Verset d’ar-Ridâ‘

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Verset d’ar-Ridâ‘ (en arabe : آية الرضاع) est le verset 233 de la sourate al-Baqara. Le mot « ar-Ridâ‘ » signifie l'allaitement. Il fait partie des versets juridiques du Coran qui traitent des questions liées aux préceptes de l'allaitement du nouveau-né, son éducation et ses besoins. Les exégètes du Coran déduisirent de ce verset l'obligation d'allaiter le nouveau-né. Ils considèrent également que dans l'allaitement, la mère est prioritaire sur les autres, même si elle divorca de son mari.

Selon les savants, ce verset accorde à la mère le droit de garde de l'enfant jusqu'à l'âge de deux ans et le père n'a pas le droit de les séparer si la mère souhaite garder l'enfant. De plus, pendant la période d'allaitement, les frais de subsistance de la mère sont à la charge du père ou de ses héritiers.

Certains des autres commandements du verset sont les suivants : les parents, ni mère ni père, n’ont pas à subir de dommage à cause de leur enfant ; les parents doivent se consulter sur le moment du sevrage de l'enfant.

Présentation

Le verset 233 de la sourate al-Baqara s’appele le verset d’ar-Ridâ‘ (le verset de l’allaitement).[1] Ce verset fait partie des versets jurisprudentiels du Coran.[2] Dans son livre exégétique intitulée Mawâhib ar-Rahmân, Sayyid Abd al-A‘lâ Sabziwârî écrit que le verset d’ar-Ridâ‘ énonce l'une des traditions à l’œuvre dans la nature, dont le résultat est la préservation de l'espèce humaine dans l'ordre de la création.[3]

Ce verset traite en détail mais de manière concise, dans la continuité des versets précédents sur le divorce, des questions relatives à l'allaitement du nourrisson, son éducation et ses besoin.[4] Selon ce verset, la mère a priorité pour allaiter son enfant pendant deux ans, même si elle est divorcée.[5] Le verset stipule également que les frais de subsistance de la mère durant cette période sont à la charge du père selon ses capacités, même s'il divorca. Ces frais doivent être calculés selon l'usage.[6]

Texte du verset

وَالْوَالِدَاتُ يُرْضِعْنَ أَوْلَادَهُنَّ حَوْلَيْنِ كَامِلَيْنِ ۖ لِمَنْ أَرَادَ أَن يُتِمَّ الرَّضَاعَةَ ۚ وَعَلَى الْمَوْلُودِ لَهُ رِزْقُهُنَّ وَكِسْوَتُهُنَّ بِالْمَعْرُوفِ ۚ لَا تُكَلَّفُ نَفْسٌ إِلَّا وُسْعَهَا ۚ لَا تُضَارَّ وَالِدَةٌ بِوَلَدِهَا وَلَا مَوْلُودٌ لَّهُ بِوَلَدِهِ ۚ وَعَلَى الْوَارِثِ مِثْلُ ذَٰلِكَ ۗ فَإِنْ أَرَادَا فِصَالًا عَن تَرَاضٍ مِّنْهُمَا وَتَشَاوُرٍ فَلَا جُنَاحَ عَلَيْهِمَا ۗ وَإِنْ أَرَدتُّمْ أَن تَسْتَرْضِعُوا أَوْلَادَكُمْ فَلَا جُنَاحَ عَلَيْكُمْ إِذَا سَلَّمْتُم مَّا آتَيْتُم بِالْمَعْرُوفِ ۗ وَاتَّقُوا اللَّـهَ وَاعْلَمُوا أَنَّ اللَّـهَ بِمَا تَعْمَلُونَ بَصِيرٌ ﴿٢٣٣﴾
Les mères allaitent leurs enfants deux années entières, [ceci] pour quiconque veut donner un complet allaitement. Au père de l'enfant incombe la subsistance et la vêture [des mères], de la manière reconnue [convenable] : chaque personne (nafs) n'est imposée qu'à sa capacité. Nulle mère ne subira contrainte en son enfant et nul père, en l'enfant qui lui est né. A l'héritier incombe pareille charge [qu'au père]. Si d'un commun agrément, [le père et la mère] désirent sevrer [l'enfant], nul grief à leur faire. Si vous désirez mettre vos enfants en nourrice, nul grief à vous faire, à condition de verser ce que vous donnez [en rétribution] de la manière reconnue [convenable]. Soyez pieux envers Allah et sachez qu'Allah est clairvoyant sur ce que vous faites ! ﴾233﴿
Coran, S II, Verset 233 ; Traduction de Régis Blachère

