Shafâ'at

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Le hadith de shafâ'at attribué au Prophète, Mosquée du Prophète (s), Médine

Ash-Shafâ'at (en arabe : الشفاعة) est un des concepts de croyance musulmane accepté par la plupart des musulmans du monde. Il est traduit intercession en français.

Ash-Shafâ'at est une croyance d'après laquelle le jour de la Résurrection, les femmes et les hommes proches de Dieu (awlîyâ), ainsi que les vérités saintes et sacrées comme le Livre du Coran, deviennent les intercesseurs, par l'autorisation divine, pour les croyants (al-mu'minûn) afin d'élever leur statut et leur sort dans l'Au-delà.

D'après les croyances chiites, ash-Shafâ'at appartient entièrement à Dieu, et nul ne peut être l’intercesseur sans la volonté et l'autorisation divines. Si Dieu est content de la foi de son serviteur, Il permet aux "intercesseurs" de faire ash-shafâ'at à l'égard de la personne en question.

Dans des sources sunnites nous lisons également très explicitement à propos d'ash-sahfâ'at. Parmi les musulmans, ce sont seulement les wahhabites qui n'admettent pas cette croyance et cette pratique ; selon eux cela relève de l'associationnisme puisqu'on demande l'intervention d'un autre être que Dieu.

La croyance à ash-shafâ'at est très répandue chez les chiites. Ce concept (et pratique) est très proche et celui d'at-tawassul.

Definition du terme

Le terme "ash-shafâ'at" est de la racine sh. f. a'. (شَ ف ع) qui veut dire joindre, lier ou attacher une chose à une autre chose. shafa'a (شفع) est utilisé parfois contre "watr" (وتر) signifiant chose "singulier" ou "un"/"seul", comme dans le verset : "والشفع و والوتر... "

Ash-Shafâ'at dans l'expression fait allusion à quand une créature devient intermédiaire entre Dieu (Créateur) et une autre créature pour lui apporter du bien ou pour lui faire obstacle contre le mal, soit ici-bas, soit dans l'au-delà[1].

Ash-Shfâ'at signifie également d'effectuer de changements et de révolution dans une personne fautive de sorte de la transformer à une personne qui ne mériterait plus la punition et de la sauver de la sanction.

Ici ce sens se rapproche au fonctionnement de la pénitence qui peut sauver l'homme du châtiment, et le fait bénéficier du pardon et de la miséricorde de Dieu. Comme cela a été dit "لاشَفیعَ أنْجَحُ مِنَ التّوبَةِ" (aucun shafâ'at n'est plus sauveur que la pénitence)[2].

On appelle intercesseur (ash-shafi') celui qui sauve une autre personne en se liant et en s'attachant à elle.

Le lien proche entre at-tawassul et ash-shafâ'at est bien clair dans ce sens. Précisons également que cette croyance existe aussi dans d'autres religions comme le christianisme et le judaïsme.

Shafâ'at dans le Coran

Dans le Coran le concept d'ash-shafâ'at est abordé à 24 reprises (dans 24 versets). Dans la plupart de cas le sens d'ash-shafâ'at a été utilisé afin de nier l'intermédiation des idoles et des dieux dont les idolâtres mecquois considéraient comme leurs shafi' -s, comme ce que nous lisons dans

وَ يَعْبُدُونَ مِنْ دُونِ اللَّهِ ما لا يَضُرُّهُمْ وَ لا يَنْفَعُهُمْ وَ يَقُولُونَ هؤُلاءِ شُفَعاؤُنا عِنْدَ اللَّهِ قُلْ أَ تُنَبِّئُونَ اللَّهَ بِما لا يَعْلَمُ فِي السَّماواتِ وَ لا فِي الْأَرْضِ سُبْحانَهُ وَ تَعالى‏ عَمَّا يُشْرِكُون
Ils adorent au lieu d'Allah ce qui ne peut ni leur nuire ni leur profiter et disent: "Ceux-ci sont nos intercesseurs auprès d'Allah". Dis: "Informerez-vous Allah de ce qu'Il ne connaît pas dans les cieux et sur la terre?" Pureté à Lui, Il est Très élevé au-dessus de ce qu'Ils Lui associent!
le verset 18, Sourate Yûnus


