Livres d’égarement

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Livres d’égarement (en arabe : كتب الضلال) sont les livres écrits dans le but d’égarer et de tromper leurs lecteurs. Certains érudits considèrent que tout livre conçu dans le but de tromper ou de conduire à l'égarement est considéré comme un livre d’égarement.
L'expression « livres d'égarement » ne concerne pas seulement les livres ; elle comprend également les articles, les lettres, les journaux et les magazines qui égarent le lecteur. De plus, l'égarement ne concerne pas seulement les croyances ; il concerne aussi les préceptes de la loi islamqiue.

Le problème des livres d'égarement fut introduit dans la jurisprudence chiite par cheikh al-Mufîd (d. 413 h). Par la suite, il se retrouva dans d'autres livres de jurisprudence et ses règles juridiques furent examinées. Selon la fatwa des juristes chiites, il est interdit de conserver, d'acheter, de vendre, de copier, de publier, de lire et d'enseigner les livres d'égarement, et il est obligatoire de les détruire, sauf dans les cas où leur contenu est utilisé pour prouver la vérité et réfuter le faux.

Définition juridique

Les livres d’égarement, dans leur sens courant, se réfèrent à des écrits qui induisent en erreur leurs lecteurs.[1]
Cependant, dans les livres de fiqh, différentes définitions furent proposées : certains juristes choisirent ce sens courant.[2] D'autres dirent que ce sont des livres qui sont écrits avec l'intention d'égarer,[3] et d'autres encore croient que les livres d'égarement sont des livres qui sont à la fois écrits avec l'intention d'égarer et qui induisent effectivement en erreur.[4]

Le mot « livres » dans l'expression « livres d'égarement » englobe tout type d'écrit, qu'il s'agisse d'un livre au sens traditionnel du terme, d'un article ou d'une lettre.[5]

Histoire et place du problème

Selon certains chercheurs, l'expression « livres d'égarement » fut utilisée pour la première fois par cheikh al-Mufîd dans son livre, al-Muqni‘a,[6] sous les deux titres « livres de mécréance » et « livres d'égarement ».[7] Après lui, d'autres juristes, dont cheikh at-Tûsî,[8] Ibn al-Barrâj,[9] Ibn Idrîs[10]et ‘Allâma al-Hillî[11] furent utilisés ces deux titres.

« Les livres d'égarement » est un titre qui, en raison de son utilisation plus fréquente,[12] s'est progressivement installé dans les œuvres juridiques, en particulier les œuvres juridiques modernes.[13]

Dans les livres de jurisprudence, la question des livres d’égarement et des préceptes associés ne fut pas débattue de manière indépendante ; elle fut discutée au milieu de chapitres sur le commerce, le Waqf, la location, les testaments et al-‘Ârîya.

Égarement dans quel contexte et pour qui ?

D’après la fatwa des jurisconsultes, l'égarement comprend à la fois les cinq principes fondamentaux du chiisme et les préceptes de la loi islamqiue ; c'est-à-dire que tout livre qui induit en erreur et en égarement, que ce soit sur les principes du chiisme ou sur les préceptes de la lois islamqiue, est considéré comme un livre d’égarement.[14] De plus, l'ayatollah Muntazirî écrivit que l'égarement se réfère à l'égarement de la majorité des lecteurs ; ce n'est pas le cas qu'un livre soit un livre d’égarement si une personne est induite en erreur en le lisant ; car tous les livres peuvent être trompeurs pour les personnes simples ou ignorantes.[15]

Exemples des livres d’égarement

Dans les écrits juridiques, des exemples de livres d’égarement furent mentionnés ; mais, il y a une divergence d'opinions sur la question de savoir si un livre particulier est parmi les livres d'égarement ou non.
Par exemple, ‘Allâma al-Hillî (d. 726 h) et al-Muhaqqiq al-Karakî (d. 940 h) considèrent la Torah et l'Évangile comme des livres d’égarement, car ils affirment que ces livres furent altérés et dénaturés.[16] Cependant, selon cheikh al-Ansârî, chez les musulmans, il est évident que ces livres sont abrogés et ne conduisent donc pas à l'égarement.[17]

