Meurtre de Mâlik ibn Nuwayra

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Meurtre de Mâlik ibn Nuwayra (en arabe : قتل مالك بن نويرة) fut l'un des événements du califat d'Abû Bakr dans lequel Mâlik b. Nuwayrah, l'un des compagnons du Prophète Muhammad (s), fut tué par Khâlid b. al-Walîd et devint l'une des controverses théologiques entre les chiites et les sunnites. Les chiites, en croyant à la déviance morale de Khâlid et à la perpétration de ce meurtre, critiquèrent la théorie de la justice de tous les Sahaba. Selon les chercheurs chiites, Mâlik s'abstint de payer le zakat au gouvernement parce qu'il ne considérait pas le califat d'Abû Bakr légitime, et cela devint le prétexte de son meurtre.

Certains auteurs sunnites, pour justifier l’acte de Khâlid b. al-Walîd, considérèrent Mâlik apostat ; mais les chiites et certains sunnites, en s'appuyant sur le témoignage d'un certain nombre de compagnons sur son islam et sur le paiement du prix du sang de Mâlik par Abû Bakr, nièrent son apostasie. Ainsi, Umar b. al-Khattâb considérait que Khâlid méritait la peine de mort pour le meurtre de Mâlik et la lapidation pour avoir partagé la couche avec sa femme.

Mâlik b. Nuwayra était l'un des nobles à l'époque de l'ignorance et de l'islam qui embrassa l'islam du vivant du Prophète Muhammad (s). Après le décès du Messager de Dieu (s), Mâlik protesta auprès d'Abû Bakr en lui demandant pourquoi, selon la parole du Prophète (s), il n'avait pas confié le califat au Prince des croyants Ali (a). Les savants chiites estiment que Mâlik fut tué en raison de son amour pour les Ahl al-Bayt (a).

Des livres furent écrits sur le sujet du meurtre de Mâlik b. Nuwayra.

Importance de l'événement de meurtre de Mâlik dans les débats théologiques

L’événement du meurtre de Mâlik b. Nuwayra fait partie des questions controversées dans les débats théologiques entre les chiites et sunnites.[1] Le meurtre de Mâlik par les mains de Khâlid b. al-Walîd et le fait qu'il partagea la couche avec la femme de Mâlik, sont considérés parmi les événements les plus controversés liés aux guerres d’ar-Ridda.[2] Les chercheurs chiites, en s'appuyant sur cet événement historique, critiquent la théorie des sunnites sur la justice des compagnons du Prophète Muhammad (s), et estiment que cette théorie a été avancée pour justifier certains actes inappropriés de Compagnons.[3] Selon al-Maqdisî, l'historien du 4e siècle de l'Hégire, après la question de l'Imamat, la divergence entre les musulmans apparut dans les guerres d’ar-Ridda. Bien qu'Abû Bakr pensait qu'il fallait combattre les apostats, les musulmans s'opposèrent à lui.[4]

Les chiites et certains sunnites considèrent que l'apostasie de Mâlik est une fausse allégation, et le considèrent musulman.[5] Le témoignage de certains Sahaba sur son islam, le paiement du prix de son sang par Abû Bakr, et l'ordre de ce dernier à Khâlid de se séparer de la femme de Mâlik et la parole de Umar b. al-Khttâb qui lui dit : ô ennemi de Dieu, tu as tué un homme musulman, puis tu as commis l'adultère avec sa femme, je te lapiderai certainement ; sont parmi les preuves de son islam.[6] Cependant certains sunnites le considèrent apostat.[7] Muhammad Husayn Haykal justifie le comportement de Khâlid en estimant que le meurtre de Mâlik et le fait qu'il partagea la couche avec sa femme sont des détails négligeables comparés aux services qu'il rendit au gouvernement.[8]

Mâlik b. Nuwayra

Article connexe : Mâlik b. Nuwayra.