وَ لَقَدْ جِئْتُمُونا فُرادى‏ كَما خَلَقْناكُمْ أَوَّلَ مَرَّةٍ وَ تَرَكْتُمْ ما خَوَّلْناكُمْ وَراءَ ظُهُورِكُمْ وَ ما نَرى مَعَكُمْ شُفَعاءَكُمُ الَّذينَ زَعَمْتُمْ أَنَّهُمْ فيكُمْ شُرَكاءُ لَقَدْ تَقَطَّعَ بَيْنَكُمْ وَ ضَلَّ عَنْكُمْ ما كُنْتُمْ تَزْعُمُونَ
Et vous voici venus à Nous, seuls, tout comme Nous vous avions créés la première fois, abandonnant derrière vos dos tout ce que Nous vous avions accordé. Nous ne vous voyons point accompagnés des intercesseurs que vous prétendiez être des associés. Il y a certainement eu rupture entre vous: ils vous ont abandonnés, ceux que vous prétendiez (être vos intercesseurs).
verset 94, Sourate An'âm

Le Coran, tout en niant ash-shafâ'at des idoles, accepte ash-shifâ'at des êtres chers et respectueux sous certaines conditions. Par exemple, la légitimité d'ash-shifâ'at du Prophète (s) est très explicitement approuvé, et c'est pour cette raison que les musulmans n'ont généralement aucune divergence sur le principe et la légitimité d'ash-shafâ'at. Les divergences concernent uniquement les lieux et les préceptes de cette pratique.

Par exemple, il y a des divergences dans l'interprétation du verset 79 de la Sourate al-Isrâ':

وَ مِنَ اللَّیلِ فَتَهَجَّدْ بِهِ نَافِلَةً لَکَ عَسَی أَنْ یبْعَثَکَ رَبُّک مَقَاماً مَحْمُوداً
Et de la nuit consacre une partie [avant l’aube] pour des Ṣalāt surérogatoires: afin que ton Seigneur te ressuscite en une position de gloire
verset 79 de la Sourate al-Isrâ'

Ici l'expression "une position de gloire" (مَقَاماً مَحْمُوداً) est considérée d'après l'exégèse comme l'expression d'une position d'ash-shafâ'at dont Dieu promet à Son Messager (s).

Nous pouvons distinguer les versets coraniques à propos d'ash-shafâ'at en plusieurs catégories :

  • ceux qui nient complétement ash-shafâ'at lors de la Résurrection;
  • ceux qui considèrent ash-shafâ'at comme exclusif à Dieu ; comme dans le verset 44, Sourate Az-Zumar:
« قُلْ لِلَّهِ الشَّفاعَةُ جَميعاً لَهُ مُلْكُ السَّماواتِ وَ الْأَرْضِ ثُمَّ إِلَيْهِ تُرْجَعُونَ »
Dis : "L'intercession toute entière appartient à Allah. A Lui la royauté des cieux et de la terre. Puis c'est vers Lui que vous serez ramenés"
  • ceux qui admettent ash-shafâ'at de certaines créatures sous certaines conditions, comme dans les versets suivants :
ما مِنْ شَفيعٍ إِلاَّ مِنْ بَعْدِ إِذْنِهِ ذلِكُمُ اللَّهُ رَبُّكُمْ فَاعْبُدُوهُ أَفَلا تَذَكَّرُونَ
Il n'y a d'intercesseur qu'avec Sa permission. Tel est Allah votre Seigneur. Adorez-Le donc. Ne réfléchissez-vous pas?
Le verset 3, Sourate Yûnus

Le versert 109, Sourate Tâhâ :

يَوْمَئِذٍ لا تَنْفَعُ الشَّفاعَةُ إِلاَّ مَنْ أَذِنَ لَهُ الرَّحْمنُ وَ رَضِيَ لَهُ قَوْلاً
Ce jour-là, l'intercession ne profitera qu'à celui auquel le Tout Miséricordieux aura donné Sa permission et dont Il agréera la parole.

