Construction sur les tombes

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Construction sur les tombes (en arabe : البناء علي القبور), l’édification des mausolées ; construire des caveaux ou un monument funéraire sur les tombes ou Al-Banâ’ ‘Ala al-Qubûr est un terme sur lequel, il y a une divergence parmi les salafistes et les autres écoles musulmanes.

Pendant les siècles, les chiites et les autres écoles sunnites construisirent des mausolées ou des monuments funéraires sur les tombes des nobles et des ulémas. Ceci provient des premiers siècles de l’islam et les compagnons du Prophète (s) n’avaient pas interdit les musulmans de le faire.

Les Wahhâbîtes croient que le fait de construire un mausolée, un caveau ou un monument sur les tombes conduit les musulmans vers le polythéisme. Car au fur et à mesure, ils vont adorer les tombes, tout comme les idolâtres.

Definition

À cause de beaucoup de discussions dans le fiqh et la théologie, Al-Banâ’ ‘Ala al-Qubûr (construction sur les tombes) est devenu un terme connu parmi les ulémas musulmans. Ce terme contient toute sorte de construction sur les tombes : les mausolées, les caveaux, le monument funéraire, etc.[1]

Histoire de la construction sur les tombes

Avant l’islam

La tombe du prophète David (a) à Jérusalem, celles des prophètes Abraham (a), Isaac (a), Jacob (a) et Joseph (a) avaient des monuments élevés. Lorsque les musulmans sous le commandement de Umar ibn al-Khattab, attaquèrent cet endroit, ils ne détruisirent pas les monuments.[2]

Ceci prouve que la construction sur les tombes n’était jamais interdite, ni à l’époque antéislamique ni après l’islam.[3]

À l’époque du Prophète (s)

À l’époque du Prophète (s), au moment du traité de paix d'al-Hudaybîyya, Abû Jundul construisit un monument sur la tombe d’un des compagnons du Prophète (s), Abû Basîr. Bien que le Prophète (s) ait été au courant de cette construction, il ne les interdit pas.[4]

À l’époque des compagnons du Prophète (s)

Le Prophète (s) fut enterré dans sa maison. Après son enterrement, les compagnons tentaient toujours pour garder la construction de sa maison.

La première fois, Umar ibn al-Khattab construisit un mur à côté de la tombe du Prophète (s) la sépara de l’endroit de la vie de Aïcha.[5]

Al-Walîd b. Abd al-Malik, qui gouverna de 86 H à 96 H, détruisit la maison du Prophète (s) pour le but de développer l’endroit de tombeau de l’Envoyé d’Allah (s). Il reconstruisit un bâtiment plus grand que l’ancien bâtiment et l’embellit par les pierres d’Albâtre.

À l’époque d'al-Mutawakkil, qui gouverna de 228 H à 242 H et al-Musta’sim, qui gouverna de 640 H à 656 H, on construisit de nouveau des bâtiments sur la tombe sainte du Prophète (s).

En l’an 656 H, l’émir de l’Egypte, Malik Mansûr, envoya des matériaux de construction à Médine pour la réparation et l’embellissement du tombeau du Prophète (s). À ce moment-là, le premier dôme fut construit sur la tombe du Prophète (s) et fut nommé Qubbat az-Zarqâ’. Le mausolée du Prophète (s) fut reconstruit de nouveau dans les années 765, 852, 881, 886, 891 par les Abbassides et les Ottomans.[6]

En lisant l’histoire de l’islam, nous voyons que pendant tous ces siècles, personnes, parmi les musulmans ne critiqua pas le fait de construire un mausolée sur la tombe du Prophète (s). Ceci prouve qu’ils le considéraient, comme un acte licite.[7]

La construction sur les tombes, fut un acte courant parmi les compagnons du Prophète (s). Dans la maison de ‘Aqîl, qui devint après des années, un cimetière spécial des Ahl al-Bayt (a) dans le cimetière d’Al-Baqî’, on avait construit sur les tombes des Imams (a).[8]

Les historiens, comme Ibn Jubayr[9], Ibn Najjâr[10], Khâlid b. ‘Îsâ[11], Ibn Batûta[12] rapportèrent qu’il y avait des dômes sur les tombes des Imams (a) dans le cimetière d’Al-Baqî’.

