Arbitrage

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Arbitrage (Hakamîyya ou Tahkîm al-Qur’ân) (en arabe : التحكيم أو تحكيم القرآن) est un événement historique qui appartient à la bataille de Siffîn. Au cours de cette bataille, Abû Mûsâ Ash’arî fut le délégué de l’armée de Koufa (l’armée de l’Imam Ali (a) ) et Amr ibn al-As fut le délégué de l’armée de Shâm (l’armée de Muawiya) pour négocier sur la divergence dans la communauté musulmane. Ils se mirent d’accord sur le fait que leur décision devait être conformément au Coran.

L’idée de l’Arbitrage fut proposée par Muawiya et Amr ibn al-As lorsqu’ils virent qu’ils étaient sur le point d’une grande défaite devant l’armée de l’Imam Ali (a). Dès le début, l’Imam Ali (a) ne fut pas d’accord avec cette idée. Enfin, Amr ibn al-As put tromper le déléguer de l’Imam Ali (a), Abû Mûsâ Ash’arî et contrairement à sa promesse, il annonça que Muawiya avait raison et que l’Imam Ali (a) avait tort. Le seul résultat de cet arbitrage, fut la fuite de l’armée de Muawiya de la défaite devant celle de l’Imam Ali (a).

Histoire de l’Arbitrage (Hakamîyya)

Article connexe : Bataille de Siffîn.

En l’an 37 H, la bataille de Siffîn se déroula entre l’Imam Ali (a) et Muawiya. Après quelques jours de combats, l’armée de l’Imam Ali (a) fut sur le point de vaincre les soldats de Muawiya. Ce dernier demanda l’aide de Amr ibn al-As. [1] D’après l’idée de ce dernier, les soldats de Muawiya mirent le Coran sur les lances et s’écrièrent :

« Ô gens de l’Irak ! Le Juge entre vous et nous doit être le livre d’Allah ».

Ils s’écrièrent encore :

« Ô Arabes ! Pensez à vos femmes et à vos enfants. Si vous êtes tués, qui défendra vos familles contre les Romains, les Turcs et les Perses ? [2]

Révolte de l’armée de l’Imam Ali (a)

Suite à la ruse de Amr ibn al-As, les soldats de l’Imam Ali (a) se divisèrent en deux groupes. Certains disaient que l’armée de Muawiya a accepté l’Arbitrage du Coran, donc, on n’a plus le droit de les combattre. L’Imam Ali (a) les contredit et essaya de les faire comprendre que ceci n’était que la ruse de Muawiya.

Enfin le groupe (y compris : Ash’ath b. Qays et sa tribu qui fut contre l’Imam Ali (a) n’accepta pas l’avis de l’Imam et l’obligèrent à arrêter le combat. L’Imam (a) écrivit une lettre à Muawiya lui disant que même s’il savait bien que Muawiya ne suivait pas le Coran, il accepte cet Arbitrage. [3]

Détermination des représentants

L’armée de Shâm choisirent Amr ibn al-As comme leur délégué. Mais il y eut encore une divergence dans l’armée de l’Imam Ali (a). Ash’ath et certains d’autres proposaient Abû Mûsâ Ash’arî, mais l’Imam Ali (a) proposait Mâlik al-Ashtar et Ibn ‘Abbâs.

Ash’ath et sa tribu n’acceptèrent pas la proposition de l’Imam, en disant que Mâlik croyait à faire le combat et Ibn ‘Abbâs aussi n’était pas digne d’être le délégué de leur armée. Car d’après eux, leur délégué devait être Yéménite. [4]

Conditions de l’Arbitrage

Après avoir choisi les délégués de deux armées, Muawiya envoya Amr ibn al-As, Abû al-A’war as-Sulamî et certains d’autres auprès de l’Imam Ali (a) pour décider sur le contenu et les conditions de l’Arbitrage.

D’après Ya’qûbî, lorsqu’ils se contredirent sur le titre Amîr al-Mu’minîn (Prince des Croyants) pour l’Imam Ali (a) dans le traité qu’ils furent en train d’écrire, Ash’ath (de l’armée de l’Imam) fut une des personnes qui demandaient de l’effacer et Mâlik fut parmi ceux qui voulait garder ce titre. [5]

Les deux armées se donnèrent 8 mois et choisirent la fin du mois de Ramadan et la ville de Dûmat al-Jandal pour la réunion sur l’Arbitrage. [6][7]

Le contenu et les conditions de leur traité de paix, furent les suivants :[8]