Cheikh al-Ansârî écrit également que les preuves de l'interdiction de la préservation des livres d’égarement ne s'appliquent qu'aux livres qui induisent en erreur et à l’égarement, et que beaucoup de livres des sunnites ne sont pas comme ça.[18] Il considère seulement certains livres sunnites, qui contiennent des croyances telles que l’affirmation de la question de la Contrainte divine ou l’affirmation de la supériorité des trois califes, comme des exemples de livres d’égarement.[19] Certains juristes déclaré également que les livres philosophiques et gnostiques qui induisent en erreur font partie des exemples de livres d’égarement, même si leurs contenus peuvent être vrais.[20]

Certains des Marja‘ contemporains, tels que l'ayatollah Makârim Shîrâzî et l'ayatollah Sâfî Gulpaygânî, considèrent certains journaux et magazines qui contiennent des contenus immoraux qui contribuent à la corruption et à l'égarement dans la société, comme des exemples de livres d’égarement.[21]

Préceptes juridiques

Selon l'opinion des juristes, détruire les livres d'égarement est une obligation.[22] Les actions suivantes sont également considérées comme interdites en ce qui concerne les livres d’égarement :

  • Préservation des livres d’égarement et en tirer profit.[23]
  • Copier et publier.[24]
  • Acheter et vendre.[25]
  • Lire, enseigner et apprendre.[26]
  • Consacrer des biens pour la publication et la promotion des livres d’égarement.[27]
  • Léguer de l'argent pour cette cause.[28]
  • Recevoir une rémunération pour la reliure et l'impression de ces livres.[29]

Selon la fatwa des juristes, l'étude, l'enseignement et l'apprentissage ne posent pas de problème pour quelqu’un qui en a la compétence et les utilise pour établir la vérité et réfuter le faux.[30] De plus, selon la fatwa de l'ayatollah Wahîd Khurâsânî, l'achat et la vente de livres d’égarement sont interdits s'il y a une possibilité de conduire à l'égarement.[31]

Preuves jurisprudentielles

Les juristes se réfèrent à quatre types d'arguments juridiques pour déduire les décisions islamqiue relatives aux livres d’égarement :

Livres d’égarement et la liberté d’expression

Certains considérèrent que certains préceptes juridiques liés aux livres d’égarement étaient en contradiction avec la liberté d'expression, de pensée et de recherche.[38]
Les chercheurs répondirent à ces préoccupations en soulignant que l'islam encourage les gens à être curieux, à acquérir des connaissances et ne s'oppose pas à la liberté de pensée et d'expression. Cependant, l'islam accorde également de l'importance à la santé intellectuelle et spirituelle de la société, et afin de prévenir les déviations religieuses et morales, il établit des limites à la sphère de la liberté de pensée et d'expression.[39]