À l’époque de Tâbi’ûn

Les tombes de deux épouses du Prophète (s), Umm Salama et Umm Habîba, qui se situent dans la maison de ‘Aqîl, avaient des constructions.

La tombe de ‘Aqîl, de son neveu, Abd Allah b. Ja’far at-Tayyâr, Ibrâhîm et de certains de la descendance du Prophète (s) avaient des mausolées dans le cimetière Al-Baqî’. D’après Ibn Jubayr, les tombes de Abbas b. Abd al-Muttalib, l’Imam al-Hasan al-Mujtabâ (a) et Ibrâhîm, fils du Prophète (s) étaient élevées.[13]

Au deuxième siècle de l’Hégire

A partir du deuxième siècle de l’Hégire, la construction des mausolées et des dômes sur les tombes devint, comme une Sunna courante parmi les musulmans. Le dôme sur la tombe de Ja’far, fils de Mansûr al-Abbasî, la construction sur la tombe de l’Imam Ali (a), faite par Harun al-Rachid et le mausolée sur la tombe de Sayyida Nafîsa, de la descendance de l’Imam al-Hasan al-Mujtabâ (a) à Caire, sont construits dans le deuxième siècle de l’Hégire.

D’après Ibn Batûta, il y avait un mausolée sur la tombe de Talha et une mosquée à côté de la tombe de Zubayr.

Voici le nom de certains musulmans réputés dont les tombes avaient des constructions :

À partir du troisième siècle de l’Hégire

Pendant des siècles, les musulmans continuèrent à construire des mausolées sur les tombes. Parmi les musulmans et surtout les ulémas, personne ne critiqua pas ce sujet et et personne ne le considéra, comme polythéisme.

Tous les musulmans savaient bien que le fait de construire des mausolées sur les tombes, n’était pas signe du polythéisme et ils étaient conscients qu’il ne faut pas adorer les tombes.

Les musulmans avaient même construit des dômes sur les tombes des imams de quatre écoles sunnites. La tombe d’Abû Hanîfa (150 H) à Bagdad avait un mausolée qui était construit au quatrième et au cinquième siècle de l’Hégire.[14]

La tombe de Mâlik b. Anas, l’imam des Malikîtes avait un mausolée dans le cimetière Al-Baqî’.[15] La tombe de Muhammad b. Idrîs, l’imam des Shafi’îtes en Egypte[16], et celle d’Ahmad b. Hanbal, l’imam des Hanbalites à Bagdad avaient des dômes.[17]

Aussi, la construction du mausolée sur la tombe de Tirmidhî provient, apparemment du troisième et du quatrième siècle de l’Hégire. Le fait de construire des dômes sur les tombes, fut très courant au troisième siècle de l’Hégire et à partir du quatrième siècle de l’Hégire, les musulmans faisaient la visite pieuse de leurs tombes.

À partir du sixième siècle de l’Hégire, à cause des soufis, beaucoup de mausolées sont apparus.

Construction sur les tombes des Imams (a)

Tout au long de l’histoire de l’islam, les tombes des Imams (a) avaient des mausolées. Par exemple, au deuxième siècle de l’Hégire, al-Haroun al-Rachid construisit un mausolée sur la tombe de l’Imam Ali (a).[18] Le mausolée de l’Imam Ali (a) fut réparé en l’an 287 H, par Muhammad b. Zayd, un des émirs chiites à Tabaristan.

La première construction sur la tombe de l’Imam al-Husayn (a) apparut après la révolte de Mukhtâr et par ce dernier.