Le verset 28, Sourate Les Prophètes:

يَعْلَمُ ما بَيْنَ أَيْديهِمْ وَ ما خَلْفَهُمْ وَ لا يَشْفَعُونَ إِلاَّ لِمَنِ ارْتَضى‏ وَ هُمْ مِنْ خَشْيَتِهِ مُشْفِقُون
Il sait ce qui est devant eux et ce qui derrière eux. Et Ils n'intercèdent qu'en faveur de ceux qu'Il a agréés [tout en étant] pénétrés de Sa crainte.

Le verset 26, Sourate Najm:

وَ كَمْ مِنْ مَلَكٍ فِي السَّماواتِ لا تُغْني‏ شَفاعَتُهُمْ شَيْئاً إِلاَّ مِنْ بَعْدِ أَنْ يَأْذَنَ اللَّهُ لِمَنْ يَشاءُ وَ يَرْضى
Et que d’Anges dans les cieux dont l’intercession ne sert à rien, sinon qu’après qu’Allah l’aura permis, en faveur de qui Il veut et qu’Il agrée.
verset 26, Sourate Najm
  • et enfin ceux qui nient ash-shafâ'at pour certaines personnes.

Une révision des versets coraniques qui mentionnent ash-shafâ'at montre que dans l'ensemble le Coran admet une sorte d'ash-shafâ'at et refuse certaines formes de cette pratique. L'enjeu important dans le rejet et l'admission de ce concept est Dieu, et la croyance dans le fait qu'ash-shafâ'at appartient essentiellement à Lui, et si un autre être est autorisé d'être intercesseur c'est uniquement par l'autorisation de Dieu Unique.

وَ لاتَنْفَعُ الشَّفاعَةُ عَنْدَهُ إِلاّ لِمَنْ أَذِنَ لَهُ
L'intercession auprès de Lui ne profite qu'à celui qui en faveur duquel Il la permet.
le verset 23, Sourate Saba'

Shafâ'at dans le hadith

Dans les hadiths attribués au Prophète (s), aux Imams (a) et aux Ahl al-Bayt (a) le concept d'ash-shafâ'at, avec son sens coranique, a été admis. En lisant ces hadiths nous comptons certaines caractéristiques et conditions pour ash-shafâ'at.

En voici deux exemples :

Le Prophète (s) dit :

اُعطیتُ خمساً... و اُعطیتُ الشفاعة، فادّخرتُها لأُمّتی فهی لِمَن لا یشرک باللّه شیئاً
"Dieu m'a accordé cinq privilèges ... ash-shafâ'at en est un que j'ai préservé pour ma Umma (communauté) ; ash-shafâ'at est pour ceux qui n'associent personne à Dieu"
Musnad Ahmad, vol 1, p 301 ; Sunan Nisâ'in vol 1, p 209

Le Prophète (s) dit :

" Trois groupes seront les intercesseurs des coupables auprès de Dieu et leur intercession sera acceptée par Lui. [Ces trois groupes sont] les Prophètes, les Savants de la religion, et les martyres". [3]

Catégories d'ash-Shafâ'at

Shafâ'at invalide

Ash-shafâ'at invalide est quand une personne en tort a commis un acte contre la loi, en ayant l'intention de changer la loi et le but de la loi par une voie illégale et illégitime. Cette sorte d'ash-shafâ'at est considérée comme une injustice sur un niveau mondain, et comme impossible dans l'au-delà[4].

C'est justement de là que viennent les critiques posées à propos de la notion d'ash-shafâ'at. Et c'est cette sorte d'ash-shafâ'at qui a été démentie dans le Coran également.

Cette sorte d'ash-shafâ'at trouve ses racines dans une fausse croyance en la volonté divine. Ceux qui suivent ce genre d'ash-shafâ'at pensent que Dieu a créé le monde une fois pour toutes, puis a confié entièrement les affaire du monde aux hommes et Lui-même n'a plus de mainmise sur celles-ci.

Ils argumentent ainsi que les êtres humains peuvent intervenir indépendamment de la volonté de Dieu dans les affaires du monde. Et ainsi d'après eux, si quelqu'un peut attirer l'intercession d'un saint, et le pouvoir d'un autre humain (plus puissant et ayant un statut plus élevé que lui-même), il pourra changer certaines choses indépendamment de la volonté divine.