Quelques préceptes

Obligation ou recommandation d'allaiter un nouveau-né

La satisfaction des besoins du nouveau-né et l'allaitement sont considérés comme obligatoires pour le père selon le verset 233 de la sourate al-Baqara,[7] et d’autres preuves mentionnées dans les livres jurisprudentiels.
L'opinion majoritaire parmi les juristes est que l'allaitement de son nouveau-né n'est pas obligatoire pour la mère, et que c'est le père qui doit pourvoir à tous les besoins du bébé. Certains juristes prétendirent qu'il y avait consensus[8] et absence de désaccord[9] sur ce précepte.
Il y a certains comme ‘Allâma al-Hillî qui considèrent que la mère doit allaiter le bébé avec son premier lait, et qu'elle peut demander un salaire au père pour cela.[10]

Ci-dessous, on mentionne quelques opinions à ce sujet:

Selon cheikh at-Tabrisî dans son livre exégétique Majma‘ al-Bayân, le verset 233 d’al-Baqara indique l'obligation d'allaiter le nouveau-né. Cependant, toujours selon lui, cela n'est pas une obligation pour la mère mais plutôt recommandé ; c'est-à-dire que les mères sont plus dignes d'allaiter leur propre enfant et si cela était difficile pour elles ou qu'elles ne pouvaient pas allaiter pour toute autre raison, il serait obligatoire de fournir du lait au nouveau-né par d'autres moyens[11] et cette responsabilité incombe au père et il est obligatoire pour lui de pourvoir à cela pour son enfant.

Muhammad Jawâd Maghnîyya considère ce devoir comme recommandé pour la mère et que la mère est plus digne que les autres.[12]

Al-Muqaddas al-Ardabîlî dans son livre Zubdat al-Bayân mentionne que si le nouveau-né ne peut survivre qu'avec le lait de sa propre mère, ou qu'une nourrice ne peut être trouvée, ou que le père n'a pas les moyens de trouver une nourrice, alors il devient obligatoire pour la mère d'allaiter son propre enfant.[13]

Droit de garde du nouveau-né

Selon les exégètes du Coran, sur la base du verset 233 de la sourate al-Baqara, le droit de garde de l'enfant revient à la mère jusqu'à l'âge de deux ans.[14] D’après ‘Allâma Tabâtabâî, l’exégète chiite du Coran, la phrase « pour quiconque veut donner un complet allaitement » dans ce verset fait référence au droit de garde de la mère divorcée sur son propre enfant jusqu'à l'âge de deux ans. Pendant cette période, son mari n'a pas non plus le droit de prendre l'enfant de sa mère ; car cela est un exemple clair de préjudice à la mère, le préjudice que le verset nie, sauf si, en cas d'accord entre le couple ou de renonciation de la mère à son droit.[15]

De même, l’Ayatollaah Makârim Shîrâzî, l'un des exégètes chiites, s'appuyant sur cette partie du verset, estime que le droit d'allaiter et de garder le nouveau-né jusqu'à l'âge de deux ans est donné à la mère, bien que la tutelle des jeunes enfants incombe au père.[16] Il écrit que, puisque la nutrition physique et spirituelle du nouveau-né est, pendant cette période, inséparablement liée au lait maternel et aux sentiments maternels, ce droit a été donné à la mère. De plus, les sentiments maternels doivent également être respectés. Par conséquent, accorder à la mère le droit de garde, de soins et d'allaitement est une sorte de droit bilatéral qui vise à la fois à préserver l'intérêt de l'enfant et de la mère.[17]

Fournir les frais de subsistance aux mères allaitantes

Conformément au verset d’ar-Ridâ‘ (2:233), la charge de subvenir aux frais de subsistance de la mère allaitante incombe au père du nouveau-né.[18] Certains d’entre eux, en s'appuyant sur le verset, déclarent que pendant la période où la mère allaite le nouveau-né, la prise en charge des frais de subsistance d’elle, qui comprennent la nourriture et les vêtements, est obligatoire dans une mesure convenable et proportionnelle aux moyens du père.[19] Al-Maghnîyya jugea également obligatoire de respecter la position sociale de la femme, ce qui peut inclure des éléments autres que la nourriture et les vêtements.[20]