Références

  1. Gurjî, « Kutub Dilâl : Dîdgâhhâyi Fiqhî wa Huqûqî », p 45 - 46
  2. Gurjî, « Kutub Dilâl : Dîdgâhhâyi Fiqhî wa Huqûqî », p 46 ; Ayatollah Muntazirî, Dirâsât fî Makâsib al-Muharrama, vol 3, p 99 ; Subhânî, al-Mawâhib, vol 1, p 443
  3. Rûhânî, Minhâj al-Fiqâha, vol 1, p 343
  4. Khû’î, Misbâh al-Fiqâha, vol 1, p 401
  5. Gurjî, « Kutub Dilâl : Dîdgâhhâyi Fiqhî wa Huqûqî », p 46
  6. Cheikh al-Mufîd, Al-Muqni‘a, p 588 - 589
  7. Sâni‘î, « Hurrîyat al-A‘lâm wa ath-Thaqâfî : Mutâli‘a Fiqhîya fî al-Mawqif min Kutub ad-Dilâl », p 59
  8. Cheikh at-Tûsî, An-Nihâya, p 367
  9. Ibn al-Barrâj, al-Muhadhdhab, vol 1, p 314 et 345
  10. Ibn Idrîs al-Hillî, As-Sarâ’ir al-Hâwî, vol 2, p 225
  11. ‘Allâma al-Hillî, Tadhkirat al-Fuqahâ, vol 9, p 127 et vol 12, p 143 ; ‘Allâma al-Hillî, Muntaha al-Matlab, vol 2, p 1020
  12. Sâni‘î, « Hurrîyat al-A‘lâm wa ath-Thaqâfî : Mutâli‘a Fiqhîya fî al-Mawqif min Kutub ad-Dilâl », p 59
  13. Khû’î, Istiftâ’ât, vol 1, p 260 ; Ayatollah Sîstânî, Minhâj as-Sâlihîn, vol 2, p 14 ; Fayyâd, Minhâj as-Sâlihîn, vol 2, p 113 ; Fâdil Lankarânî, Jâmi‘ al-Masâ’il, vol 1, p 592 ; Tabâtabâ’î Qummî, Mabânî Minhâj as-Sâlihîn, vol 7, p 288
  14. Ayatollah Muntazirî, Dirâsât fî Makâsib al-Muharrama, vol 3, p 99 - 100 ; Ayatollah Khû’î, Misbâh al-Fiqâha, vol 1, p 401
  15. Ayatollah Muntazirî, Dirâsât fî Makâsib al-Muharrama, vol 3, p 99
  16. Muhaqqiq al-Karakî, Jâmi‘ al-Maqâsid, vol 4, p 26
  17. Cheikh al-Ansârî, al-Makâsib, vol 1, p 235 - 236
  18. Cheikh al-Ansârî, al-Makâsib, vol 1, p 236 - 237
  19. Cheikh al-Ansârî, al-Makâsib, vol 1, p 237
  20. Rûhânî, Minhâj al-Fiqâha, vol 1, p 343
  21. Ayatollah Makârim Shîrâzî, Istiftâ’ât, vol 2, p 265 ; Ayatollah Gulpâyigânî, Hidâyat al-‘Ibâd, vol 1, p 293
  22. As-Shahîd ath-Thânî, Masâlik al-Afhâm, vol 3, p 127
  23. Cheikh al-Mufîd, Al-Muqni‘a, p 589 ; ‘Allâma al-Hillî, Tadhkirat al-Fuqahâ, vol 12, p 143 ; Ayatollah Muhammad Hasan an-Najafî, Jawâhir al-Kalâm, vol 22, p 56 ; Cheikh al-Ansârî, al-Makâsib, vol 1, p 233
  24. Cheikh at-Tûsî, an-Nihâya, p 365 ; As-Shahîd ath-Thânî, Masâlik al-Afhâm, vol 3, p 127 ; Muhaqqiq al-Karakî, Jâmi‘ al-Maqâsid, vol 4, p 26 ; Al-Husaynî al-‘ milî, Miftâh al-Karâma, vol 12, p 204 ; Muhaqqiq Ardibîlî, Majma‘ al-Fâ’ida wa al-Burhân, vol 8, p 75 ; Ayatollah Tabrîzî, Sirât an-Najât fî Ajwabat al-Istiftâ’ât, vol 1, p 139
  25. Ayatollah Khû’î, Minhâj as-Sâlihîn, vol 2, p 10 ; Cheikh al-Ansârî, al-Makâsib, vol 1, p 236
  26. Ash-Shahîd ath-Thânî, ar-Rawzat al-Bahîyya, vol 3, p 214 ; Tabâtabâ’î, Rîyâd al-Masâ’il, vol 1, p 503
  27. Ayatollah Khû’î, Minhâj as-Sâlihîn, vol 2, p 240
  28. Ayatollah Khû’î, Minhâj as-Sâlihîn, vol 2, p 217
  29. Cheikh al-Mufîd, Al-Muqni‘a, p 588
  30. Ash-Shahîd ath-Thânî, ar-Rawzat al-Bahîyya, vol 3, p 214 ; Tabâtabâ’î, Rîyâd al-Masâ’il, vol 1, p 503
  31. Ayatollah Wahîd Khurâsânî, Minhâj as-Sâlihîn, vol 3, p 15
  32. Cheikh al-Ansârî, al-Makâsib, vol 1, p 233
  33. Cheikh al-Ansârî, al-Makâsib, vol 1, p 233
  34. Ibn Shu‘ba al-Harrânî, Tuhaf al-‘Uqûl, p 335 ; Cheikh al-Ansârî, al-Makâsib, vol 1, p 233
  35. Tabâtabâ’î, Rîyâd al-Masâ’il, vol 8, p 69
  36. Cheikh al-Ansârî, al-Makâsib, vol 1, p 233
  37. Tabâtabâ’î, Rîyâd al-Masâ’il, vol 8, p 69
  38. Ayatollah Makârim Shîrâzî, Pâsukh bi Pursishhâyi Madhhabî, p 337
  39. Ayatollah Misbâh Yazdî, Pâsukh Ustâd bi Jawânân Pursishgar, p 58