Soulèvement de l’Imam al-Husayn (a)

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Soulèvement de l’Imam al-Husayn (a) (en arabe : قِيَامُ الإِمَام الحُسَين(ع)) fut un mouvement de protestation contre le règne de Yazid b. Muawiya, qui se solda par le martyre de l’Imam al-Husayn (a) et de ses compagnons le 10 de Muharram de l’an 61 H, ainsi que par la captivité de sa famille. Ce mouvement débuta lorsque l’Imam al-Husayn (a) refusa de prêter allégeance au gouverneur de Médine, représentant de Yazid, et qu’il quitta Médine en Rajab de l’an 60 H. Il s’acheva avec le retour des captifs de Karbala à Médine.

L’objectif principal de l’Imam al-Husayn (a), tel qu’il l’a déclaré dans son testament à Muhammad b. Hanafîyya, fut de ramener la communauté islamique sur le droit chemin et de lutter contre les déviations. Cependant, la formation d’un gouvernement, le martyre, la préservation de sa vie et le refus de prêter allégeance à Yazid sont également mentionnés parmi les objectifs de l'Imam (a). Après la publication du livre Shahîdi Jâvîd (Le Martyr Éternel), qui présentait la formation d’un gouvernement comme l’objectif principal de l’Imam al-Husayn (a), et les critiques adressées à ce point de vue par des auteurs chiites, l’analyse des objectifs du soulèvement de l’Imam al-Husayn (a) devint un sujet central des études sur l'événement de Achoura. Plusieurs théories émergèrent, parmi lesquelles la quête du martyre et la formation d’un gouvernement furent les plus importantes.

Le soulèvement de l’Imam al-Husayn (a) inspira d’autres révoltes contre le régime des Omeyyades et contribua à leur chute. Chaque année, à l’occasion de cet événement, les chiites organisent diverses commémorations. Parmi les effets culturels et sociaux de cet événement sur la communauté chiite, on peut citer la propagation des rituels de deuil, l’émergence d’une littérature consacrée à Achoura, la construction de lieux de culte, la création d’œuvres artistiques et le renforcement de l’esprit de lutte contre l’injustice.

Parmi les oeuvres publiées pour analyser et examiner le soulèvement de l’Imam al-Husayn (a), on compte Pas az Panjâh Sâl; Pazhûhishî Tâzi Pîrâmûni Qîyâmi Imam Husayn (a) (Après cinquante ans, une nouvelle recherche sur le soulèvement d'al-Husayn) écrit par Sayyid Ja'far Shahîdî et Ta'ammuî Dar Nahdati Achoura (Une réflexion sur le mouvement de Achoura) écrit par Rasûl Ja'farîyân.

Événement de Achoura

Article connexe : Événement de Achoura.

L’événement de Karbala fait référence à la bataille entre l’Imam al-Husayn (a) et ses compagnons contre l’armée de Koufa en Muharram de l’an 61 H. Cet événement, survenu à la suite du refus de l’Imam al-Husayn (a) de prêter allégeance à Yazid b. Muawiya, se conclut par le martyre de l’Imam al-Husayn (a) et de ses compagnons ainsi que par la captivité de sa famille.

En Rajab de l’an 60 H, pour ne pas prêter allégeance au gouverneur de Médine, l’Imam al-Husayn (a) quitta la ville de Médine accompagné de sa famille et de certains membres des Banu Hachim pour se rendre à La Mecque.

Il demeura environ quatre mois à La Mecque, période durant laquelle il reçut des lettres d’invitation de la part des habitants de Koufa. Ainsi, le 8 de Dhu al-hijja, il prit la route en direction de Koufa. Cependant, avant d’y parvenir, il fut informé de la trahison des habitants de Koufa.

Rencontrant l’armée dirigée par Hurr b. Yazîd ar-Rîyâhî, l’Imam al-Husayn (a) se dirigea vers Karbala. Là, il fut confronté à une armée envoyée par Ubayd Allah b. Zîyâd. Les deux armées s’affrontèrent le 10 Muharram. Après le martyre de l’Imam al-Husayn (a) et de ses compagnons, les membres survivants de sa famille furent captivés.

