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Ingratitude des bienfaits

De wikishia

Ingratitude des bienfaits (en arabe : كُفرَانُ النِّعمَة), connue en arabe sous le terme de kufrân an-Ni‘ma, est considérée comme un grand péché dans l'Islam. Elle désigne le manque de reconnaissance envers les bénédictions divines ou leur utilisation inappropriée, et s’oppose directement à la gratitude (Shukr). Le Coran et les hadiths islamiques condamnent l'ingratitude, la qualifiant parfois de forme de mécréance (al-Kufr). Elle peut se manifester de plusieurs façons : dans le cœur, lorsqu'une personne ne reconnaît pas intérieurement les bienfaits de Dieu ; par la langue, lorsqu'elle se plaint ou omet de louer le Créateur ; et dans les actes, lorsqu'elle fait un mauvais usage des dons reçus.

Les causes de l'ingratitude sont multiples. Parmi elles, on trouve des ambitions démesurées qui empêchent de savourer ce que l'on possède déjà, l’ignorance des bénédictions divines qui mène à leur banalisation, la négligence envers Dieu qui éloigne de la spiritualité, et enfin, une bassesse morale qui rend incapable de reconnaître la valeur des bienfaits.

Ces attitudes peuvent avoir des conséquences graves, notamment la perte des bénédictions, leur transformation en épreuves, ou encore la destruction et la perdition, aussi bien sur le plan individuel que collectif. L'ingratitude entraîne également un châtiment douloureux dans l’au-delà, une punition rapide dans ce monde, l’isolement social et la perte de sérénité intérieure.

Pour remédier à cette attitude, il est essentiel de développer une reconnaissance profonde envers les bienfaits divins. Cela peut être fait en méditant sur leur origine, en observant la vie des moins favorisés pour cultiver l'humilité et en maintenant un rappel constant de Dieu. Ces démarches aident à renforcer la gratitude, à préserver les bénédictions et à vivre en paix, tout en consolidant le lien avec le Créateur.

Concept

L'ingratitude des bienfaits (Kufrân an-Ni‘ma) est considérée comme un grand péché dans l'Islam, signifiant le fait de dissimuler ou de nier un bienfait, en opposition à la gratitude (ash-Shukr), qui implique de reconnaître et d'exprimer les bienfaits.[1] Elle se manifeste par un manque de reconnaissance, une mauvaise utilisation des bienfaits dans des voies nuisibles, l'oubli des bienfaits reçus d'autrui, ou encore le déni de leur valeur et de leur origine divine.[2]

Le terme Kufrân est principalement utilisé dans le contexte du refus de reconnaître les bienfaits ou de leur rendre justice par la gratitude.[3] Dans le Coran, l'ingratitude est fréquemment condamnée et mise en opposition à la reconnaissance des bienfaits. Par exemple, de nombreux versets soulignent la nécessité de remercier Dieu pour ses bénédictions et avertissent des conséquences de leur déni.[4]

Dans les hadiths prophétiques et les hadiths des Imams (a), l'ingratitude des bienfaits est également critiquée. Elle est identifiée comme une des cinq formes de mécréance mentionnées dans le Coran[5] et est classée parmi les forces de l'ignorance, en opposition directe à la gratitude. Ces enseignements soulignent l'importance de reconnaître les bienfaits de Dieu et de les utiliser à bon escient comme un moyen de cultiver la proximité avec Lui et d'éviter le rejet des bénédictions divines.[6]

Degrés de l'ingratitude

L'ingratitude peut se manifester à plusieurs niveaux. Parfois, elle prend la forme d'une indifférence dans le cœur à l'égard des bienfaits divins. D'autres fois, elle se traduit par des paroles qui révèlent un manque de considération pour les bienfaits de Dieu. Enfin, elle peut apparaître dans les actes, lorsque les bienfaits sont utilisés de manière inappropriée ou pour des fins nuisibles.[7]

Causes de l'ingratitude

Les textes religieux identifient plusieurs causes conduisant à l'ingratitude envers les bienfaits divins, notamment :