Shafâ'at valide

Dans son sens juste et correct qui est admis par le Coran, par les enseignements des Imams (a) et par les préceptes chiites, ash-shafâ'at appartient entièrement à Allah et personne ne peut le faire sans l'autorisation de Lui.

Dans ce sens, les prophètes et les Imams ne peuvent pas intervenir indépendamment de la volonté de l'autorisation divine. Au contraire, ils peuvent faire ash-shafa'at de celui dont Dieu est content de ses actes :

...« لا یشْفَعُونَ إِلاَّ لِمَنِ ارْتَضی »...
...ils n’intercé­ deront que pour ceux qu'il a agréés...
Sourate al-Anbîyâ', verset 28, traduction de Régis Blachère

Shafâ'at en vue de pardon et ash-shafâ'at en vue d'un statut plus élevé

Tantôt ash-shafâ'at peut être demandé pour que Dieu pardonne les péchés de quelqu'un ; tantôt il peut être demandé afin d'élever le statut spirituel de quelqu'un.

Autant il y a des divergences dans l'acceptation de la première catégorie d'ash-shafâ'at (par exemple les Mu'tazilites ne l'admettent pas), autant la deuxième catégorie est acceptée par toutes les branches des musulmans.

De même, ash-shafâ'at peut concerner les affaires du monde d'ici-bas (comme la guérison d'un malade), tantôt il peut concerner les affaires du monde de l'au-delà (comme la demande de la miséricorde de Dieu pour sauver quelqu'un des effets de ses péchés lors de la Résurrection).

Conditions pour ceux qui demandent l'intercession

Parmi tout ce qui est écrit dans l'esnemble de versets coraniques, de hadiths et de récits attribués aux Prophète (s) et Imams (a) à propos d'ash-shafâ'at, nous constatons que la condition la plus importante d'ash-shafâ'at est le consentement (رضایت) de Dieu ("لا یشْفَعُونَ إِلاَّ لِمَنِ ارْتَضی").

On peut en comprendre alors que la première condition pour demander l'intercession, pour les coupables, est qu'ils aient la foi, qu'ils soient croyants.

Ce qui fait obstacle au shafâ'at

D'après les mêmes sources, certaines choses (croyances et pratiques) font obstacles à ash-shafâ'at. Ainsi, d'après cette croyance, les groupes suivants ne peuvent pas bénéficier dash-shafâ'at :

  • les impies et les associationistes
  • les oppresseurs et les tyrans
  • les ennemis des Ahl al-Bayt (a) (les nâsibî = الناصبي)
  • ceux qui ont agressé les enfants du Prophète (s)
  • ceux qui nient le Shafâ'at
  • les traitres
  • ceux qui prennent la prière à la légère
  • ceux qui nient le wilâyat de Ali (a) et des Imams impeccables
  • les hypocrites
  • ceux qui abandonnent la prière}}

Qui sont les intercesseurs

D'après le Coran et les hadiths, les intercesseurs sont, certaines personnes mais également certains actes et lieux, tous ceux qui ont et peuvent avoir un effet dans la guidance des hommes vers la vérité. En voici une liste :

D'après cette croyance, lors de la Résurrection, même ceux qui n'ont pas eu, ou n'ont pas pu avoir, un intercesseur, bénéficieront de la miséricorde de Dieu, puisqu'il est le Miséricordieux.

Conséquences d'ash-Shafâ'a

D'après les enseignements chiites, ash-shafâ'at n'est ni un encouragement ni une autorisation pour le péché. Mais il a des effets très constructifs comme les suivants.

  1. Il apporte de l'espoir : au cas où quelqu'un commet un péché, au lieu de se sentir seulement coupable et laisser son âme se désespérer, il peut, en se liant aux esprits des saints, espérer d'être pardonné.
  2. Il effectue un lien spirituel avec les saints (awliyâ' ) : celui qui croit en ash-shafâ'at, essaye de lier son âme aux âmes des saints et de faire des actes en vue du contentement de Dieu et de son intercesseur. Ce lien l'encourage à faire de plus en plus de bien, et de moins en moins de mal.
  3. Celui qui demande ash-shafâ'at, essaye de réviser son passé et de ne pas répéter ses erreurs, afin de pouvoir bénéficier de l'intercession.

