npt=8.
- ↑ Abû Mikhnaf, Waq'at al-Taff, P. 221, 1417 H ; Fayzi Al-Kâshânî, Tafsîr as-Sâfî, Vol. 2, P. 17, 1415 H ; Ibn 'Abd al-Birr, Jâmi' al-'Ilm Va Fadlih, P. 381, 1421 H ; Mufîd, al-Irshâd Fî Ma'rifat Hujaj Allâh 'Alâ al-'Ibâd, Vol. 2, P. 298, 1413 H ; Cheikh at-Tûsî, al-Ghaybah, P. 307, 1411 H.
- ↑ Le Coran, la sourate Âli 'Imrân, Le verset 61.
- ↑ Pâkniyâ, « Mubâhili, Rawshan Tarîni Bâvarhâyi Shî'ih», P. 51.
- ↑ Tabâtabâ'î, I'jâzi Qur’ân, P. 127-128, 1362 SH.
- ↑ Louis, Mubâhili Dar Madîni, P. 65, 1378 SH.
- ↑ Al-’Allâma al-Majlisî, Bihâr al-Anwâr, Vol. 10, P. 65, 1403 H.
- ↑ Cheikh al-Kulaynî, Al-Kâfî, Vol. 2, P. 514, 1407 H.
- ↑ Cheikh al-Kulaynî, Al-Kâfî, Vol. 2, P. 514, 1407 H.
- ↑ Cheikh al-Kulaynî, Al-Kâfî, Vol. 2, P. 514, 1407 H.
- ↑ Cheikh al-Kulaynî, Al-Kâfî, Vol. 2, P. 514, 1407 H.
- ↑ Ibn Sa'd, at-Tabaqât al-Kubrâ, Khâmisah 1, P. 391-392, 1410 H.
- ↑ Tabâtabâ'î, Tafsîr al-Mîzân, Vol. 3, P. 234, 1417 H.
- ↑ Cheikh al-Kulaynî, Al-Kâfî, Vol. 5, P. 449, 1407 H.
- ↑ Abû Mikhnaf, Waq'at al-Taff, P. 221, 1417 H.
- ↑ Ibn 'Abd al-Birr, Jâmi' al-'Ilm Va Fadlih, P. 381, 1421 H.
- ↑ Chiekh al-Mufîd, al-Irshâd Fî Ma'rifat Hujaj Allâh 'Alâ al-'Ibâd, Vol. 2, P. 298, 1413 H
- ↑ Cheikh at-Tûsî, al-Ghaybah, P. 307, 1411 H.
- ↑ An-Najâshî, Rijâl An-Najâshî, P. 393, 1365 SH.
- ↑ An-Narâqî, Khazâ'in, P. 48, 1380 SH.
- ↑ Bûstâni Kitâb, Marzbâni Wahy Va Khirad, P. 290, 1381 SH
Bibliographie
- Abû Mikhnaf, Lût Ibn Yahyâ, Waq'at al-Taff, Muhaqqiq: Muhammad Hâdî Yûsufî Gharavî, Qom, Jâmi'ihyi Mudarrisîn, Edition 3, 1417 H.
- Al-’Allâma al-Majlisî, Muhammad Bâqir, Bihâr al-Anwâr, Muhaqqiq: Jam'î Az Muhaqqiqân, Beyrouth, Dâr Ihyâ' al-Turâth al-'Arabî, Edition 2, 1403 H.
- Al-’Allâma al-Majlisî, Muhammad Bâqir, Mir'ât al-'Uqûl Fî Sharhi Akhbâri Âl ar-Rasûl, Muhaqqiq: Rasûlî Mahallâtî, Sayyid Hâshim, Téhéran, Dâr al-Kutub al-Islâmiyyah, Edition 2, 1404 H.
- An-Najâshî, Ahmad Ibn 'Alî, Rijâl An-Najâshî, Qom, Mu’assisiyi an-Nashr al-Islâmî Tâbi'ih Li Jâmi'at al-Mudarrisîn, Edition 6, 1365 SH.