  • L'existence de désirs excessifs ou d'ambitions irréalisables[8] ;
  • L'ignorance et le manque de connaissance des bienfaits divins[9] ;
  • L'oubli du souvenir de Dieu[10] ;
  • L'absence d'opportunité ou de capacité à remercier Dieu[11] ;
  • L'abandon de la piété et l'accomplissement des péchés [12];
  • Le désespoirAt-Tabrisî, Majma‘ al-Bayân, vol. 5, p. 220, 1372 SH. ;
  • L'attribution des bienfaits de Dieu à une autre source que Lui[13] ;
  • La bassesse et la mesquinerie.[14]

Conséquences de l'ingratitude

Dans les textes religieux, l'ingratitude envers les bienfaits divins est associée à de nombreuses conséquences négatives, parmi lesquelles on peut citer : {{colonnes|taille=27|

  • Le manque de connaissance de Dieu ;
  • La perte des bienfaits et leur transformation en malédiction ;
  • La ruine et la destruction ;
  • Un châtiment douloureux dans l'au-delà ;
  • Al-Istidrâj ;
  • Provoquant la jalousie[15] ;
  • La fermeture des voies du bien[16] ;
  • La punition rapide dans ce monde[17] ;
  • La perte de paix intérieure et le sentiment de malheur[18] ;
  • L'isolement social[19] ;
  • Ne pas répondre à la supplication[20] ;
  • L'angoisse de la tombe.[21]}

Manque de connaissance de Dieu

L'ingratitude envers les bienfaits divins est perçue comme un obstacle à l'acquisition de la connaissance de Dieu. En effet, la gratitude est considérée comme le premier moteur de la reconnaissance du Seigneur. Lorsqu'un individu se rend compte des bienfaits de Dieu, il sera poussé à Le remercier, ce qui ouvre la voie à la connaissance de Dieu. En revanche, l'indifférence aux bénédictions divines empêche l'accès à cette connaissance divine.[22]

Perte des bienfaits et leur transformation en punition

L'une des conséquences les plus graves de l'ingratitude est la perte des bienfaits et leur transformation en punition. Dans le verset 112 de la sourate An-Nahl, Dieu mentionne la faim et la peur comme les conséquences de l'ingratitude. Dans les versets 15 à 17 de la sourate Saba', Dieu décrit comment l'ingratitude du peuple de Saba' a entraîné la destruction de leur terre prospère et leur transformation des bienfaits en malédictions.[23] L'Imam as-Sajjâd (a) considère l'ingratitude comme un péché qui entraîne la perte des bienfaits divins.[24] L'Imam as-Sâdiq (a) identifie également l'ingratitude comme un facteur d'instabilité des bénédictions.[25]

Ruine et destruction

Selon les versets explicites du Coran, la ruine et la destruction de nombreuses civilisations passées sont le résultat des péchés, y compris de l'ingratitude envers les bienfaits que Dieu leur avait accordés. La sourate al-Anfâl, le verset 54[Note 1] ; la sourate ad-Dukhân, le verset 37[Note 2] ; la sourate al-Hajj, le verset 45[Note 3].

Châtiment douloureux dans l'au-delà

Le châtiment douloureux dans l'au-delà est une promesse que Dieu fait aux ingrats dans le verset 7 de la sourate Ibrâhîm[Note 4], où il déclare que la reconnaissance des bienfaits mène à plus de bénédictions, tandis que l'ingratitude appelle le châtiment divin. Dans le verset 28 de la sourate Ibrâhîm[Note 5], Dieu avertit ceux qui transforment Ses bénédictions en ingratitude qu'ils seront conduits à la destruction et à l'enfer.

Istidrâj

Article connexe : Istidrâj.