Wahhabisme et ash-shafâ'a

Article connexe : Wahhabites.

Tous les sunnites, et même les Wahhabites croient à l’intercession (ash-Shafâ’at). Ibn Taymiyya, le grand savant salafiste, dit à ce propos :

« Les hadiths sur ash-Shafâ’at sont nombreux et Mutawâtir (qui ont de nombreux de narrateurs dans chaque époque). Les deux livres Sahîh al-Bukhârî et Sahîh Muslim rapportèrent beaucoup de ces hadiths ».[5]

Aussi, il dit :

« Au Jour de la Résurrection, le Prophète (s) intercédera en trois situations, dont le troisième est : le fait qu’il intercédera pour ceux qui seront dignes d’entrer à l’Enfer. À part lui, les prophètes et les vertueux intercéderont pour ce groupe. Aussi, il intercédera pour ceux qui seront à ce moment-là à l’Enfer et demandera à Allah de les faire sortir du Feu ».[6]

Les Wahhabites croient que le Prophète (s) peut intercéder quand il est en vie (dans l’ici-bas) et au Jour de la Résurrection.

D’après Muhammad ibn Abd al-Wahhab (M 1285 H) :

« L’intercession du Prophète (s) dans l’ici-bas n’est que ses prières et elles sont exaucées par Allah. Mais, après son décès, il n’est pas autorisé de lui demander de nous intercéder auprès d’Allah ».[7]

D’après ce qui vient d’être dit, la différence entre les Wahhabites et les chiites est le fait que les chiites croient que l’on peut demander l’intercession du Prophète (s) pendant sa vie, après son décès (quand il est dans le monde de Barzakh) et au Jour de la Résurrection, mais d’après les Wahhabites, après le décès du Prophète (s) et avant le Jour de la Résurrection, il est interdit de lui demander de nous intercéder.

Donc, maintenant que le Prophète (s) n’est pas en vie et est dans le monde de Barzakh, les Wahhabites croient que la demande de l’intercession de lui est interdite, mais les chiites croient qu’elle est autorisée.

Critiques des Wahhabites

Shirk (polythéisme)

Article connexe : polythéisme.

D’après les Wahhabites, le fait de demander l’intercession à quelqu’un d'autre que Dieu est considéré comme un acte du polythéisme. Ceci est le Shirk dans l’adoration de Dieu.

Réponse des chiites :

D’après les chiites, l’interprétation des Wahhabites pour les termes Shirk et At-Tawhîd n’est pas correcte. D’après eux, le fait de demander l’intercession à quelqu’un d'autre que Dieu n’est pas contre le monothéisme. Car, en demandant l’intercession à quelqu’un, on ne l’adore pas, pourtant, du fait de son importance auprès d’Allah et la lui demande. Donc, cet acte est tout à fait conforme au monothéisme. De plus, si ash-Shafâ’at était illicite, le Coran et l’auraient interdite.

Dans un verset du Coran, Allah appelle les gens à aller auprès du Prophète (s) et Lui demander pardon à travers Son Envoyé. Il dit :

« وَ لَوْ أَنَّهُمْ إِذْ ظَلَمُوا أَنْفُسَهُمْ جاؤُکَ فَاسْتَغْفَرُوا اللهَ وَاسْتَغْفَرَ لَهُمُ الرَّسُولُ لَوَجَدُوا اللهَ تَوَّاباً رَحِیماً »
« Si encore, lorsqu'ils se sont lésés eux-mêmes, ils étaient venus à toi et avaient demandé pardon à Allah et si l'Apôtre avait demandé pardon pour eux [à Allah], ils eussent trouvé Allah révocateur et miséricordieux ! »
Le Coran, Sourate An-Nisâ’, v 64

D’après ce verset, le Prophète (s) demandait pardon à Allah pour ceux qui venaient auprès de lui, lui demandant de les intercéder. Ceci prouve que le fait de demander à une infaillible de nous intercéder auprès d’Allah n’est pas un acte polythéiste et est autorisé dans le Coran.