Facteurs déclencheurs du soulèvement

Certains chercheurs considèrent que la cause principale du soulèvement de l’Imam al-Husayn (a) réside dans la déviation de la société islamique par rapport aux croyances religieuses et aux valeurs morales de l’islam(8). En effet, sous le règne des Omeyyades, les valeurs préislamiques, telles que le tribalisme dans la quête du pouvoir(9), ainsi que les rivalités entre clans, notamment entre les Banu Hachim et les Banu Omeyyade(10), regagnèrent en importance.

De plus, la désignation de Yazid comme calife par Muawiya et l’insistance de Yazid pour obtenir l’allégeance de l’Imam al-Husayn (a) furent d’autres causes et facteurs de ce soulèvement. L’Imam al-Husayn (a) considéra Yazid comme indigne du califat et voya cette nomination comme une violation du traité de paix conclu entre l’Imam al-Hasan al-Mujtabâ (a) et Muawiya, car ce traité stipulait que Muawiya n’avait pas le droit de désigner un successeur(11).

Objectifs et plans du soulèvement

Divers points de vue ont été avancés concernant l’objectif de l’Imam al-Husayn (a) dans son soulèvement contre Yazid. Selon Isfandîyârî, la discussion sérieuse sur l’objectif de l’Imam al-Husayn (a) a pris de l’ampleur avec la rédaction du livre Shahîdi Jâvîd (Le Martyr Éternel)(12). Isfandîyârî estime qu’une confusion s’est installée entre l’objectif et les plans de l’Imam al-Husayn (a). Ainsi, il qualifie les plans de l’Imam al-Husayn (a) pour atteindre son objectif de buts secondaires et a recensé sept théories à ce sujet(13). Parmi les objectifs avancés pour le soulèvement de l’Imam al-Husayn (a), on retrouve la préservation de la religion, le commandement du bien et l’interdiction du mal, la préservation de sa vie, la formation d’un gouvernement et le martyre.

Commandement du bien et interdiction du mal (préservation de la religion et de la tradition prophétique)

D’après Muhammad Isfandîyârî, historien né en 1959, dans son livre Achoura Shinâsî (Études sur Achoura), l’objectif principal de l’Imam al-Husayn (a) dans le soulèvement de Achoura était la défense de la vérité, le commandement du bien et l’interdiction du mal, la préservation de la tradition prophétique et l’élimination des innovations religieuses(14).

De même, l’Ayatollah Khamenei considère que l’objectif de l’Imam al-Husayn (a) était de ramener la société islamique sur le droit chemin et de lutter contre les grandes déviations(15). Selon Isfandîyârî, une confusion s’est produite entre l’objectif et le résultat de l'Imam (a): le résultat de cet objectif pouvait être la formation d’un gouvernement ou le martyre, tandis que certains considèrent ces deux éléments comme les objectifs de l’Imam al-Husayn (a)(16).

L’Ayatollah Javâdi Amulî, une autorité religieuse chiite, pense que les ennemis, après le Prophète (s), ont d’abord réduit le Coran et la religion à un état d’esclavage pour les interpréter et les appliquer selon leurs désirs. Puisque le sang des gens ordinaires ne pouvait pas libérer le Coran et la religion de cet esclavage, Husayn b. Ali (a), par son propre sang, a transformé l’ignorance en rationalité inspirée par la révélation et a sauvé l’essence de la religion de l’annihilation(17).

Refus d’allégeance et préservation de la vie

Selon ce point de vue, le départ de l’Imam al-Husayn (a) de Médine vers La Mecque, puis vers Koufa, ne fut pas motivé par une intention de soulèvement, mais plutôt par un besoin de défense et de protestation. En refusant de prêter allégeance à Yazid, sa vie fut menacée, et il quitta donc Médine, puis La Mecque, pour préserver sa vie(19).

