Jâmiʿ Ahâdîth ash-Shîʿa fî Ahkâm ash-Sharîʿa (livre)

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Le livre Jâmi' Ahâdith ash-Shî'a

Jâmiʿ Ahâdîth ash-Shîʿa fî Ahkâm ash-Sharî'a (en arabe : جامِعُ أحادیثِ الشّیعَة فی احکام الشریعه) est un livre en arabe compilant les hadiths jurisprudentiels chiites. Il a été proposé par l’ayatollah Burûjirdî (décédé en 1380 H) et réalisé par un groupe de ses étudiants, notamment Ismâʿîl Muʿizzî Malâyirî. La rédaction, débutée en 1370 H, visait à corriger les lacunes du livre Wasâʾil ash-Shîʿa tout en incluant d’autres sources narratives du fiqh chiite.

L’ouvrage se distingue par son exhaustivité, l’intégrité des hadiths sans coupures, une organisation par chapitres, l’ajout des Âyât al-Ahkâm, et la distinction entre les hadiths jurisprudentiels et les hadiths concernant les coutumes et les traditions. L'écriture du livre a commencé en 1370 H et après dix ans, son premier volume a été publié. Deux éditions existent : une en 26 volumes et une autre en 31 volumes, traduite en persan sous Manâbiʿi Fiqhî Shîʿa.

Auteurs

Jâmiʿ Ahâdîth ash-Shîʿa a été rédigé sous la supervision de l’ayatollah Burûjirdî (décédé en 1380 H) avec la collaboration de vingt de ses étudiants. Parmi eux, Ismâʿîl Muʿizzî Malâyirî, Ali Panâhi Ishtihârdî et Muhammad Wâʿiz Zâdi Khurâsânî ont joué un rôle clé, notamment dans la révision et l’organisation des chapitres. La collecte des hadiths a duré sept ans avant sa finalisation, et le classement thématique a été réalisé par Ismâʿîl Muʿizzî Malâyirî. L’idée de ce projet a été proposée par l’ayatollah Burûjirdî en 1370 H/1950.

Importance

L’ouvrage compile des hadiths issues de plus de 100 sources narratives couvrant les siècles du IIᵉ au XIVᵉ H. Ce travail monumental, qui contient 48 342 hadiths, est également connu sous son titre traduit en persan, Manâbiʿi Fiqhi Shîʿa. L’ayatollah Burûjirdî considérait ce livre comme le fruit de sa vie.

Des figures marquantes comme l’imam Khomeiny se sont appuyées sur cet ouvrage, tandis que l’ayatollah Subhânî a loué son organisation, sa cohérence et son exhaustivité, affirmant qu’il pourrait dispenser les jurisconsultes de recourir à d’autres recueils de hadiths chiites.

La rédaction du livre Jâmiʿ Ahâdîth ash-Shîʿa visait à corriger certaines faiblesses et lacunes de l’ouvrage Wasâʾil ash-Shîʿa, qui ralentissaient le processus d’al-Ijtihâd (déduction juridique). Parmi les critiques adressées à Wasâʾil, on relevait la fragmentation des Hadiths (Taqtîʿ), ce qui provoquait des répétitions inutiles, augmentait le volume de l’ouvrage et rompait la continuité entre le début et la fin des traditions. Cette fragmentation conduisait également l’auteur à ne mentionner qu’une seule chaîne de transmission par fragment pour éviter les répétitions, privant ainsi le lecteur des avantages des différentes chaînes, comme l’indication que le hadith pourrait atteindre le statut d'al-Mustafîd (rapportée par de multiples narrateurs, mais n'atteint pas le niveau d'al-Mutawâtir). [10-12]

Selon Muhammad Wâʿiz Zâdi, l’un des auteurs de l’ouvrage, la rédaction a d’abord commencé avec l’intention de réviser uniquement les traditions contenues dans Wasâʾil ash-Shîʿa. Initialement, le projet portait le nom de Tahdhîb al-Wasâʾil. Cependant, il a été décidé par la suite d’inclure toutes les hadiths jurisprudentiels rapportés dans les livres Kutub al-'Arbaʿa, du Mustadrak al-Wasâʾil et d’autres ouvrages narratifs. C’est alors que l’ayatollah Burûjirdî a renommé le projet en Jâmiʿ Ahâdîth ash-Shîʿa. [13-15]