Shafâ’at n’appartient qu’à Allah

Les Wahhabites croient que d’après le Coran, personne n’a le droit d’intercéder sauf Allah :

« قُلْ لِلَّهِ الشَّفاعَةُ جَمِیعاً »
« Dis : A Allah revient l'intercession tout entière »
Le Coran, la sourate Az-Zumar, v 44

Réponse des chiites :

Les chiites croient également que seul Allah a le droit d’intercéder indépendamment. Mais, ceci ne veut pas dire que l’intercession des autres est impossible. Car, Allah a le pouvoir d’accorder la capacité de l’intercession à qui Il veut.

Donc, d’après les chiites, si un prophète ou un Imam intercède pour les gens, ceci ne veut pas dire qu’il est indépendant et qu’il n’a pas besoin de Dieu, par contre, l’intercession des infaillibles prouve qu’ils ont obtenu cette grâce de Dieu et que c’est Allah qui leur donne cette capacité.

En conclusion, la croyance en l’intercession des infaillibles ne refuse pas le monothéisme, car tous les chiites et les sunnites croient que c’est Allah qui leur accorde cette grâce et c’est Lui la source de l’intercession.

Ressemblance aux polythéistes

Les Wahhabites croient que le Coran critique les polythéistes parce qu’ils demandaient l’intercession de leurs idoles ou des gens autres que Dieu. Ils s’appuient sur le verset suivant :

« وَ یعْبُدُونَ مِنْ دُونِ اللَّهِ ما لا یضُرُّهُمْ وَ لا ینْفَعُهُمْ وَ یقُولُونَ هؤُلاءِ شُفَعاؤُنا عِنْدَ اللَّهِ »
« Ils adorent, en dehors d'Allah, ce qui ne leur nuit ni ne leur est utile et [montrant leurs Faux Dieux,] ils déclarent : « Ceux-ci seront nos intercesseurs auprès d’Allah.»
Le Coran, Sourate Yûnus, v 18

Réponse des chiites :

Les chiites acceptent que les polythéistes croyaient que leurs idoles avaient le statut de l’intercession. Mais, en même temps, d’après ce verset, les polythéistes demandaient l’intercession à leurs dieux en les adorant.

Ceci est tout à fait différent avec ce que les musulmans font. Car les musulmans n’adorent qu’Allah ; ils croient que c’est Dieu qui est le seul Intercesseur Indépendant et que les infaillibles peuvent intercéder grâce à Lui. Donc, l’intercession dans l’islam ne refuse pas le monothéisme et est conforme à l’Unicité divine.

Le point le plus important dans le sujet d'ash-Shafâ’at, est le fait qu’elle n’appartient qu’à Allah et que c’est Lui qui peut donner cette grâce à qui Il veut. Ça veut dire que si Allah veut, Il donne la capacité d'ash-Shafâ’at (l’intercession) à ceux qui sont dignes de ce statut.

Allah dit dans le Coran :

« لا یشْفَعُونَ إِلاَّ لِمَنِ ارْتَضیٰ »
« ils n’intercéderont que pour ceux qu'Il a agréés »
Le Coran, Sourate Al-Anbîyâ’, v 28

Ce verset éclaircit bien qu’il soit possible que certains gens dignes du statut de l’intercession, intercèdent par la permission d’Allah. Donc, la croyance en l’intercession des infaillibles est confirmée par le Coran et a une seule condition : Il faut croire que les infaillibles intercèdent par la permission d’Allah.

Hadiths qui refuse l’intercession des êtres humains

D’après un rapport, l’Imam Ali (a) dit :

« Sache que Celui (Allah) qui détient les trésors des cieux et de la terre, t’a permis de L’invoquer et se voit responsable de l’exaucement de tes prières. Il t’a ordonné de Lui demander, pour t’accorder ; et de Lui solliciter Sa miséricorde, pour te faire la miséricorde. Il n’a pas mis entre toi et Lui-même d’obstacle et ne t’a pas obligé de demander l’intercession de quelqu’un autre que Lui-même ».[8]

En se basant sur ce hadith, certains Wahhabites disent que l’Imam Ali (a) refusa l’intercession de tout sauf Allah.

