Lettre de l'Imam al-Husayn (a) aux nobles de Bassora
Lettre de l'Imam al-Husayn (a) aux nobles de Bassora (en arabe : رسالة الإمام الحسين(ع) إلى وجوه البصرة) était un appel à rejoindre l’Imam (a) avant la bataille de Karbala. Dans cette missive, l'Imam (a) affirmait que le califat était le droit légitime des Ahl al-Bayt (a), expliquant que leur silence face à l'usurpation du califat visait à préserver l'unité des musulmans. Évoquant l'abandon des traditions du Prophète (a) et la prolifération des innovations (al-Bid‘a), l'Imam al-Husayn (a) demanda aux grands de Bassora de le rejoindre. La lettre fut transmise par Sulaymân b. Razîn.
La majorité des nobles de Bassora ignorèrent l'appel de l'Imam (a). Certains, comme Ahnaf b. Qays, rejetèrent explicitement son invitation. Plus grave encore, Mundhir b. Jârûd informa le gouverneur Ubayd Allah b. Zîyâd, conduisant à l'arrestation et au martyre du messager.
Par contre, Yazîd b. Nubayt s'échappa de Bassora avec deux de ses fils pour rejoindre l'Imam al-Husayn (a), trouvant le martyre à Karbala. De son côté, Yazîd b. Mas‘ûd an-Nahshalî rassembla sa tribu et écrivit à l'Imam al-Husayn (a) pour promettre son soutien. Hélas, lorsqu'il s'apprêta à partir, il apprit le martyre de l'Imam (a).
Texte de l’Imam al-Husayn (a)
En l'an 60 de l'hégire, durant son séjour à La Mecque, l'Imam al-Husayn (a) écrivit aux habitants de Bassora[1] pour demander leur soutien.[2] Bien que les habitants de Bassora ne l'aient pas invité ni contacté auparavant, l'Imam (a) prit l'initiative de leur écrire, les appelant à raviver le Livre de Dieu, Coran, et la tradition prophétique.[3] Dans cette lettre, il affirme que le califat est le droit légitime des Ahl al-Bayt (a), et dénonce les efforts des Omeyyades[4] pour effacer la tradition du Prophète Muhammad (s) et introduire des innovations.[5]
Ad-Dînawarî, savant musulman du 3e siècle h, dans son « al-Akhbâr at-Tiwâl », présente une version concise de cette lettre où l'Imam (a), après avoir nommé ses destinataires, les invite à restaurer les signes de la vérité et à éliminer les innovations, leur assurant que cela les guidera sur le droit chemin.[6]
At-Tabarî fournit une version plus détaillée de la lettre, bien que certains aient émis des doutes sur certains passages, les considérant comme des ajouts ultérieurs de narrateurs.[7]
Le texte de la lettre est le suivant :
Allah a choisi Muhammad (s) parmi Ses créatures, l'a honoré de la prophétie et l'a élu pour Son message. Il l’a ensuite amené vers lui après qu'il eut conseillé Ses serviteurs et transmis Son message. Nous sommes sa famille, ses proches, ses successeurs et ses héritiers, les plus dignes de sa position parmi les gens. |
D'autres sources font également référence au texte de cette lettre avec quelques variations mineures dans leur contenu.[8]
Destinataires et le messager de l’Imam al-Husayn (a)
Cette lettre fut écrit par l’Imam al-Husayn (a) s’adressant aux chefs et nobles de la ville de Bassora,[9] ou aux partisans de l'Imam (a) parmi les chiites.[10] At-Tabarî, historien musulman du 3e et 4e siècle h, mentionne six notables de Bassora comme destinataires de la lettre de l'Imam (a)[11] dont les noms apparaissent également dans certaines autres sources[12] :
- Mâlik b. Misma‘ al-Bakrî
- Ahnaf b. Qays
- Mundhir b. Jârûd
- Mas‘ûd b. ‘Amr
- Qays b. Haytham
- ‘Amr b. ‘Ubayd Allah b. Ma‘mar
Certaines sources mentionnent également Yazid b. Masûd an-Nahshalî.[13]
Concernant l'envoi de la lettre, certaines sources indiquent que l'Imam (a) envoya le même texte séparément à chaque destinataire,[14] tandis que dans un autre rapport, l'Imam (a) mentionna certains des individus susmentionnés dans une lettre et leur demanda de l'aider.[15]
Le messager était Sulayman[16] (ou Salman)[17], surnommé Abû Razîn,[18] un affranchi de l'Imam al-Husayn (a).[19] Il s'efforça d'atteindre Koufa rapidement.[20] Certaines sources mentionnent aussi un autre messager nommé Dharrâ‘ as-Sadûsî.[21]
Réactions à la lettre
Différentes sources rapportent les réactions des nobles de Bassora après réception de la lettre. La plupart d’entre eux ne répondirent pas favorablement à l'Imam al-Husayn (a), certains allant jusqu'à informer le gouverneur de Bassora. Cependant, quelques-uns acceptèrent son appel et le rejoignirent.
