Verset de Nafy as-Sabîl

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Verset de Nafy as-Sabîl (en arabe : آية نفي السبيل) est une partie du verset 141 de la sourate an-Nisâ’ qui nie toute domination et autorité des mécréants sur les croyants. Le terme « Nafy as-Sabîl » traduit en français : « la négation d'autorité ».

Certains exégètes du Coran, en s'appuyant sur le sens général du verset, ont considéré le décret de négation d'autorité des mécréants dans tous les domaines militaires, politiques, culturels et économiques ainsi que dans ce monde et l'au-delà.

Ce verset fut l'une des bases de fiqh de certaines fatwas des savants chiites. Par exemple, l'imam Khomeiny s'opposa à la convention de capitulation en invoquant ce verset et la règle qui en est dérivée.

Nomination et circonstances de la révélation

﴾وَلَن يَجْعَلَ اللَّـهُ لِلْكَافِرِ‌ينَ عَلَى الْمُؤْمِنِينَ سَبِيلًا﴿۱۴۱...
... et Allah n'accordera aux Infidèles nul moyen [de l'emporter] sur les Croyants ﴾141﴿
Coran, S 4, Verset 141 ; Traduction de Régis Blachère

Cette partie du verset 141 de la sourate an-Nisâ’ qui interdit toute autorité des mécréants sur les croyants[1] est appelée le verset de négation d'autorité.[2] Sur la base d'un hadith rapporté dans le livre « Tafsîr al-Qummî », ce verset fut révélé pour blâmer Abd Allah b. Ubayy et ses partisans. Lors de la bataille d'Uhud, ils se retirèrent de l'armée des musulmans dans le but que s'ils étaient vainqueurs sur les musulmans, ils disent que nous n'étions pas avec les musulmans et dans le cas de la victoire des musulmans, ils disent que nous étions avec vous.[3]

Etendue de la négation d'autorité du mécréant sur le musulman

D’après ‘Allâma Tabâtabâ’î, cette décision comprend tous les infidèles et hypocrites.[4] Cependant, certains dirent que les infidèles mentionnés dans le verset fait allusion aux juifs.[5]

De même, du point de vue des exégètes du Coran, la généralité du verset inclut toute forme de supériorité des croyants sur les mécréants et les infidèles, que ce soit au niveau de la preuve et de l'argument,[6] dans ce monde et l'au-delà[7] et au niveau juridique.[8] Néanmoins, certains considérèrent cette décision comme étant spécifique au Jour du Jugement.[9] En réponse, il est dit que le fait de le restreindre à un cas comme étant contraire à l'évidence du verset et sans preuve.[10]

Selon la compréhension du verset, la négation d'autorité inclut tous les domaines militaires, politiques, culturels et économiques.[11] De ce fait, tout pacte ou accord qui ouvre la voie à l'influence des infidèles sur les musulmans, est illégitime et les croyants doivent s’y opposer.[12]

Certains, selon le verset, considèrent la négation d'autorité comme étant l'expression de deux aspects, l’un pour l'accomplissement d’un acte et l’autre pour la négation d’une chose : le premier indique le devoir de la communauté islamique et ses dirigeants pour préserver l'indépendance et éliminer les causes de dépendance et le deuxième concerne la négation de la domination et de l’autorité des étrangers sur le destin politique et social des musulmans.[13]

Caractère législatif du précepte de négation d'autorité

Le précepte mentionné dans le verset ne veut pas dire que Dieu n'a pas voulu qu'aucun mécréant n’ait aucune autorité sur aucun croyant, mais le sens du verset est qu’Allah n'a légiféré aucun précepte qui entraînerait l’autorité du infidèles sur le croyant. De ce fait, tout précepte qui dans sa généralité implique l’autorité des infidèles sur le croyant est spécifié par ce verset.[14]

Ils considérèrent les exemples d’autorité apparente des infidèles sur les musulmans rapportés dans l'histoire comme étant temporaires et dus à la négligence des croyants[15] ou à cause de l'épreuve divine.[16] Ils dirent également que la supériorité des croyants se réalise quand ils sont engagés à la foi[17] et qu'ils s'abstiennent de fréquenter et de s'associer aux étrangers traîtres[18] et évitent la discorde.[19]

Source pour la règle de négation d'autorité

Le verset de négation d'autorité est la source de la règle de négation d'autorité. Cette règle prévaut sur tout précepte qui entraîne la supériorité du mécréant sur le musulman.[20] La règle de négation d'autorité a des applications dans différentes chapitres du fiqh.[21] Sur la base de cette règle, le mécréant n'hérite pas du musulman. Le grand-père mécréant n'a pas l'autorité sur l'enfant musulman et le mariage de la femme musulmane avec l'homme mécréant est invalide.[22]

Impact du verset et de la règle dans le fiqh politique

Le verset de négation d'autorité et la règle dérivée de ce verset ont un impact en fiqh politique. Les savants considèrent la règle de négation d'autorité comme l'une des bases de fiqh de la fatwa d'interdiction du tabac par Mirza Shîrâzî, la fatwa du djihad contre les Russes par les savants chiites au temps de Muzaffar al-Din Chah Qadjar et l'opposition de l'imam Khomeiny à la convention de capitulation.[23] L'imam Khomeiny se référa à ce verset dans son opposition à la capitulation.[24]