Un an après le début du projet, l’ayatollah Burûjirdî décida d’ajouter, à la fin de chaque chapitre, des hadiths issues des sources sunnites. L’objectif était de montrer aux sunnites que les préceptes jurisprudentiels qu’ils tiraient d'al-Qiyâs (raisonnement analogique) et d'al-Istihsân (préférence juridique) pouvaient également être fondées sur des hadiths. Il pensait aussi que la jurisprudence chiite, en étant attentive à celle sunnite, bénéficierait d’une meilleure compréhension des traditions. [16-17]

Cependant, cette pratique fut abandonnée après la fin du chapitre sur at-Tahârat (pureté rituelle). Selon certaines sources, cette décision fut influencée par son fils, Muhammad Hasan, qui craignait que l’on dise que, bien que les savants chiites aient séparé les traditions des Ahl al-Bayt (a) des autres, l’ayatollah Burûjirdî les avait mélangées. [18]

Contenu

Le livre Jâmiʿ Ahâdîth ash-Shîʿa commence par une introduction qui traite de l’évolution historique de la compilation des traditions chiites. [19] Cette introduction aborde également des thèmes tels que l’autorité de la Sunna du Prophète de l’Islam (s) et des Ahl al-Bayt (a), [20] l’interdiction du raisonnement par analogie (al-Qîyâs), ainsi que l’obligation d’intention dans les actes d’adoration. [21]

La rédaction de l’introduction a été initiée par l’ayatollah Burûjirdî, mais elle fut complétée après son décès par son fils, Sayyid Muhammad Hasan. [22]

Le livre est structuré selon l’ordre des chapitres jurisprudentiels (Abwâb al-fiqh), allant des actes d’adoration (ʿIbâdât) jusqu’aux chapitres sur le Talion (al-Qisâs) et les compensations (ad-Dîyât). [23] Le premier chapitre, intitulé Abwâb Muqaddamât (chapitres introductifs), précède les sections jurisprudentielles. Il traite des sujets tels que l’obligation de rechercher le savoir, l’autorité dans les jugements légaux, et l’interdiction de prononcer des fatwas ou de rendre des jugements sans connaissances ni preuves légitimes.

Ce chapitre s’ouvre avec le verset 129 de la sourate Al-Baqara : رَبَّنَا وَابْعَثْ فِيهِمْ رَسُولًا مِنْهُمْ يَتْلُو عَلَيْهِمْ آيَاتِكَ وَيُعَلِّمُهُمُ الْكِتَابَ وَالْحِكْمَةَ وَيُزَكِّيهِمْ إِنَّكَ أَنْتَ الْعَزِيزُ الْحَكِيمُ ﴿۱۲۹﴾

"Seigneur, envoie-leur un Messager issu d’eux-mêmes, qui leur récitera Tes versets, leur enseignera le Livre et la Sagesse, et les purifiera. Certes, Tu es le Tout-Puissant, le Sage." [24]

La dernière hadith mentionné dans ce chapitre est une parole de l’Imam as-Sâdiq (a), adressée à Hâshim Sâhib al-Barîd :

"Sachez que si vous attribuez à notre nom ce que vous n’avez pas entendu de nous, cela vous causera troubles, souffrances et ennuis." [25]

Caractéristiques

L’introduction de Jâmiʿ Ahâdîth ash-Shîʿa énumère 23 caractéristiques distinctives de l’ouvrage. Parmi celles-ci :