Ali Panâh Ishtihârdî(20) et Muhammad Sihhatî Sardrûdî(21)sont parmi les défenseurs de cette perspective. Cependant, accepter cette interprétation a été perçu comme une minimisation du caractère héroïque de l’Imam al-Husayn (a) et une diminution de son rang et de son statut spirituel(22).

Formation d’un gouvernement

D’après cette interprétation, l’Imam al-Husayn (a) s’est soulevé avec pour objectif principal la formation d’un gouvernement. Ni’mat Allah Sâlihî Najafâbâdî (1923-2006) soutient cette thèse dans son oeuvre Shahîdi Jâvîd (Le Martyr Éternel), où il affirme que le premier objectif de l’Imam al-Husayn (a) fut la fondation d’un gouvernement(23). Il avance également que Sayyid al-Murtadâ, l’un des théologiens chiites, partageait cette vision. Selon Sayyid al-Murtadâ, l’Imam al-Husayn (a) accepta l’invitation des habitants de Koufa après avoir constaté leur insistance, leur force apparente, et la faiblesse du pouvoir en place à Koufa(24).

Najafâbâdî estime que toutes les conditions de victoire étaient réunies pour l’Imam al-Husayn (a), mais que des événements imprévus ont modifié le cours de l’histoire. Lorsque la trahison des habitants de Koufa devint évidente, l’Imam al-Husayn (a) décida de se retirer et d’éviter le conflit, tout comme l’avait fait l’Imam al-Hasan al-Mujtabâ (a). Cependant, on ne lui permit pas d’abandonner la guerre(25). Certains ont critiqué cette vision, arguant qu’elle est incompatible avec le savoir divin de l’Imam al-Husayn (a), car elle suppose qu’il ignorait qu’il ne triompherait pas. En réponse, il a été affirmé que l’Imam al-Husayn (a) fut conscient de son martyre et de son absence de victoire, mais qu’il était tenu d’agir selon les normes de la connaissance ordinaire(26).

Martyre

Certains chercheurs pensent que le but principal de l’Imam al-Husayn (a) dans son soulèvement fut d’atteindre le martyre. Toutefois, plusieurs interprétations du concept de martyre ont été proposées :

  • Le martyre politique : Selon cette théorie, l’Imam al-Husayn (a), par son martyre, chercha à retirer la légitimité au règne de Yazid et à sauver l’islam des mains des Omeyyades(27). Son sacrifice eut pour objectif de mobiliser les masses contre ce régime(28). D’après Muhammad Isfandîyârî, il s’agit de la théorie la plus populaire, soutenue par de nombreux penseurs(29). Parmi ses partisans figurent Ali Sharî'atî, Mîrzâ Khalîl Kamari'î, Murtidâ Mutahharî, Sayyid Ridâ as-Sadr, Jalâl ad-Dîn Fârsî, Sayyid Muhsin al-Amîn, Hâshim Ma’rûf al-Husaynî, Ayatollah Sâfî Gulpâyigânî et Muhammad Jawâd Mughnîyya(30).
  • Le martyre expiatoire : Certains croient que l’Imam al-Husayn (a) s’est sacrifié pour intercéder en faveur des pécheurs et leur permettre d’atteindre des niveaux spirituels plus élevés(31), une vision semblable à celle que certains chrétiens ont concernant le sacrifice de Jésus (a)(32). Sharîf Tabâtabâ’î, Mullâ Mahdi an-Narâqî et Mullâ Abd ar-Rahîm Isfahânî sont des partisans de cette idée(33). Selon une autre interprétation, l’Imam al-Husayn (a) fut tué afin que les gens pleurent pour lui, ce qui les guiderait vers le droit chemin(34).
  • Le martyre mystique : D’après cette approche, l’Imam al-Husayn (a) se souleva pour atteindre la grâce du martyre(35) et permettre à ses compagnons de bénéficier également de cette bénédiction(36). Cette interprétation est dépourvue d’aspects politiques, présentant le soulèvement sous un angle apolitique(37). Sayyid b. Tâwûs, Fâdil Darbandî, Safî Ali Shâh, 'Ammân Sâmânî et Nayyir Tabrîzî ont offert des interprétations mystiques du martyre de l’Imam al-Husayn (a)(38).
  • Le martyre comme obligation divine : Selon certains, le soulèvement de l’Imam al-Husayn (a) est perçu comme un mystère divin. Il aurait été commandé par Dieu de se sacrifier, mais les raisons de cet acte restent inconnues pour l’humanité et ne sont révélées qu’à Dieu seul(39).