Mâlik b. Nuwayra b. Jamra at-Tamîmî était parmi les Compagnons du Prophète Muhammad (s) et l'un des nobles et chefs à l'époque de l'ignorance et de l'islam.[9] Mâlik était poète et avait un diwan de poésie.[10] Il se rendit auprès du Messager de Dieu (s) et se convertit à l'islam.[11] Le Prophète (s) le nomma son représentant dans sa tribu pour collecter le zakat.[12]

D’après cheikh Abbas al-Qummî, Mâlik b. Nuwayra fut tué en raison de son affection pour les Ahl al-Bayt (a).[13] Conformément au rapport d’al-Fadl b. Shâdhân, après le décès du Prophète Muhammad (s), Mâlik vint à Médine et, en apprenant le califat d'Abû Bakr, lui reprocha de ne pas avoir confié le califat à l'Imam Ali (a) comme l'avait dit l’Envoyé d’Allah (s).[14]

Mâlik fut tué pendant les guerres d’ar-Ridda

Selon les savants et les historiens comme ‘Allâma al-Amînî[15] Ja‘farîyân,[16]
Il ne fait aucun doute que Mâlik b. Nuwayra fut tué en raison de la déviance morale de Khalîd b. al-Walîd. Mâlik refusait de payer le zakat au gouvernement d'Abû Bakr et la distribuait plutôt parmi les gens de sa tribu.[17] Mâlik s'abstenait de payer le zakat à Abû Bakr, car il n’accepta pas la légitimité de son califat et de la validité du paiement de le zakat à lui.[18]

Khâlid b. al-Walîd, sur ordre d'Abû Bakr, se rendit avec une armée chez la tribu de Mâlik dans la région d’al-Butâh pour faire face à Mâlik et sa tribu.[19] Abû Bakr avait ordonné de vérifier d'abord leur observance de la prière pour s'assurer qu'ils n'étaient pas apostats.[20] Quand Mâlik apprit que Khâlid marchait vers lui, il dispersa les membres de sa tribu pour montrer sa bonne intention et éviter les soupçons qu'ils préparaient une armée.[21] Certains Ansar, voyant que Mâlik et sa tribu faisaient la prière, s'opposèrent à Khâlid, mais il n'en tint pas compte.[22]

Mâlik vint voir Khâlid avec sa femme, Umm Tamîm, pour prouver qu'ils n'étaient pas apostats. Mais Khâlid, voyant la beauté de la femme de Mâlik, tua Mâlik et coucha avec elle la même nuit.[23] Selon al-Ya‘qûbî, l'historien du 3e siècle de l’Hégire, en voyant Umm Tamîm, Khâlid dit : « je jure par Dieu que je n'obtiendrai ce que tu as qu'en te tuant », puis tua Mâlik.[24] D’après al-Wâqidî, l'historien du 2e siècle de l'Hégire, Khâlid convoitait Umm Tamîm depuis longtemps, et quand Khâlid dit à Mâlik que je te tue, Mâlik répondit que la beauté de sa femme était la cause de sa mise à mort.[25] Le meurtre de Mâlik est rapporté parmi les événements de l'an 11 de l'Hégire.[26]

Objections des Sahaba au meurtre de Mâlik

Les actes contraires à la religion de Khâlid suscitèrent les objections de certains Compagnons comme Abû Qatâda al-Ansarî et Abd Allah b. Umar.[27] Après que le rapport de l'armée de Khâlid fut parvenu à Médine, Umar b. al-Khattâb discuta avec Abû Bakr des actes contraires à la loi religieuse de Khâlid et lui demanda de le démettre de son commandement.[28] Umar considérait que Khâlid méritait la loi du talion pour le meurtre de Mâlik et la lapidation pour avoir couché avec la femme de celui-ci.[29] Mais Abû Bakr rejeta la requête d'Umar, estimant que Khâlid avait fait une erreur d'interprétation pardonnable,[30] et il le qualifia d'un des épées de Dieu dégainés contre Ses ennemis.[31]