  • S’il y a désaccord, c’est le Coran qui donne l’opinion finale.
  • Abû Mûsâ Ash’arî fut le délégué de l’Imam Ali (a) et Amr ibn al-As fut celui de Muawiya.
  • Si, en prenant compte les versets du Coran, on n’arrive pas à se mettre d’accord, on profitera de la sunna du Prophète (s).
  • Personne ne doit chercher la discorde et personne n’a le droit de suivre ses désirs personnels et corporels.
  • L’âme, les biens et la familles des deux arbitres seront en sécurité tant qu’ils ne suivent que le droit chemin.
  • Si un des deux arbitres meurt avant le jour de l’Arbitrage, l’Imam de cette armée doit présenter un autre arbitre juste.
  • Si un de deux Imams meurt avant le jour de l’Arbitrage, son peuple doit choisir un autre Imam.
  • Si les arbitres ne tiennent pas leurs promesses, le peuple a le droit de le refuser.
  • Dès l’écriture du traité de paix jusqu’à la fin de la période destinée, les gens, leurs biens et leurs familles seront en sécurité.
  • Aucun soldat n’a le droit de prendre son arme.
  • Les routes et tous les chemins doivent être en sécurité jusqu’à la fin du traité de paix.
  • Les deux arbitres doivent habiter dans un endroit entre l’Irak et Shâm (Syrie) et sauf ceux qu’ils veulent, personne n’a le droit d’y aller.
  • Si les deux arbitres ne jugent pas d’après le Coran et la Sunna, les deux armées reprendront le combat et il n’y aura plus de paix entre elles.

Conseils de l’Imam Ali (a) et de ses compagnons

Pour l’Arbitrage, l’Imam Ali (a) envoya Abû Mûsâ Ash’arî accompagné de 400 personnes sous le commandement de Shurayh b. Hânî et choisit Abd Allah b. ‘Abbâs comme leur Imam dans les prières collectives. De plus, il parla beaucoup avec Abû Mûsâ Ash’arî sur Muawiya et essaya de le faire comprendre le but de Muawiya et d’ouvrir ses yeux devant ses ruses. [9] Shurayh Qâdî fut une des personnes qui alerta Abû Mûsâ Ash’arî sur l’intelligence et les ruses de Muawiya. Il lui dit que si le résultat de l’Arbitrage est le califat de l’Imam Ali (a), tout le monde sera en sécurité, mais si le résultat est le califat de Muawiya, les Irakiens n’auront plus de sécurité. [10]

Il dit aussi :

« Ô Abû Mûsâ ! Ils t’ont choisi comme l’arbitre devant le pire des ennemis. Ne fais pas de l’Irak, un pays humilié. Ne donne jamais le droit à l’armée de Shâm et ne soit jamais pour eux. Sois intelligent pour que Amr ibn al-As ne te trompe pas. Il use tout le temps des ruses d’une façon que peu de gens arrivent à les surmonter. Donc, ne considère pas Muawiya comme vainqueur qui n’a pas d’adversaire. [11]

Aussi, Ahnaf b. Qays prit la main d’Abû Mûsâ et lui dit :

« Ô Abû Mûsâ, sache bien que ton arbitrage a beaucoup d’effets sur l’avenir de l’Irak. Si tu détruis l’Irak, ce pays ne persistera plus ».

Il conseilla également Abû Mûsâ de ne pas avancer dans aucun acte (de ne pas donner et serrer la main de l’adversaire avant que ce dernier le fasse). Il dit encore :

« Ne permets jamais qu’il te mette en haut de la réunion, ceci est de ses ruses et ne le rencontre pas seul ». [12]

Déclenchement de l’Arbitrage

Deux arbitres décidèrent entre eux que Amr ibn al-As dépose Muawiya du califat et qu’Abû Mûsâ Ash’arî fait pareillement sur l’Imam Ali (a) et qu’ils confient la responsabilité de choisir le calife au Conseil. Amr ibn al-As demanda à Abû Mûsâ d’annoncer le résultat. Abû Mûsâ déposa l’Imam Ali (a), mais Amr ibn al-As, au lieu de déposer Muawiya, confirma le résultat d’Abû Mûsâ et choisit Muawiya comme calife.
En voyant cela, Abû Mûsâ commença à battre Amr ibn al-As et ils se mirent à s’insulter. [13]

Résultat de l’Arbitrage

Sous l’influence de la ruse de Amr ibn al-As, Abû Mûsâ déposa l’Imam Ali (a). Avant d’annoncer le résultat, Ibn ‘Abbâs essaya beaucoup de convaincre Abû Mûsâ de ne pas déclarer le résultat avant Amr ibn al-As, mais Abû Mûsâ n’accepta pas, donc, Amr ibn al-As réussit à réaliser son idée. [14]
Abû Mûsa monta en chaire (Minbar) et dit :