Les critiques soulignent que cette théorie est en contradiction avec les récits historiques montrant que l’Imam al-Husayn (a) défenda activement sa vie et ne cherchait pas intentionnellement à se faire tuer(40).

Gouvernement et Martyre

Certains pensent que l’objectif de l’Imam al-Husayn (a) dans son soulèvement fut une combinaison entre l’établissement d’un gouvernement et la recherche du martyre. Selon ce groupe, l’Imam al-Husayn (a) se souleva avec l’intention de former un gouvernement, mais lorsqu’il perdit tout espoir de trouver des partisans pour le soutenir, il choisit le martyre(41).

D’autres avancent une théorie politique en plusieurs phases :

  • Première phase : De son départ de Médine vers La Mecque, marquée par une protestation ouverte contre le règne de Yazid.
  • Deuxième phase : Depuis sa décision de partir vers Koufa jusqu’à sa rencontre avec l’armée d'al-Hurr b. Yazîd ar-Rîyâhî, durant laquelle ce dernier envisageait de prendre Koufa et l’Irak.
  • Troisième phase : De sa rencontre avec l’armée d'al-Hurr jusqu’à sa confrontation avec l’armée de Koufa, où il tenta d’échapper à Ibn Zîyâd.
  • Quatrième phase : Lorsqu’il se retrouva face à l’armée de Koufa, il choisit le martyre(42).

Une combinaison de plusieurs objectifs

Selon Ayatollah Makârim Shîrâzî, les paroles de l’Imam al-Husayn (a) ainsi que les textes des prières (zîyârat) dédiées à sa mémoire permettent d’identifier dix objectifs pour son soulèvement(43). Ces objectifs sont :

  • Réformer la communauté islamique et l’umma du Prophète (s)(44),
  • Ordonner le bien et interdire le mal(45),
  • Raviver la sunna prophétique et éliminer les innovations (al-Bid’a)(46),
  • Soutenir la vérité et combattre le faux(47),
  • Lutter contre l’ignorance et sauver les gens de l’égarement(48),
  • Établir un gouvernement islamique(49),
  • Mettre en œuvre la justice et lutter contre l’oppression(50),
  • Révéler le vrai visage des hypocrites(51),
  • Mettre les musulmans à l’épreuve(52),
  • Obtenir le statut suprême d’intercession (ash-Shafâ’at)(53).

Conséquences

Revitalisation de l’Islam et de la Sunna du Prophète (s)

Certains auteurs considèrent que l’effet le plus important du soulèvement et du martyre de l’Imam al-Husayn (a) fut la revitalisation de l’Islam et des traditions prophétiques. Selon l’Imam Khomeini, sans l’événement de Karbala, Yazid b. Muawiya aurait déformé l’image de l’Islam et des traditions du Prophète (s)(54)(55).

Emergence de mouvements contestataires contre les Omeyyades

Après le martyre de l’Imam al-Husayn (a), plusieurs mouvements contestataires contre le pouvoir omeyyade virent le jour. Selon le livre Târîkh at-Tabarî, les premières révoltes contre les Omeyyades commencèrent en 61 H avec des actions visant à venger l’Imam al-Husayn (a)(56).

  1. La première protestation fut celle de Abd Allah b. 'Afîf al-Azdî contre Ibn Zîyâd. Lors du discours de ce dernier à Koufa où il traita l’Imam al-Husayn (a) de menteur, Abd Allah protesta ouvertement et accusa Ibn Zîyâd et son père de mensonge(57).
  2. La révolte à la région de Sistan : Selon le livre Târîkhi Sîstân, à l’annonce du martyre de l’Imam al-Husayn (a), la population de Sistan se souleva contre le gouverneur local, qui fut le frère de Ubayd Allah b. Zîyâd(58).
  3. La révolte de Médine (63 H) : Sous la direction de Abd Allah b. Hanzala b. Abi 'Âmir, les habitants de Médine se révoltèrent contre le pouvoir de Yazid b. Muawiya(59).