Versets et hadiths similaires

D'autres versets comme les versets 51 et 52 de la sourate al-Mâ'ida font allusion au refus de l’autorité des mécréants. De même, le hadith d’al-I‘tilâ’, rapporté dans le livre « Man Lâ Yahduruhu al-Faqîh », l’un des Quatre Livres chiites,[25] fait référence à la supériorité de l'islam et à la négation de la supériorité des autres.[26]

Certains se sont appuyés sur un argument rationnel pour confirmer le verset de négation d'autorité ; de cette manière que la supériorité des mécréants sur les musulmans est une chose qui n'est pas digne de Dieu, et Dieu ne ferait jamais quelque chose qui ne serait pas digne de Lui ; c'est pour cela que Dieu ne fera pas dominer les mécréants sur les musulmans.[27]

Négation du martyre de l'Imam al-Husayn (a) par les Ghulât

Certains Ghulât,[28] en s'appuyant sur ce verset, ont nié le martyre de l'Imam al-Husayn (a) et ont considéré qu’il est monté au ciel comme le prophète Jésus (a). Ils disaient que Hanzalat b. As‘ad ash-Shibâmî lui ressemblait et que l'armée de ‘Umar b. Sa‘ad l'avait tué, pensant avoir tué l'Imam (a). L'Imam ar-Ridâ (a), tout en réfutant cette idée, a maudit ceux qui en croient, et a expliqué que le sens du verset qui nie la domination des mécréants sur les prophètes (a) se comprend par la preuve rationnelle.[29]

Références

  1. ‘Allâma Tabâtabâ’î, Al-Mîzân, vol 5, p 116 ; al-Jazâ’irî, Aysar at-Tafâsîr, vol 1, p 559 ; Shihâta, Tafsîr al-Qur’ân al-Karîm, vol 3, p 952
  2. Markaz Farhang wa Ma‘ârif Qur’ân, Dâ’irat al-Ma‘ârif Qur’ân Karîm, vol 1, p 407
  3. Al-Qummî, Tafsîr al-Qummî, vol 1, p 156 - 157
  4. ‘Allâma Tabâtabâ’î, Al-Mîzân, vol 5, p 116
  5. Dukhayyil, al-Wajîz, p 132
  6. Mûsawî Sabziwârî, Mawâhib ar-Rahmân, vol 10, p 42
  7. ‘Allâma Tabâtabâ’î, Al-Mîzân, vol 5, p 116
  8. Ja‘farî, Tafsîr Kawthar, vol 2, p 597
  9. Sayyid ‘Ali Akbar Qarashî, Tafsîr Ahsan al-Hadîth, vol 2, p 472
  10. Ja‘farî, Tafsîr Kawthar, vol 2, p 597
  11. Ayatollah Makârim Shîrâzî, Tafsîr Nimûni, vol 4, p 175
  12. Ridâ’î Isfahânî, Tafsîr Qur’ân Mihr, vol 4, p 342
  13. Markaz Farhang wa Ma‘ârif Qur’ân, Dâ’irat al-Ma‘ârif Qur’ân Karîm, vol 3, p 155
  14. Ja‘farî, Tafsîr Kawthar, vol 2, p 597
  15. Mûsawî Sabziwârî, Mawâhib ar-Rahmân, vol 10, p 41 et 43
  16. Tantâwî, at-Tafsîr al-Wasît, vol 3, p 355
  17. ‘Allâma Tabâtabâ’î, Al-Mîzân, vol 5, p 116 ; Ayatollah Makârim Shîrâzî, Tafsîr Nimûni, vol 4, p 175
  18. Husiynî hamidânî, Anwâr Dirakhshân, vol 4, p 252
  19. Tantâwî, at-Tafsîr al-Wasît, vol 3, p 355
  20. Ja‘farî, Tafsîr Kawthar, vol 2, p 595
  21. Bujnûrdî, al-Qawâ’id al-Fiqhîya, vol 1, p 187
  22. Ja‘farî, Tafsîr Kawthar, vol 2, p 598 - 599
  23. Kâmrân et Amîrî Fard, « Qâ‘idiyi Nafyi Sabîl wa Tatbîqât ân », p 110
  24. Imam khumiynî, Sahîfi Imâm, vol 1, p 409
  25. Cheikh as-Sadûq, Man lâ Yahduruh al-Faqîh, vol 4, p 334
  26. Bujnûrdî, al-Qawâ’id al-Fiqhîya, vol 1, p 349 - 358
  27. Abû Muslim Isfahânî, Mawsû‘a Tafâsîr al-Mu‘tazila, vol 3, p 176
  28. Cheikh as-Sadûq, ‘Uyûn Akhbâr ar-Rizâ, vol 1, p 219 - 220
  29. Al-Huwayzî, Tafsîr Nûr ath-Thaqalayn, vol 1, p 565