L'Imam al-Husayn (a) considère qu'al-Istidrâj (le fait de laisser une personne se perdre dans les bénédictions apparentes de ce monde sans la capacité de rendre grâce, ce qui la mène finalement au châtiment divin) est l'une des conséquences de l'ingratitude.[26]

Moyens de remédier à l’ingratitude

Pour corriger le défaut de l’ingratitude envers les bienfaits divins, plusieurs solutions ont été proposées :

  • Acquérir une compréhension approfondie des bénédictions apparentes et cachées accordées par Dieu à l’être humain.
  • Observer la vie de ceux qui possèdent un niveau de vie inférieur afin de mieux apprécier ses propres privilèges.
  • Réfléchir aux épreuves subies et considérer qu’elles auraient pu être bien plus graves, ce qui incite à la reconnaissance et à la gratitude.[27]

Voir aussi

Note

  1. كَدَأۡبِ ءَالِ فِرۡعَوۡنَ وَٱلَّذِينَ مِن قَبۡلِهِمۡۚ كَذَّبُواْ بِـَٔايَٰتِ رَبِّهِمۡ فَأَهۡلَكۡنَٰهُم بِذُنُوبِهِمۡ وَأَغۡرَقۡنَآ ءَالَ فِرۡعَوۡنَۚ وَكُلّٞ كَانُواْ : ظَٰلِمِينَ
    Il en fut de même des gens de Pharaon et ceux qui avant eux avaient traité de mensonges les signes (enseignements) de leur Seigneur. Nous les avons fait périr pour leurs péchés. Et Nous avons noyé les gens de Pharaon. Car ils étaient tous des injustes.
  2. أَهُمۡ خَيۡرٌ أَمۡ قَوۡمُ تُبَّعٖ وَٱلَّذِينَ مِن قَبۡلِهِمۡ أَهۡلَكۡنَٰهُمۡۚ إِنَّهُمۡ كَانُواْ مُجۡرِمِينَ:
    Sont-ils les meilleurs ou le peuple de Tubbaa et ceux qui les ont précédés ? Nous les avons périr parce que vraiment ils étaient criminels.
  3. فَكَأَيِّن مِّن قَرۡيَةٍ أَهۡلَكۡنَٰهَا وَهِيَ ظَالِمَةٞ فَهِيَ خَاوِيَةٌ عَلَىٰ عُرُوشِهَا وَبِئۡرٖ مُّعَطَّلَةٖ وَقَصۡرٖ مَّشِيدٍ:
    Que de cités, donc, avons-Nous fait périr, parce qu’elles commettaient des tyrannies. Elles sont réduites à des toits écroulés ! Que de puits désertés ! Que de palais édifiés (et désertés aussi) !
  4. وَإِذۡ تَأَذَّنَ رَبُّكُمۡ لَئِن شَكَرۡتُمۡ لَأَزِيدَنَّكُمۡۖ وَلَئِن كَفَرۡتُمۡ إِنَّ عَذَابِي لَشَدِيدٞ:
    Et lorsque votre Seigneur proclama : "Si vous êtes reconnaissants, très certainement J’augmenterai [Mes bienfaits] pour vous. Mais si vous êtes ingrats , alors Mon châtiment sera terrible !"
  5. أَلَمۡ تَرَ إِلَى ٱلَّذِينَ بَدَّلُواْ نِعۡمَتَ ٱللَّهِ كُفۡرٗا وَأَحَلُّواْ قَوۡمَهُمۡ دَارَ ٱلۡبَوَارِ:
    Ne vois-tu point ceux qui troquent les bienfaits d'Allah contre l'ingratitude et établissent leur peuple dans la demeure de la perdition.