Réponse des chiites :

L’intercession des gens dignes et vertueux est confirmée par le Coran. Allah dit :

« مَنْ ذَا الَّذِی یشْفَعُ عِنْدَهُ إِلاَّ بِإِذْنِهِ »
« Quel est celui qui intercédera auprès de Lui, sinon sur Sa permission ? »
Le Coran, Sourate Al-Baqara, v 255

D’après ce verset, l’intercession de ceux qui sont dignes est possible par la permission d’Allah.

Aussi, d’après un hadith, rapporté par al-Bukhari dans son livre Sahîh al-Bukhârî, le Prophète (s) dit : « On m’a accordé cinq choses que personne n’avait avant moi … on m’a accordé la Shafâ’a (l’intercession) ».[9]

Donc, le hadith de l’Imam Ali (a) ne refuse pas l’intercession des infaillibles, mais il a une autre interprétation. L’Imam Ali (a) veut dire que dans l’islam, on ne nous force pas de chercher d’un intercesseur comme dans le christianisme. Dans l’islam, on est libre de s’adresser directement à Allah ou d’aller auprès d’un infaillible pour nous intercéder auprès de Dieu.

Intercession des morts

D’après les Wahhabites, après son décès, l’intercesseur ne nous entend plus et il est impossible pour lui de nous intercéder. Donc, si nous le lui demandons, ceci est un acte polythéiste.

Réponse des chiites :

Si l’intercession était Shirk, de nombreux de hadiths ne l’auraient pas autorisée. De plus, la mort est liée aux corps pas aux âmes. Donc, lorsque quelqu’un décède, il ne devient pas un inexistant, car son âme est toujours vivante. Alors, quand on demande au Prophète (s) de nous intercéder, même si son corps ne nous entend pas, mais son âme nous entend et nous répond.

Aussi, de nombreux de hadiths sunnites prouvent que si nous prions sur le Prophète (s), même après son décès, il entendra nos prières et nous répondra.[10]

Ne pas avoir le droit de leur demander l’intercession

Muhammad bin Abd al-Wahhab dit :

« Si quelqu’un dit qu’on accorda au Prophète (s) l’intercession et on la lui demande, je lui dit :
Allah lui a donné l’intercession, mais Il nous a interdit de la lui demander dans le Coran ».[11]

Réponse des chiites :

Les versets qui nous interdisent d’appeler les dieux autre qu’Allah, s’adressent aux polythéistes qui croyaient à plusieurs dieux. Mais, les musulmans ne croient qu’à un seul Dieu et savent bien que les infaillibles ne sont que des intermédiaires, qui ont obtenu le statut de la Shafâ’at de la part d’Allah.

Le verset ci-dessus explique bien qu’il ne faut pas croire que les créatures d’Allah sont indépendants de Dieu et qu’ils peuvent nous intercéder indépendamment. Donc, la Shafâ’at d’après les musulmans est autorisée, car les musulmans ne croient à l’indépendance des créatures et savent bien que c’est Dieu qui donne la capacité de l’intercession à qui Il veut.

Tout comme ce qu’Allah a fait à l’égard de Jésus. D’après le Coran, Allah lui avait donné le pouvoir de guérir, de faire mourir, de faire revivre et de créer.

Dans les versets qui parlent de ce sujet, Allah marque bien que tout cela fut par Sa permission :

« Et [j'ai été envoyé] comme Apôtre aux Fils d'Israël, disant :
« Je viens à vous avec un signe de votre Seigneur. Je vais, pour vous, créer d'argile une manière d'oiseaux; j'y insufflerai [la vie] et ce seront des oiseaux, avec la permission d'Allah. Je guérirai le muet et le lépreux. Je ferai revivre les morts, avec la permission d'Allah. Je vous aviserai de ce que vous mangez et de ce que vous amassez dans vos demeures. En vérité, en cela, est certes un signe pour vous, si vous êtes croyants ».[12]

Preuves des opposants à Shafâ’at

Shafâ’at encourage les gens à commettre des péchés

D’après certains, la Shafâ’at encourage les gens à faire toujours des péchés. Ils pensent que ceci ne peut pas être conforme aux enseignements de l’islam.