Khatîb al-Bagdadî mentionna la tombe de l’Imam al-Kâzim (a) parmi les endroits de la visite pieuses des chiites et de certains ulémas sunnites.[19]

D’après Ibn Hajar, le mausolée de l’Imam ar-Ridâ (a) à Mechhed était un des endroits saints que les chiites et les sunnites le visitaient.[20]

D’après Ibn Hibbân, un des ulémas sunnites, le mausolée de l’Imam ar-Ridâ (a) est le refuge des désespérés.[21]

En l’an 333 H, Nâsir ad-Dawlat al-Hamdânî construisit un mausolée sur les tombes de l’Imam al-Hâdî (a) et l’Imam Hasan al-Askarî (a).

Dans la deuxième moitié du troisième siècle de l’Hégire, Muhammad b. Zayd construisit un mausolée sue la tombe de Sayyida Ma’sûma (a) à Qom.

Au cinquième siècle de l’Hégire, on construisit un mausolée sur les tombes des Imams (a) qui sont enterrés à Al-Baqî’. Pendant des siècles, les califes musulmans réparèrent plusieurs fois ce mausolée.

Construction sur les tombes, un acte licite ?

Après l’apparition des Wahhabites, il y a deux siècles, ils annoncèrent qu’ils considéraient la construction sur les mausolées, comme acte du polythéisme. Ils se mirent à attaquer les mausolées et à les détruire. Leur idée provenait de celles d’Ibn Taymîyya (M 728 H) et de son élève, Ibn al-Qayyim (751 H). Ces derniers croyaient qu’il est obligatoire de détruire ces mausolées et ces constructions sur les tombes.

Le premier mausolée, détruit par les Wahhâbîtes fut celui de l’Imam al-Husayn (a) à Karbala. En l’an 1216 H, les Wahhâbîtes attaquèrent Karbala et détruisirent le mausolée de l’Imam al-Husayn (a).[22] Puis, ils se rendirent à Médine, et en l’an 1221 H, détruisirent le mausolée des Imams (a) dans le cimetière al-Baqî’.[23]

Après la réparation des mausolées détruits, en l’an 1344 H, lorsque les Wahhâbîtes reprirent le pouvoir à Hedjaz, ils détruisirent de nouveau les mausolées des Imams (a) à al-Baqî’ et ceux des compagnons du Prophète (s).[24]

Contrairement aux Wahhâbîtes, les autres écoles musulmanes, considèrent la construction sur les tombes, comme licite. D’après la plupart des musulmans, sunnites et chiites, ceci était une sunna parmi les musulmans.[25]

Certains ulémas sunnites considérèrent la construction sur les tombes, comme déconseillée et d’autres trouvèrent que la construction sur les tombes des nobles et des martyrs est conseillée.

Certains chercheurs sunnites croient que l’interdiction de la construction sur les tombes provient du caractère superficiel de la pensée Wahhâbîte. Car les hadiths qui interdisent la construction sur les tombes, relatent d’un moment où ces édifices posaient des problèmes pour les défunts. Néanmoins, il y a plusieurs hadiths qui autorisent toute construction sur les tombes qui ont les chaînes de transmission plus authentiques que le premier groupe.[26]

En considérant les hadiths qui interdisent, certains ulémas sunnites crurent que la construction sur les tombes est déconseillée (non pas haram) sauf les tombes des nobles.