« Ô gens ! Pour empêcher la communauté musulmane de la division et apporter la paix, Amr ibn al-As et moi, nous nous sommes mis d’accord de déposer Ali (a) et Muawiya du califat pour que les musulmans eux-mêmes puissent choisir leur calife à travers un Conseil. Donc, moi, en tant que délégué des gens de l’Irak et de Hedjaz, je dépose Ali (a) du califat tout comme j’enlève ma bague de mon doigt  ». [15]

Il descendit et Amr ibn al-As monta en chaire et déclara :

« Vous avez entendu ce qu’Abû Mûsâ vient d’annoncer. Il avait le droit de déposer Ali (a) et je confirme sa décision. Mais moi, je choisit Muawiya comme calife tout comme je porte cette bague. Car, Muawiya mérite le califat et veut venger le sang de Uthman ».

A ce moment-là, Abû Mûsâ se fâcha contre Amr ibn al-As et lui dit :

« Tu as trahi et menti. Tu es semblable à un chien qui halète si tu l'attaques, et qui halète aussi si tu le laisses ». [16][17]

En sa réponse, Amr ibn al-As dit :

« Tu es comme un âne qui porte des livres ». [18][19][20]

De ce fait, sans revenir au Coran et à la Sunna du Prophète (s), l’événement de l’Arbitrage causa de plus en plus de la discorde et de la division dans la communauté musulmane. [21] Le résultat le plus important pour les gens de Shâm fut le fait qu’à partir de ce jour-là, ils donnèrent le titre de « Amîr al-Mu’minîn (Prince des croyants) » à Muawiya. [22]

Formation de Khawârij (kharidjisme)

Il y eut un autre groupe dans l’armée de l’Imam Ali (a) qui voulait continuer le combat et déclarer le slogan de « Lâ Hukma illâ lillâh (Il n’y a de Juge que Dieu) ». Ce groupe considérait l’Arbitrage comme impiété et demandait à l’Imam de se repentir auprès d’Allah et d’arrêter l’Arbitrage.
En s’appuyant sur le verset 1 de la sourate al-Mâ’ida :

« Ô vous qui croyez ! remplissez les engagements »[23]

l’Imam n’accepta pas de renoncer à l’Arbitrage. Après l’événement de l’Arbitrage, lorsque l’Imam revint à Kûfa, les opposants de l’Arbitrage, se séparèrent de l’Imam et allèrent à Harûrâ’ à proximité de Kûfa. [24] De ce fait, le groupe de Khawârij (kharidjisme), se forma et apparut dans la communauté musulmane.

Voir aussi

Références

  1. Ibn Abî al-Hadîd, Sharh Nahj al-Balâgha, v 2 p 210
  2. Ibn Muzâhim, Waq’at Siffîn, p 478
  3. Ibn Muzâhim, Waq’at Siffîn, p 490
  4. Ibn A’tham, Al-Futûh, v 3 p 163
  5. Ya’qûbî, Târîkh Ya’qûbî, v 2 p 189
  6. Ibn Muzâhim, Waq’at Siffîn, p 504
  7. Shahidi, Tarikh Tahlili Islam, p 142
  8. Tabarî, Târîkh Tabarî, v 3 p 103 - 104
  9. Âbî Abû Sa’d, Min Nathr ad-Durr, p v 1 p 421
  10. Ibn Muzâhim, Waq’at Siffîn, p 534
  11. Ibn Muzâhim, Waq’at Siffîn, p 534 - 535
  12. Ibn Muzâhim, Waq’at Siffîn, p 536 - 537
  13. Ibn Muzâhim, Waq’at Siffîn, p 545
  14. Ibn Abî al-Hadîd, Sharh Nahj al-Balâgha, v 2 p 255
  15. Ibn Abî al-Hadîd, Sharh Nahj al-Balâgha, v 2 p 256
  16. Il rappelle le verset 176 de la sourate al-A’râf.
  17. Traduction du Coran, Régis Blachère
  18. Il fait allusion au verset 5 de la sourate Al-Jum’a
  19. Traduction du Coran, Régis Blachère
  20. Ibn Abî al-Hadîd, Sharh Nahj al-Balâgha, p 256
  21. Ibn Muzâhim, Waq’at Siffîn, p 545
  22. Balâdhurî, Ansâb al-Ashrâf, v 2 p 342
  23. Traduction du Coran, Régis Blachère
  24. Ibn Muzâhim, Waq’at Siffîn, p 513 - 514