Réponse :

D’abord si on accepte cette preuve, on doit refuser le repentir. Car, le repentir peut aussi encourager les gens à commettre des péchés, mais, nous savons tous qu’il est permis et très conseillés dans l’islam.

Puis, la Shafâ’at ne comprend pas tous les gens. Si elle appartenait à tout le monde, elle pourrait encourager même les pécheurs qui commettent des crimes, mais on ne sait pas exactement qui pourra profiter de la Shafâ’at des infaillibles. Donc, chacun fait son possible pour être parmi ceux qui auront l’intercession des infaillibles.

Il n’y a pas d’intermédiaire parmi Allah et l’Homme

Allah, envers nous est plus proche que tout le monde. Personne n’est autant proche de nous que notre Seigneur. Donc, pourquoi chercher des intermédiaires alors qu’Allah est avec nous ?

Réponse :

C’est vrai qu’Allah est avec nous, qu’Il est le plus proche de nous, qu’Il nous entend et qu’on peut lui s’adresser directement. Mais Allah a voulu mettre des intermédiaires entre l’Homme et Lui-même pour que l’Homme puisse se sentir à l’aise dans sa relation avec son Seigneur.

Donc, Il a envoyé des prophètes, des Envoyés et des Imams pour guider les gens et pour les aider à être en relation avec leur Seigneur. Ces intermédiaires ont des statuts considérables auprès d’Allah et le fait de leur demander l’intercession auprès d’Allah nous aide à se rapprocher de Dieu au plus vite possible.

Même si nous pouvons nous adresser directement à Allah, Ce dernier nous a parfois conseillés de se rapprocher des intermédiaires entre nous et Lui. Par exemple, d’après le récit coranique, les enfants de Jacob prirent leur père comme intermédiaire pour demander pardon à Allah pour eux. Aussi, les prières du Prophète (s) pour les gens sont plus efficaces que les leurs.

A propos des enfants de Jacob, le Coran dit :

« « Père! », répondirent [ses fils], « demande pardon à Allah pour nous, de nos péchés ! Nous avons été fautifs ». « Je demanderai pour vous pardon à mon Seigneur. Il est l'Absoluteur, le Miséricordieux. ».[13]

Donc, si le fait de prendre des intermédiaires pour être en relation avec Allah était interdit, Allah le dirait dans le Coran.

Shafâ’at est une injustice

Certains croient que la Shafâ’at est contre la Justice divine. Car, si quelqu’un mérite un châtiment, la justice divine exige son châtiment, donc le fait de lui pardonner est une injustice.

Réponse :

Même si les péchés exigent le châtiment divin, le pardon et la miséricorde exigent le contraire. Donc, s’il est possible de pardonner à un pécheur, Allah préfère le pardon au châtiment. Car le pardon n’est jamais équivalent à l’injustice.

Allah dit dans le Coran :

« Allah ordonne l’Equité, la Bienfaisance et la Libéralité envers les proches ».[14]

Dans ce verset, même si Allah ordonne l’Equité, Il ordonne la Bienfaisance. Ceci prouve que même dans le cas où on a le droit de punir quelqu’un, la bienfaisance exige le pardon.

Voir aussi

Références

  1. Sayyid al-Murtadhâ, vol 2, p 273
  2. Bihâr al-Anwâr, vol 6, p 19
  3. Bihâr al-Anwâr, vol 8, p 34
  4. Muttaharî, Adl-e Elâhi, p 234
  5. Majmû’ al-Fatâwâ, Ibn Taymîyya, vol 1, p 314
  6. Majmû’ al-Fatâwâ, Ibn Taymîyya, vol 1, p 147
  7. Muhammad b. Abd al-Wahhâb, Kitâb at-Tawhîd, p 258
  8. Nahj al-Balâgha, lettre 31
  9. Bukhârî, Sahîh al-Bukhârî, vol 1, p 86
  10. Abû Dâwûd, Sunan Abî Dâwûd, v 2 p 218
  11. Muhammad b. ‘Abd al-Wahhâb, Kashf ash-Shubahât, p 25
  12. Le Coran, Sourate Âl ‘Imrân, v 49
  13. Le Coran, Sourate Yûsuf, v 97 - 98
  14. Le Coran, Sourate An-Nahl, v 90