- An-Narâqî, Ahmad, Khazâ'in, Tahqîq: Hasan Hasanzâdih Âmulî, Qom, Qiyâm, 1380 SH.
- Bûstâni Kitâb, Marzbâni Wahy Va Khirad, Qom, Bûstâni Kitâb, Edition 1, 1381 SH.
- Cheikh al-Kulaynî, Muhammad Ibn Ya'qûb, al-Al-Kâfî, Muhaqqiq: 'Alî Akbar Ghaffârî Va Muhammad Âkhûndî, Téhéran, Dâr al-Kutub al-Islâmiyyah, Edition 4, 1407 H.
- Cheikh at-Tûsî, Muhammad Ibn Hasan, al-Ghaybah, Muhaqqiq: 'Ibâdullâh Téhéranî Va 'Alî Ahmad Nâsih, Qom, Dâr al-Ma'ârif al-Islâmiyyah, Edition 1, 1411 H.
- Fayzi Al-Kâshânî, Mullâ Muhsin, Tafsîr as-Sâfî, Tahqîq: Husayn A'lamî, Téhéran, Sadr, Edition 2, 1415 H.
- Ibn 'Abd al-Birr, Yûsuf Ibn Abd Allah, Jâmi' al-'Ilm Va Fadlih, Tahqîq: Mus’ad 'Abd al-Hamîd Sa'danî, Beyrouth, Dâr al-Kutub al-'Ilmiyyah, 1421 H.
- Ibn Ash'ath, Muhammad Ibn Muhammad, al-Ja'fariyyât, Téhéran, Maktabat an-Naynawâ al-Hadîthah, Edition 1, Bî-Tâ.
- Ibn Sa'd, Muhammad Ibn Sa'd, at-Tabaqât al-Kubrâ, Tahqîq: Muhammad 'Ab d al-Qâdir 'Atâ, Beyrouth, Dâr al-Kutub al-'Ilmiyyah, Edition 1, 1410 H.
- Makârimi Shîrâzî, Nâsir, Tafsîri Nimûnih, Téhéran, Dâr al-Kutub al-Islâmiyyah, Edition 1, 1374 SH.
- Massignun, Louis, Mubâhili Dar Madîni, MUtarjim: Mahmûd Rizâ Iftikharzâdih, Téhéran, Risâlati Qalam, 1378 SH.
- Mufîd, Muhammad Ibn Muhammad, al-Irshâd Fî Ma'rifat Hujaj Allâh 'Alâ al-'Ibâd, Muhaqqiq: Mu’assisiyi Âl al-Bayt (A), Qom, Kungiriyi Cheikh Mufîd, Edition 1, 1413 H.
- Muhammad îyi Riy-Shahrî, Muhammad, Farhang Nâmihyi Mubâhili, Qom, Dâr al-Hadîth, 1395 SH.
- « Mubâhili Râhkârî Barâyi Muqâbili Bâ Afrâdi Bî-Mantiq Ast », Khabarguzârîyi Rasâ, Târîkhi Darji Matlab: 15 Isfand 1389 SH, Târîkhi Bâzdîd: 27 Âzar 1403 SH.
- Pâkniyâ, 'Abdulkarîm, Mubâhili Rawshan-Tarîn Dilîli Bâvarhâyi Shî'ih, Muballighân, Numéro 50, Isfand 1382 SH.
- Tabâtabâ'î, Sayyid Muhammad Husayn, al-Mîzân Fî Tafsîr al-Qur’ân, Qom, Daftari Publication de Islâmîyi Jâmi'ihyi Mudarrisîn, Edition 5, 1417 H.
- Tabâtabâ'î, Sayyid Muhammad Husayn, I'jâzi Qur’ân, Téhéran, Markazi Nashri Farhangîyi Rajâ, Edition 1, 1362 SH.