L’analyse de Ali b. Husayn al-Mas'ûdî, historien du IVe siècle, attribue la révolte des habitants de Médine à l’assassinat de l’Imam al-Husayn (a)(60).

Révolte des at-Tawwâbîn

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La révolte des at-Tawwâbîn survint après la tragédie de Achoura en 65 H, dirigée par Sulaymân b. Surad al-Khuzâ’î, avec pour objectif la vengeance du sang de l’Imam al-Husayn (a) et des martyrs de Karbala(61).

Lorsqu’ils arrivèrent à Karbala, les at-Tawwâbîn mirent pied à terre, pleurèrent et se recueillirent autour de la tombe de l’Imam (a)(62). Sulaymân s’exclama :

« Ô Seigneur, sois témoin que nous restons fidèles à la voie d'al-Husayn (a) et que nous sommes les ennemis de ses meurtriers »(63).

Révolte d'al-Mukhtâr

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En 66 H, al-Mukhtâr ath-Thaqafî se souleva pour venger le sang de l’Imam al-Husayn (a). Les chiites de Koufa répondirent à son appel et s’unirent sous sa bannière(64). Deux slogans dominèrent ce soulèvement :

« Yâ Lathârât al-Husayn » (Vengeance pour al-Husayn (a))
« Yâ Mansûr Amit » (Ô victorieux, frappe !)(65).

De nombreux auteurs du massacre de Karbala furent exécutés sous les ordres d'al-Mukhtâr, parmi eux : Ubayd Allah b. Zîyâd, Umar b. Sa’d, Shimr b. Dhî al-Jawshan et Khûlî b. Yazîd al-Asbahî(66).

Révolte de Zayd b. Ali (a)

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La révolte de Zayd b. Ali b. al-Husayn (a) éclata contre le pouvoir omeyyade. En 122 H, Zayd se souleva contre le calife omeyyade Hishâm b. Abd al-Malik, après avoir obtenu l’allégeance de quinze mille habitants de Koufa.

Cheikh al-Mufîd, célèbre théologien chiite, affirma que Zayd b. Ali (a) eut pour principale motivation de venger le sang de l’Imam al-Husayn (a)(67).

Impact du Soulèvement de Karbala sur la Chute des Omeyyades

Le soulèvement de Karbala contribua directement à la chute des Omeyyades. Le peuple tena les Omeyyades responsables du massacre de Karbala et considéra ce régime comme illégitime. L’Imam al-Husayn (a) eut dénoncé ouvertement le règne de Yazid, déclarant :

« Avec ce pouvoir, l’islam est en péril » (wa ‘alâ al-islâm as-Salâm).

Il critiqua également les débauches de Yazid, telles que son penchant pour le vin et les jeux(68).

De plus, les Abbassides justifièrent leur propre révolte contre les Omeyyades en se proclamant vengeurs du sang de l’Imam al-Husayn (a)(69).

Impact du Soulèvement de Karbala sur la Communauté Chiite

Renforcement de l’Esprit de Lutte Contre l’Oppression

Le soulèvement de l’Imam al-Husayn (a) a joué un rôle central dans le renforcement de l’esprit de lutte contre l’injustice parmi les chiites. Cet événement a inspiré des mouvements de réforme et des révolutions populaires, comme la Révolution islamique d’Iran(71). L’Imam Khomeyni soulignait que l’expression « Kullu Yawmin Achoura » (Chaque jour est Achoura) illustre la nécessité d’une lutte permanente contre l’oppression(72).