Divulgation de la lettre et l'arrestation du messager
La plupart des nobles de Bassora gardèrent la lettre secrète.[22] Cependant, Mundhir b. Jârûd, dont la fille était l'épouse de ‘Ubayd Allah b. Zîyâd,[23] révéla la lettre au gouverneur.[24]) À cette époque, ‘Ubayd Allah était le gouverneur de la ville de Bassora au nom de Yazid, et ce dernier, compte tenu de la situation à Koufa, lui avait également confié la gouvernance de cette ville.[25] Selon l'historien Bâqir Sharîf Qarashî, Mundhir livra la lettre pour prouver sa loyauté,[26] bien que d'autres sources suggèrent qu'il craignait un piège de ‘Ubayd Allah pour tester sa fidélité.[27]
Ibn Zîyâd, furieux en découvrant la lettre, ordonna l'arrestation du messager de la lettre.[28] Le messager de l'Imam (a), qui s'était caché parmi les chiites,[29] fut capturé par Mundhir[30] ou d'autres personnes[31] et conduit devant ‘Ubayd Allah. Ce dernier fit exécuter le messager en lui tranchant la tête, puis fit exposer son corps en le crucifiant.[32] Il monta aussitôt en chaire dans la grande mosquée de la ville,[33] avertissant la population contre toute opposition. Il annonça également sa préparation pour se rendre à Koufa, tout en nommant son frère Othman b. Zîyâd b. Abî Sufyân comme son remplaçant.[34]
Réponse négative
Al-Ahnaf b. Qays, l'un des destinataires de la lettre, répondit négativement à l'Imam al-Husayn (a) en citant le verset 60 de la sourate ar-Rûm : « Fait preuve de patience, la promesse d’Allah est vraie. que ceux qui n’ont pas la croyance ne t’ébranlent pas. »[35]
Sa réponse brève fut interprétée comme un refus d'aider l'Imam (a) et un avertissement contre la confiance dans le soutien populaire pour lancer un soulèvement.[36]
Soutenir l'Imam al-Husayn (a)
Certains comme Yazid b. Nubayt qui, malgré le blocage des routes par ‘Ubayd Allah b. Zîyâd, put s'échapper de Bassora avec ses deux fils Abd Allah et ‘Ubayd Allah. Ils rejoignirent l'Imam (a) à La Mecque et furent tombés en martyre à Karbala.[37]
Yazid b. Masoud an-Nahshalî, après réception de la lettre de l’Imam (a), rassembla les tribus Banî Tamîm, Banî Hanzala et Banî Sa‘d. Il leur annonça l'appel de l'Imam (a) en déclarant qu'il était lui-même prêt à partir pour soutenir l'Imam et leur demanda de donner leur avis à ce sujet. Toutes acceptèrent immédiatement, sauf les Bani Sa‘d qui demandèrent un délai de réflexion. Yazid Mas‘ûd écrivit également une lettre à l'Imam al-Husayn (a), l'informant de sa disposition ainsi que celle de sa tribu à le soutenir. L'Imam (a), après avoir lu cette lettre, pria en faveur de Yazid b. Mas‘ûd.[38]
Certaines sources mentionnent que cette lettre n'arriva qu'après le martyre de l'Imam (a) et de ses compagnons le 10e jour du mois de Muharram.[39] Quand Yazid b. Mas‘ûd apprit le martyre de l'Imam (a) alors qu'il se préparait à partir, il exprima un profond regret et une grande affliction.[40]
Objectifs de l'Imam al-Husayn (a)
Bien que la plupart des destinataires principaux de la lettre de l’Imam al-Husayn (aà n'ait répondu favorablement[41] et que leurs tendances politiques s'opposaient aux Ahl al-Bayt (a),[42] les historiens attribuent quelques objectifs à cette lettre :
- Mobiliser les masses populaires à travers l'influence des leurs dirigeants
- Lever toute excuse liée à un manque d’information concernant le soulèvement de l’Imam al-Husayn (a) pour les habitants de Bassora.
- Empêcher les grandes figures hésitantes à soutenir l’Imam (a) de rejoindre les rangs de ses ennemis.