  • Absence de découpage des hadiths : Chaque hadith est présenté avec sa chaîne de transmission (Isnâd) et son texte complet, intégrée dans le chapitre le plus approprié.
  • Regroupement des hadiths par sujet : Toutes les hadiths relatifs à une même question jurisprudentielle sont réunies dans un seul endroit.
  • Fusion des chaînes et des textes : Lorsque deux hadiths partagent une partie de leur chaîne de transmission, les sections répétitives ne sont pas reproduites et sont indiquées par l’expression Bi Hâdhâ al-Isnâd.
  • Mention des versets coraniques liés au thème : Les versets pertinents pour chaque chapitre sont listés en introduction, suivant l’ordre du Coran.
  • Séparation des hadiths non jurisprudentiels : Les hadiths relatifs aux pratiques religieuses (Sunan), aux bonnes manières (Âdâb) et aux prières (Duʿâʾ) sont extraites des sections jurisprudentielles et compilées dans un volume distinct.
  • Validation des hadiths des Kutub al-'Arbaʿa : Les hadiths issues des Quatre Livres authentiques ont été confrontées à des manuscrits anciens.
  • Exhaustivité : Le livre couvre tous les chapitres jurisprudentielles, depuis la purification (at-Tahârat) jusqu’aux compensations financières (ad-Dîyât). [26]

Méthodologie

Les auteurs de Jâmiʿ Ahâdîth ash-Shîʿa ont adopté une méthode rigoureuse pour organiser le contenu de chaque chapitre :

  • Introduction par les versets jurisprudentiels : Chaque chapitre commence par les versets coraniques liés au sujet abordé.
  • Ordre des hadiths : Les hadiths utilisés pour émettre des avis jurisprudentiels (fatâwâ) sont placées avant celles qui leur sont opposées (Muʿârid). De même, les hadiths générales et absolues précèdent celles spécifiques ou conditionnées.
  • Structuration des chapitres : Chaque chapitre est divisé en sections correspondant à des questions jurisprudentielles précises. Sous chaque section, les hadiths relatifs à ces questions sont présentées.
  • Respect des principes de l’ayatollah Burûjirdî : Les fondements méthodologiques de l’ouvrage reflètent les idées de l'ayatollah Burûjirdî, notamment :
# L’utilisation du Coran et des hadiths des Imams infaillibles (a) comme critères d’évaluation des récits.
# Une attention particulière au lexique des hadiths pour une meilleure compréhension des textes. [27][28]

Publication et Traduction

La publication du livre Jâmiʿ Ahâdîth ash-Shîʿa a suivi un parcours progressif :

  • Première édition : Le premier volume, couvrant les chapitres introductifs et la purification (at-Tahâra), a été publié en 1380 H, peu après le décès de l’ayatollah Burûjirdî. [29]
  • Deuxième volume : En 1385 H, le second volume, consacré à des chapitres sur la prière (as-Salât), a été publié. [30]
  • Édition complète en 26 volumes : Avec le soutien de l’ayatollah Khû'î, l’impression complète de l’ouvrage a débuté à Qom en 1396 H et s’est achevée en 1415 H (1373 SH). Cette édition comprend 26 volumes. [31]
  • Édition en 31 volumes : Une version étendue en 31 volumes a été publiée entre 1371 SH et 1383 SH. Cette édition intègre environ mille hadiths supplémentaires absentes de Wasâ'il ash-Shîʿa et Mustadrak al-Wasâ'il. Elle propose aussi des explications des termes et de certaines traditions. [32][33]
  • L’ouvrage, rédigé en arabe, a été traduit en persan sous le titre Manâbiʿi Fiqhi Shîʿa par Mahdi Husaynîyân Qumî et Muhammad Husayn Sabûrî. Cette traduction a été publiée à Téhéran par les éditions Farhangi Sabz en 1429 H. [34]

Critiques

L’ouvrage n’a pas échappé à certaines critiques, parmi lesquelles :

  • L’absence de toutes les Âyât al-Ahkâm (versets jurisprudentiels) et la fragmentation de certains d’entre eux.
  • L’imprécision concernant l’expression « ʿIddatun min Ashâbinâ » (certains de nos compagnons) dans le Kitâb al-Kâfî.
  • L’absence de clarification des chaînes de transmission dans les ouvrages Tahdhîb al-Ahkâm et Man lâ Yahduruhu al-Faqîh.
  • Des symboles parfois ambigus et le manque de recours systématique aux sources primaires. [35]

Voir aussi

Références