Mahatma Gandhi, leader de l’indépendance de l’Inde, déclara :
« J’ai attentivement étudié la vie de l’Imam al-Husayn (a), ce grand martyr de l’islam, et je me suis profondément penché sur les pages de Karbala. Il est clair pour moi que si l’Inde veut devenir un pays victorieux, elle doit suivre l’exemple de l’Imam al-Husayn (a). »(73)

Diffusion des Cérémonies de Deuil

Les cérémonies de deuil en mémoire de l’Imam al-Husayn (a) et des martyrs de Karbala jouent un rôle clé dans la formation de l’identité chiite(74). D’après des sources historiques, ces cérémonies commencèrent peu de temps après le drame de Karbala et furent encouragées par les Imams chiites (a). Leur évolution en rituels publics et communautaires remonte à l’époque des Bouyides(75).

Ibn al-Kathîr rapporta qu’en 359 H, les chiites fermèrent les marchés le jour de Achoura pour se consacrer au deuil(76). Aujourd’hui, ces cérémonies se tiennent particulièrement durant les dix premiers jours de Muharram et incluent des offrandes alimentaires et des vœux(77).

Émergence d’une Littérature de Karbala

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La tragédie de Karbala a donné naissance à une littérature spécifique, notamment la poésie élégiaque. Le premier poète arabe à composer sur cet événement fut ‘Uqba b. ‘Amr as-Sahmî(78).

Abd al-Jalîl Qazvînî Râzî décrit les poèmes des poètes hanafites et shafi'ites pour l’Imam al-Husayn (a) comme innombrables(79). En persan, la poésie élégiaque liée à Karbala débuta au IVe siècle de l’Hégire lunaire, avec le Ta'zîyi de Kasâ’i Marvazî (d. 390 H)(80).

Sous la dynastie Safavide, une grande partie de la poésie persane fut dédiée à l’événement de Karbala(81). Une anthologie de la poésie de Achoura recense 345 poètes ayant composé des vers en mémoire de l’Imam al-Husayn (a)(82).

Expansion de la Maqtal Nigârî

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La Maqtal Nigârî est un genre historiographique consacré à la narration des circonstances de la mort ou du martyre des figures importantes. Les œuvres de Maqtal relatant le martyre de l’Imam al-Husayn (a) et de ses compagnons font partie intégrante du patrimoine littéraire et historique chiite. Bien que ce genre concerne aussi les autres Imams chiites (a), il est principalement associé aux récits détaillant la tragédie de Karbala.

Construction des lieux spécifiques

Les chiites ont construit des édifices spécifiques comme des Husaynîyyi, Tikyi et Imambâra pour organiser les cérémonies de deuil. Dans certaines régions de l’Inde, des sanctuaires symboliques représentant les tombes des martyrs de Karbala, ainsi que celles de l’Imam al-Husayn (a) et de Abbas b. Ali (a), ont été édifiés pour la récitation des zîyârât(83).

Influence sur les Arts

Le soulèvement de l’Imam al-Husayn (a) a profondément influencé l’art religieux chiite. De nombreuses œuvres, telles que des peintures, des icônes, de la calligraphie et des films, ont été produites pour commémorer l’événement de Karbala(84).

Point de vue des Savants Sunnites

Les auteurs sunnites n'ont pas une approche unifiée concernant le soulèvement de l'Imam al-Husayn (a). Voici un aperçu des différentes positions :

  • Critiques du Soulèvement

Certains savants, comme Abu Bakr b. al-‘Arabî, qualifièrent le mouvement de l’Imam al-Husayn (a) d’illégitime face à un pouvoir prétendument légitime(85).

De son côté, Ibn Taymîyya reconnut que l’Imam al-Husayn (a) fut tombé en martyre de manière injuste, mais il critiqua son action. Selon lui, le soulèvement manqua d’intérêt pour le bien-être matériel et spirituel, et il l’accusa d’avoir provoqué des discordes au sein de la communauté musulmane, ce qui fut contraire à la tradition prophétique(86).

  • Évolution Récente de la Perspective Sunnite

Selon Hamîd 'Inâyat, depuis environ un siècle, en particulier après l’époque de Sayyid Jamâl ad-Dîn Asadâbâdî, le point de vue des auteurs sunnites vis-à-vis de la tragédie de Karbala a évolué. Aujourd’hui, une grande partie des intellectuels sunnites soutiennent et approuvent le soulèvement de l’Imam al-Husayn (a)(87).