Références

  1. Râghib al-Isfahânî, Al-Mufradât, sous le mot «shukr», 1412 H.
  2. Dihkhudâ, Lughatnâmi, sous le mot «kufrân», 1377 SH ; Anvarî, Farhangi Buzurgi Sukhan, sous le mot «kufrân», 1390 SH.
  3. Râghib al-Isfahânî, Al-Mufradât, sous le mot «kufr», 1412 H.
  4. Le Coran, la sourate al-Baqara, le verset 152 ; Le Coran, la sourate Ibrâhîm, les versets 7, 28 ; Le Coran, la sourate an-Naml, le verset 40 ; Le Coran, la sourate Luqmân, le verset 12 ; Le Coran, la sourate Saba’, les versets 15–17 ; Le Coran, la sourate an-Nahl, le verset 112 ; Al-Allâma al-Majlisî, Bihâr al-Anwâr, vol. 69, p. 339, bâb 121, les versets kufrân an-ni‘am, 1403 H.
  5. Cheikh Al-Kulaynî, Al-Kâfî, vol. 2, p. 389, 1407 H.
  6. Cheikh Al-Kulaynî, Al-Kâfî, vol. 1, p. 21, 1407 H.
  7. Makârim Shîrâzî, Akhlâq dar Qur’ân, vol. 3, p. 73, 1378 SH.
  8. Tamîmî Al-Âmadî, Ghurar al-Hikam, p. 325, 1410 H.
  9. Laythî Vâsîtî, ‘Uyûn al-Hikam wa al-Mawâ‘iz, p. 476, 1376 SH.
  10. Ibn Tâwûs, Iqbâl al-A‘mâl, vol. 2, p. 687, 1409 H.
  11. Tamîmî Al-Âmadî, Ghurar al-Hikam, p. 558, 1410 H.
  12. Tabâtabâ’î, Al-Mîzân, vol. 5, p. 103, 1390 H.
  13. At-Tabrisî, Majma‘ al-Bayân, vol. 3, p. 272, 1372 SH.
  14. Ibn Shu‘ba al-Harrânî, Tuhaf al-‘Uqûl, p. 233, 1404 H.
  15. Misbâh ash-Sharî‘a, p. 104, 1400 H.
  16. Cheikh Al-Kulaynî, Al-Kâfî, vol. 47, p. 33, 1407 H.
  17. Cheikh Al-Mufîd, Al-Amâlî, p. 237, 1413 H ; Cheikh At-Tûsî, Al-Amâlî, p. 450, 1414 H.
  18. Le Coran, la sourate Saba’, les versets 15–17 ; Le Coran, la sourate an-Nahl, le verset 112.
  19. Makârim Shîrâzî, Akhlâq dar Qur’ân, vol. 3, p. 62, 1378 SH.
  20. Laythî Vâsîtî, ‘Uyûn al-Hikam, p. 524, 1376 SH.
  21. Cheikh As-Sadûq, ‘Ilal ash-Sharâ’i‘, vol. 1, p. 309, 1385 SH.
  22. Makârim Shîrâzî, Akhlâq dar Qur’ân, vol. 3, p. 62, 1376 SH.
  23. Makârim Shîrâzî, Tafsîr Namûna, vol. 18, pp. 58–60, 1371 SH.
  24. Cheikh As-Sadûq, Ma‘ânî al-Akhbâr, p. 270, 1403 H.
  25. Cheikh Al-Kulaynî, Al-Kâfî, vol. 2, p. 94, 1407 H.
  26. Ibn Shu‘ba al-Harrânî, Tuhaf al-‘Uqûl, p. 246, 1404 H.
  27. Makârim Shîrâzî, Akhlâq dar Qur’ân, vol. 3, p. 78, 1378 SH.

Bibliographie

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  • Cheikh At-Tûsî, Muhammad b. Hasan, Al-Amâlî, Qom, Dâr ath-Thaqâfa, 1414 H.
  • Dihkhudâ, Ali Akbar, Lughatnâmi, Téhéran, Dânishgâhi Tehrân, 1377 SH.
  • Ibn Shu‘ba al-Harrânî, Hasan b. Ali, Tuhaf al-‘Uqûl, correcteur Ali Akbar Ghaffârî, Qom, Jâmi‘ayi Mudarrisîn, 1404 H.
  • Ibn Tâwûs, Ali b. Mûsâ, Iqbâl al-A‘mâl, Téhéran, Dâr al-Kutub al-Islâmîya, 1409 H.
  • Laythî Vâsîtî, Ali b. Muhammad, ‘Uyûn al-Hikam wa al-Mawâ‘iz, correcteur Husayn Hasanî Bîrjandî, Qom, Dâr al-Hadîth, 1376 SH.
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  • Misbâh ash-Sharî‘a, Mansûb bi Imâm Sâdiq (‘a), Beyrouth, Intishârâti A‘lamî, 1400 H.
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  • Tamîmî Al-Âmadî, ‘Abd al-Wâhid b. Muhammad, Ghurar al-Hikam wa Durar al-Kalim, correcteur Sayyid Mahdî Rajâ’î, Qom, Dâr al-Kitâb al-Islâmî, 1410 H.