Il est à noter que la prise en charge des frais de subsistance mentionnés dans le verset concerne les femmes divorcées qui allaitent les nouveau-nés de leurs ex-maris ; car pourvoir aux besoins des femmes non divorcées devient obligatoire pour le mari au moment du mariage, qu'elles aient ou non un nouveau-né.[21] L'insistance du Coran sur la prise en charge des frais de subsistance de la mère par le père pendant la période d'allaitement vise à permettre à la mère d'allaiter son enfant l'esprit tranquille et à mobiliser les sentiments paternels dans l'accomplissement de ce devoir.[22]

Éviter de nuire aux parents et à l'enfant

L’un des points sur lequel le verset d’ar-Ridâ‘ (2:233) met fortement l'accent est d'éviter que le nouveau-né ne soit lésé en raison de désaccords entre les parents, ou que les parents ne se servent de l'enfant pour se nuire mutuellement.[23]

D’après ‘Allâma Tabâtabâ’î, puisque le droit de garde et d'allaitement de l'enfant est pour la mère, le mari ne peut pas les séparer de force, ou le femme égaelemnt ne n’a pas le droit d’empêcher le père de voir son enfant ; car de tels actes constituent un préjudice évident que l'époux et l'épouse s'infligent mutuellement en instrumentalisant l'enfant.[24]
De même, certains savants comme cheikh at-Tabrisî et l’Ayatolah Makârim Shîrâzî, les parents ne doivent pas, en raison de leurs différends, porter atteinte à son bien-être physique et moral ; par exemple, la mère qui, par colère envers son mari, refuse d'allaiter l'enfant, ou le mari qui sépare l'enfant de sa mère dans le but de nuire à cette dernière. Ce sont des cas où les parents n'ont pas le droit d'agir ainsi.[25]

L’Ayatollah Makârim ajoute que Dieu, à la fin du verset, en recommandant de faire preuve de piété dans les affaires concernant le nouveau-né, met en garde l'épouse et l'époux de ne pas mettre en danger le destin de l'enfant dans un esprit de vengeance, car Il observe précisément leurs actes.[26]

Consultation des époux sur la durée de l'allaitement

L'autre précepte abordé par le verset 233 de la sourate al-Baqara est l'obligation de consultation entre les parents sur la durée du sevrage de l'enfant.[27] Les exégètes du Coran croient que l'expression « si d'un commun agrément, [le père et la mère] désirent sevrer [l'enfant] » indique l'accord et la concertation des parents comme condition du sevrage de l'enfant, même si celui-ci a lieu avant deux ans ; car accomplir cela sans échange d'opinions entre eux pourrait nuire à l'enfant.[28]

Au dire d’al-Maghnîyya, leur concertation dans ce verset concerne l'intérêt de l'enfant.[29] De même, ‘Allâma Tabâtabâ’î interpréta la législation de ce précepte par Dieu pour deux raisons : afin de protéger les droits des femmes et d’éviter que les deux parties ne soient contraintes à agir concernant les affaires du nouveau-né ; ils peuvent donc se concerter pour confier l'enfant à une nourrice autre que la mère, si elle refuse d'allaiter ou en est incapable.[30]

Durée minimale de la grossesse

Cheikh al-Mufîd, dans son livre al-Irshâd, rapporta un hadith du Prince des croyants, l'Imam Ali (a) qui, en se référant aux versets 233 de la sourate al-Baqara (le verset d’ar-Ridâ‘) et 15 de la sourate al-Ahqâf (qui fixe la durée totale de l'allaitement et de la gestation à 30 mois), détermina que la durée minimale de la gestation est de six mois :

« Un jour ils amenèrent à Umar une femme qui avait accouché au bout de six mois, et il voulut la lapider. Mais le Commandeur des croyants, Ali (a) lui dit :
Si je veux, je peux te dire le précepte de cela. Certes Dieu dit « Et sa gestation et son sevrage durent trente mois »,[31] et dit également « Les mères allaitent leurs enfants deux années entières, [ceci] pour quiconque veut donner un complet allaitement ».[32] Ainsi, si la femme allaite deux ans, et que sa gestation et son sevrage durent trente mois, sa grossesse dure six mois.
Alors Umar libéra la femme, et ce jugement fut établi. Les Compagnons, les Tâbi’ûn et ceux qui leur succédèrent jusqu'à ce jour s'y conforment. »[33]