  • Savants Sunnites Partisans de l’Imam al-Husayn (a)

Dans son livre an-Naqd, Abd al-Jalîl Qazvînî Râzî mentionne que certains savants sunnites, comme Muhammad b Idrîs ash-Shâfi‘î, ont composé des élégies en l’honneur de l’Imam al-Husayn (a) et des martyrs de Karbala(88).

Une élégie attribuée à ash-Shâfi‘î commence par les vers suivants :

*********ابکی الحسین و ارثی حجاحا من اهل بیت رسول الله مصباحا
(Je pleure Al-Husayn et je pleure ceux du pèlerinage,******Ceux de la Maison du Prophète, les flambeaux lumineux.)
Sourate al-Mâ'ida, v 55

Ainsi, bien que certaines figures anciennes aient critiqué le soulèvement de l’Imam al-Husayn (a), l’opinion sunnite contemporaine tend davantage à reconnaître la légitimité de sa lutte et à honorer son martyre.

Bibliographie

Divers œuvres ont été écrites afin d’analyser les raisons et objectifs du soulèvement de l’Imam al-Husayn (a). Voici quelques-uns des plus importants :

  • ‘Âshûrâ shinâsi : Pazûhishî darbâriyi Hadafi Imam Husayn (a) écrit par Muhammad Isfandîyârî. Ce livre s’organise autour de trois axes principaux : l’analyse des objectifs du soulèvement, le choix stratégique de Koufa et les avis des anciens savants. Isfandîyârî identifie sept théories pour expliquer les motivations de l’Imam (a), en défendant l’idée que l’Imam al-Husayn (a) visait à établir un gouvernement juste. Dans la troisième partie, il présente les avis des savants chiites partageant sa position.
  • Pas az Panjâh Sâl : Pazûhishî Tâzi Pîrâmuni Qîyâmi Husayn (a), rédigé par Sayyid Ja‘far Shahîdî. Cet ouvrage propose une analyse détaillée des contextes sociaux, politiques, ethniques et religieux ayant conduit au soulèvement de Karbala. Il aborde les causes structurelles derrière cet événement tragique. Publié en 1358 SH, ce livre reste une référence en matière d’analyse critique.
  • Ta’ammulî dar Nahdati Âshûrâ. Dans ce livre, Rasûl Ja'farîyân passe en revue les sources historiques de Karbala, en explorant les causes, dimensions politiques et spirituelles, et les effets du soulèvement. Il critique également les déformations historiques du récit de Karbala et revient sur les pratiques de deuil chez les sunnites.
  • Qîyâmi ‘Âshûrâ dar Kalâm va Payâmi imâm Khomeyni. Ce recueil de discours de l’imam Khomeini aborde dans une première partie les sermons liés à Muharram et à l’Imam al-Husayn (a), tandis que la seconde partie se concentre sur les causes du soulèvement, la philosophie du deuil et des rituels. En conclusion, l'œuvre présente une sélection de réflexions sur Muharram et l’événement de Karbala.
  • Ahdâfi Qîyâmi Husaynî. Ce livre de Nâsir Makârim Shîrâzî offre une étude approfondie des motivations spirituelles, politiques et sociales derrière le soulèvement de l’Imam al-Husayn (a).
  • Barrisî va Tahlîli Qîyâmi Imam Husayn (a), rédigé à partir des conférences de Sayyid Muhammad Bâqir al-Hakîm, ce livre explore en détail les philosophies, causes, et conséquences du soulèvement de Karbala.
  • Qîyâmi Imam Husayn (a) dar Manâbi’i Ahli Sunnat. Dans cette œuvre, Ghulâm Husayn Fayyâd examine en profondeur les sources sunnites traitant du soulèvement de l’Imam al-Husayn (a), révélant des points de vue variés sur cet événement historique.

Voir aussi

Références