Après que Mutammim b. Nuwayra, le frère de Mâlik, fut venu réclamer vengeance pour le meurtre de son frère auprès d'Abû Bakr, celui-ci ordonna que le prix du sang de Mâlik soit payé sur le Trésor public.[32] Il ordonna aussi à Khalid de se séparer la femme de Mâlik, mais Khâlid n'exécuta jamais cet ordre.[33] Selon l'historien égyptien, Muhammad Husayn Haykal, comme Abû Bakr avait besoin de Khâlid pour son gouvernement, il continua à l'employer.[34] Mais Umar n'oublia pas son crime et c'est pour cela qu'après la mort d'Abû Bakr, il démit Khâlid de son commandement militaire.[35]

Références

  1. Sîyâmîyân Gurjî, « Radi, Janghâ », p 695
  2. Gulâmî, « Janghâyi Irtidâd wa Buhrân Jânishînî pas az Payâmbar », p 39
  3. Nîkzâd, « ‘Idâlat Sahâbi dar Tarâzûyi Naqd », p 42 - 44
  4. Al-Maqdisîyy, Al-Bad’ wa at-Târîkh, vol 5, p 123
  5. Gulâmî, « Janghâyi Irtidâd wa Buhrân Jânishînî pas az Payâmbar (s) », p 40 ; Ibn al-Athîr al-Jazarî, Usd al-Ghâba, 4, p 277
  6. Gulâmî, « Janghâyi Irtidâd wa Buhrân Jânishînî pas az Payâmbar », p 40 ; Ibn al-Athîr al-Jazarî, Usd al-Ghâba, 4, p 277
  7. Ibn al-Athîr al-Jazarî, Usd al-Ghâba, 4, p 277
  8. Haykal, As-Siddîq Abû Bakr, p 141
  9. Ibn al-Athîr al-Jazarî, Usd al-Ghâba, 4, p 276
  10. Cheikh qâ Buzurg at-Tihrânî, Adh-Dharî‘a, vol 9, p 264
  11. Adh-Dhahabî, Târîkh al-Islâm, vol 3, p 33
  12. Ya‘qûbî, Târîkh al-Ya‘qûbî, vol 2, p 122
  13. Cheikh Abbas al-Qummî, Muntahâ al- mâl, vol 1, p 311
  14. Ibn Shâdhân, Al-Fadâ’il, p 76
  15. Al-‘Allâmat al-Amînî, Al-Ghadîr fî al-Kitâb wa as-Sunna wa al-Adab, vol 7, p 219 - 220
  16. Ja‘farîyân, Târîkh Khulafâ’, p 38
  17. Ibn Hajar al-‘Asqalânî, Al-Isâba, vol 5, p 560
  18. Sharaf ad-Dîn, An-Nass wa al-Ijtihâd, p 118
  19. Ibn Khaldûn, Târîkh Ibn Khaldûn, vol 2, p 495
  20. Sayyid al-Murtadâ, Ash-Shâfî fî al-Imâma, vol 4, p 163
  21. Sharaf ad-Dîn, An-Nass wa al-Ijtihâd, p 118 - 119
  22. Al-Wâqidî, Ar-Ridda, p 106 - 107
  23. Ya‘qûbî, Târîkh al-Ya‘qûbî, vol 2, p 131 - 132
  24. Ya‘qûbî, Târîkh al-Ya‘qûbî, vol 2, p 131
  25. Al-Wâqidî, Ar-Ridda, p 107
  26. At-Tabarî, Târîkh at-Tabarî, vol 3, p 278
  27. Al-Maqdisîyy, Al-Bad’ wa at-Târîkh, vol 5, p 159
  28. At-Tabarî, Târîkh at-Tabarî, vol 3, p 278 - 279
  29. Abû al-Fadâ’, Târîkh Abî al-Fadâ’, vol 1, p 222
  30. Ibn Kathîr, Al-bidâya wa an-Nihâya, vol 6, p 323
  31. ‘Allâma al-Majlisî, Bihâr al-Anwâr, vol 30, p 471
  32. Ibn al-Athîr al-Jazarî, Usd al-Ghâba, 4, p 277
  33. Ibn Hajar al-‘Asqalânî, Al-Isâba, vol 2, p 218
  34. Haykal, As-Siddîq Abû Bakr, p 157
  35. Haykal, As-Siddîq Abû Bakr, p 138