Selon la médecine, la durée minimale de gestation est de six mois et qu'avant cela, la probabilité que le nouveau-né soit en bonne santé est quasi nulle.[34]

Références

  1. Khurâsânî ,«  yât Nâmdâr », p 384
  2. Muqaddas Ardibîlî, Zubdat al-Bayân, p 556 - 561
  3. Mûsawî Sabziwârî, Mawâhib ar-Rahmân, vol 4, p 56
  4. Cheikh at-Tabrisî, Majma‘ al-Bayân, vol 2, p 586 ; Ayatollah Makârim Shîrâzî, Tafsîr Nimûni, vol 2, p 185 - 186
  5. Ayatollah Makârim Shîrâzî, Tafsîr Nimûni, vol 2, p 186 ; Qarâ’atî, Tafsîr Nûr, vol 1, p 365
  6. Qarâ’atî, Tafsîr Nûr, vol 1, p 365
  7. Cheikh at-Tabrisî, Majma‘ al-Bayân, vol 2, p 587
  8. At-Tabâtabâ’î, Rîyâd al-Masâ’il, vol 12, p 145
  9. Ayatollah Muhammad Hasan an-Najafî, Jawâhir al-Kalâm, vol 31, p 272
  10. ‘Allâma al-Hillî, Qawâ’id al-Ahkâm, vol 3, p 101
  11. Cheikh at-Tabrisî, Majma‘ al-Bayân, vol 2, p 586
  12. ‘Allâma Maghnîya, At-Tafsîr al-Kâshif, vol 1, p 356
  13. Muqaddas Ardibîlî, Zubdat al-Bayân, p 556
  14. ‘Allâma Tabâtabâ’î, Al-Mîzân, vol 2, p 240 ; Ayatollah Makârim Shîrâzî, Tafsîr Nimûni, vol 1, p 186
  15. ‘Allâma Tabâtabâ’î, Al-Mîzân, vol 2, p 240
  16. Ayatollah Makârim Shîrâzî, Tafsîr Nimûni, vol 1, p 186
  17. Ayatollah Makârim Shîrâzî, Tafsîr Nimûni, vol 1, p 186
  18. Muqaddas Ardibîlî, Zubdat al-Bayân, p 556 ; Cheikh at-Tabrisî, Majma‘ al-Bayân, vol 2, p 587 ; ‘Allâma Tabâtabâ’î, Al-Mîzân, vol 2, p 240
  19. Cheikh at-Tabrisî, Majma‘ al-Bayân, vol 2, p 587 ; Ayatollah Makârim Shîrâzî, Tafsîr Nimûni, vol 2, p 187 ; ‘Allâma Tabâtabâ’î, Al-Mîzân, vol 2, p 240
  20. ‘Allâma Maghnîya, At-Tafsîr al-Kâshif, vol 1, p 358
  21. Cheikh at-Tabrisî, Majma‘ al-Bayân, vol 2, p 587
  22. Ayatollah Makârim Shîrâzî, Tafsîr Nimûni, vol 2, p 187 - 188
  23. ‘Allâma Maghnîya, At-Tafsîr al-Kâshif, vol 1, p 359
  24. ‘Allâma Tabâtabâ’î, Al-Mîzân, vol 2, p 241
  25. Cheikh at-Tabrisî, Majma‘ al-Bayân, vol 2, p 587 ; Ayatollah Makârim Shîrâzî, Tafsîr Nimûni, vol 2, p 188 - 189
  26. Ayatollah Makârim Shîrâzî, Tafsîr Nimûni, vol 2, p 190 - 191
  27. Muqaddas Ardibîlî, Zubdat al-Bayân, p 560
  28. Cheikh at-Tabrisî, Majma‘ al-Bayân, vol 2, p 588 ; Ayatollah Makârim Shîrâzî, Tafsîr Nimûni, vol 2, p 189
  29. ‘Allâma Maghnîya, At-Tafsîr al-Kâshif, vol 1, p 360
  30. ‘Allâma Tabâtabâ’î, Al-Mîzân, vol 2, p 241
  31. La sourate al-Ahqâf, le veset 15
  32. La sourate al-Baqara, le verset 233
  33. Cheikh al-Mufîd, Al-Irshâd, vol 1, p 206
  34. Al-Bâr, Khalq al-Insân, Bayn at-Tibb wa al-Qur’ân, p 451