Preuves coraniques

Sur les défunts des Gens du Caverne, le Coran raconta l’avis des chrétiens et des polythéistes :

وَكَذَلِكَ أَعْثَرْنَا عَلَيْهِمْ لِيَعْلَمُوا أَنَّ وَعْدَ اللَّهِ حَقٌّ وَأَنَّ السَّاعَةَ لَا رَيْبَ فِيهَا إِذْ يَتَنَازَعُونَ بَيْنَهُمْ أَمْرَهُمْ فَقَالُوا ابْنُوا عَلَيْهِمْ بُنْيَانًا رَبُّهُمْ أَعْلَمُ بِهِمْ قَالَ الَّذِينَ غَلَبُوا عَلَى أَمْرِهِمْ لَنَتَّخِذَنَّ عَلَيْهِمْ مَسْجِدًا ﴿۲۱﴾
«Ainsi, Nous les décelâmes aux gens [de la cité] pour qu’ils com­prissent que la promesse d’Allah est vérité et que l'Heure n’est pas objet de doute. [Nous les décelâmes], lorsque [les habitants de la ville], tiraillés entre eux à leur propos, déclarèrent : «Cons­truisez sur eux une construction : leur Seigneur les connaît bien !» Ceux qui l’emportèrent, à leur propos, dirent : «Élevons donc sur eux un sanctuaire (masjid)!».
Le Coran, Sourate al-Kahf, v 21, traduction de Régis Blachère

Enfin, ils décidèrent d’y construire un sanctuaire, pour le but de faire de cet endroit un lieu d’adoration de Dieu et pour que les traces des Gens de Caverne restent et que les gens profitent de leur bénédiction.

Si cet acte était considéré comme polythéiste, Allah aurait mentionné son interdiction dans ce verset. Mais vue que le Coran n’a rien dit sur son interdiction, ceci prouve qu’il est autorisé d’après le Coran et qu’Allah ne le considère pas comme un acte polythéiste.

Références

  1. Damyâtî, Hâshîyat I’ânat at-Tâlibîyyîn, v 2 p 137
  2. Ibn Taymîyya, Iqtidâ’ as-Sirât al-Mustaqîm, p 331
  3. Tabasî, Shinakhté Wahhâbîyyat, p 801
  4. Shahâb ad-Dîn al-Idrîsî al-Hasanî, Ihyâ’ al-Maqbûr min Adillat Jawâz Banâ’ al-Masâjid, v 1 p 17
  5. Amîn, Kashf al-Irtîyâb, p 313 ; Samhûdî, Wafâ’ al-Wafâ’, v 2 p 109
  6. Amîn, Kashf al-Irtîyâb, p 316 - 317
  7. Subhânî, Sîyânat al-Âthâr, p 79 - 80
  8. Ibn Sa’d, At-Tabaqât al-Kubrâ, v 4 p 31
  9. Ibn Jubayr, Ar-Rihla, p 173 - 174
  10. Ibn Najjâr, Ad-Durrat ath-Thamîna fî Akhbâr Madîna, v 1 p 163
  11. Khâlid b. ‘îsâ, Tâj al-Mafriq, v 1 p 288
  12. Ibn Batûta, Ar-Rihla, v A p 65
  13. Ibn Jubayr, Ar-Rihla, p 174
  14. Ibn al-Jawzî, Al-Muntazam fî Târîkh al-Umam wa al-Mulûk, v 16 p 100
  15. Ibn Jubayr, Ar-Rihla, p 173
  16. Ibn Batûta, Ar-Rihla, v 1 p 25
  17. Ibn Batûta, Ar-Rihla, v 1 p 173
  18. Cheikh al-Mufîd, Al-Irshâd, p 19
  19. Khatîb al-Bagdadî, v 1 p 120
  20. Ibn Hajar, Tahdhîb at-Tahdhîb, v 7 p 339
  21. Ibn Hibbân, Ath-Thiqât, v 8 p 457
  22. Amîn, Kashf al-Irtîyâb, p 287
  23. Amîn, Kashf al-Irtîyâb, p 16 - 17
  24. Amîn, Kashf al-Irtîyâb, p 287 - 288
  25. Subhânî, Sîyânat al-Âthâr, p 79 - 80
  26. Ghimârî, Ihyâ’ al-Maqbûr Min Adillat Jawâz Banâ’ al-Masâjid wa al-Qubâb ‘ala al-Qubûr, v 1 p 15