- Informer les partisans des Ahl al-Bayt (a) à Bassora, comme Yazid b. Mas‘ûd an-Nahshalî, du début du soulèvement.[43]
Références
- ↑ As-Samâwî, Ibsâr al-‘Ayn fî Ansâr al-Husayn (a), p 94
- ↑ Sayyid ibn Tâwûs, Al-Luhûf, p 38
- ↑ Al-Qarashî, Hayât al-Imâm al-Husayn (a), vol 2, p 322 - 323
- ↑ Al-Qarashî, Hayât al-Imâm al-Husayn (a), vol 2, p 322
- ↑ Al-Balâdhurî, Ansâb al-Ashrâf, vol 2, p 78
- ↑ Ad-Dînawarî, Al-Akhbâr at-Tuwâl, p 231
- ↑ Ibn Kathîr, Al-Bidâya wa an-Nihâya, vol 8, p 158
- ↑ Sayyid Muqarram, Maqtal al-Husayn, p 141 - 142 ; Abû Mikhnaf, Waq‘at at-Taff, p 107
- ↑ At-Tabarî, Târîkh at-Tabarî, vol 5, p 357
- ↑ Ad-Dînawarî, Al-Akhbâr at-Tuwâl, p 231
- ↑ At-Tabarî, Târîkh at-Tabarî, vol 5, p 358
- ↑ Ibn A‘tham Kûfî, Al-Futûh, vol 5, p 37
- ↑ Al-Amîn, A‘yân ash-Shî‘a, vol 1, p 590
- ↑ At-Tabarî, Târîkh at-Tabarî, vol 5, p 357 ; Al-Amîn, A‘yân ash-Shî‘a, vol 1, p 590
- ↑ Ad-Dînawarî, Al-Akhbâr at-Tuwâl, p 231
- ↑ At-Tabarî, Târîkh at-Tabarî, vol 5, p 357 ; Ibn A‘tham Kûfî, Al-Futûh, vol 5, p 37
- ↑ Ibn Kathîr, Al-Bidâya wa an-Nihâya, vol 8, p 157 ; Ad-Dînawarî, Al-Akhbâr at-Tuwâl, p 231
- ↑ Al-Amîn, A‘yân ash-Shî‘a, vol 1, p 590 ; Al-Qarashî, Hayât al-Imâm al-Husayn (a), vol 2, p 323
- ↑ Sayyid ibn Tâwûs, Al-Luhûf, p 38
- ↑ Al-Qarashî, Hayât al-Imâm al-Husayn (a), vol 2, p 323
- ↑ Al-Amîn, A‘yân ash-Shî‘a, vol 1, p 590
- ↑ Al-Balâdhurî, Ansâb al-Ashrâf, vol 2, p 78 ; Ibn A‘tham Kûfî, Al-Futûh, vol 5, p 37 ; At-Tabarî, Târîkh at-Tabarî, vol 5, p 357
- ↑ Sayyid Muqarram, Maqtal al-Husayn, p 142 ; Al-Amîn, A‘yân ash-Shî‘a, vol 1, p 590
- ↑ Al-Balâdhurî, Ansâb al-Ashrâf, vol 2, p 78
- ↑ Al-Mas‘ûdî, Murûj adh-Dhahab, vol 3, p 57
- ↑ Al-Qarashî, Hayât al-Imâm al-Husayn (a), vol 2, p 323
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- ↑ Ibn A‘tham Kûfî, Al-Futûh, vol 5, p 37
- ↑ Ibn A‘tham Kûfî, Al-Futûh, vol 5, p 37
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- ↑ Sayyid Muqarram, Maqtal al-Husayn, p 142 ; Al-Qarashî, Hayât al-Imâm al-Husayn (a), vol 2, p 323
- ↑ Collectif d'auteurs, Ma‘a ar-Rakb al-Husaynî, vol 2, p 357
- ↑ At-Tabarî, Târîkh at-Tabarî, vol 5, p 353 - 354 ; Sayyid Muqarram, Maqtal al-Husayn, p 144
- ↑ Sayyid Muqarram, Maqtal al-Husayn, p 142 - 144 ; Sayyid ibn Tâwûs, Al-Luhûf, p 38 - 44
- ↑ Al-Qarashî, Hayât al-Imâm al-Husayn (a), vol 2, p 327
- ↑ Sayyid Muqarram, Maqtal al-Husayn, p 144 ; Sayyid ibn Tâwûs, Al-Luhûf, p 44
- ↑ Collectif d'auteurs, Ma‘a ar-Rakb al-Husaynî, vol 2, p 361
- ↑ Collectif d'auteurs, Ma‘a ar-Rakb al-Husaynî, vol 2, p 361 - 363
- ↑ Collectif d'auteurs, Ma‘a ar-Rakb al-Husaynî, vol 2, p 363 - 364