Habîb b. Muzâhir al-Assadî (en arabe : حبیب بن مظاهر الأسدی ) fut un des compagnons privilégiés de l’Imam Ali (a), de l’Imam al-Hasan al-Mujtabâ (a) et de l’Imam al-Husayn (a), et mort en martyre à Karbala.

La tombe de Habîb b. Muzâhir dans le sanctuaire de l'Imam al-Husayn (a) à Karbala

Il appartenait à la tribu Banî Asad, et un des habitants de Koufa. Il fut parti de ceux qui ont sollicité, après la mort de Muawiya, l’Imam al-Husayn (a) et l'ont invité à Koufa. Après avoir remarqué le désengagement des gens de Koufa à l'égard de l'Imam al-Husayn (a), il sortit secrètement de Koufa pour rejoindre l’Imam ; il trouva ensuite la mort en martyre, à l’âge de 75 ans, à Karbala au côté de l’Imam al-Husayn (a) et ses compagnons.

Nom, ses surnoms et sa lignée

Son nom complet fut : Habîb b. Muzâhir (ou Muzâhar) b. Ri’âb b. Ashtar b. Hajwân b. Faq’as b. Tarîf b. ‘Amr b. Qays b. Hârith b. Tha’labat b. Dûdân b. Asad Asadî al-Kindî Faq’asî.[1]

Dans les sources plus anciennes, le nom de son père est inscrit parfois comme Muzâhir [2] et parfois comme Muzahhar[3] et en certains cas comme Mutahhar[4]. En se basant sur ce qui est courant dans les langues et dans les zîyarats, Mamâqânî [5]considère la signification du terme Muzâhir comme juste. Cependant, Sayyid Muhsin al-Amîn écrit :

"Dans la plupart des anciens livres d’histoire, Muzahhar est inscrit suivant la rime de Mutahhar et cette prononciation est juste et Muzâhir, inscrit dans les nouveaux livres, semble être contraire à l’inscription ancienne (la bonne prononciation serait donc Muzâhhar)[6].

Mérites

Habîb était un homme pieux, de vertu, et respectueux des prescriptions divines. Il avait mémorisé l’intégrité du Saint Coran et consacrait une partie de ses nuits à la prière et à l’adoration de Dieu.
Sur la demande de l’Imam al-Husayn (a), il lisait tout le Coran à la fois [7]. Il menait une vie simple, puritaine et ascétique. Il n’avait la moindre attirance pour les aspects matériels de la vie, au point à ne pas accepter les innombrables propositions de sécurité et de l’argent qu’on lui proposait. Il avait dit :

« nous n’avons aucune prétexte à alléguer auprès du Messager de Dieu de rester vivant alors que le fils du Prophète est assassiné de manière injuste»[8]

A l’époque du Prophète (s)

Nous n'avons pas beaucoup d'informations historiques à propos de lui à l'époque du Prophète (s) ; on ne sait clairement pas non plus si Habîb était un des compagnons (sahâba صحابة) ou un des épigones (tâbi'în تابعین) du Prophète (s). Certains, comme Ibn Kalbî, [9] et Ibn Hajar ‘Asqalânî[10] ont dit qu’il était contemporain du Prophète (s).

Le Cheikh at-Tûsî[11] le cite sur la liste des compagnons de l’Imam Ali (a), de l’Imam al-Hasan (a) et de l’Imam al-Husayn (a), mais il ne le mentionne pas parmi les compagnons du Prophète Muhammad (s). Les auteurs des livres al-Stî’âb et Usd al-Ghâbah, ne le mentionnent pas non plus parmi les compagnons du Prophète (s)[12].

A l’époque de l’Imam Ali (a)

Habîb accompagnait Ali (a) à Koufa et participa dans toutes les guerres dirigées par lui et était considéré comme l’un de ses meilleurs amis et l’un des porteurs de ses connaissances[13]. l'Imam Ali (a) lui avait donné la science des Manâyâ et de Balâyâ[14].

Il était membre du groupe spécial Shurtat al-Khamîs, force d’intervention rapide aux commandes de l'Imam Ali (a)[15]. Son dialogue avec Maytham at-Tammâr, des années avant l’événement de Achoura, lors d’une réception chez les Banî Asad au cours de laquelle chacun d’eux prédit la manière dont l’autre allait tomber en martyre. Ils sont témoins de la science de Manâya qu’ils avaient apprise auprès de l’Imam Ali (a) leur donnant la capacité de prédire les événements qui se produiraient dans l’avenir[16].

A l’époque de l’Imam al-Husayn (a)

A Koufa

Article connexe : Koufa.

Après la mort de Muawiya en l’an 60 H, Habîb et un groupe de maîtres chiites vivant à Koufa, y compris Sulaymân b. Surad, Musayyib b. Najaba et Rufâ’at b. Shaddâd Bajalî, se sont abstenus de prêter serment d’allégeance à Yazîd. Ils ont adressé des lettres à l’Imam al-Husayn (a), invitant ce dernier à se rendre à Koufa et à se soulever contre les Umayyades[17]. (voir : lettres des Kûfîs à l’Imam Husayn#première lettre).
Après l’arrivée de Muslim b. ‘Aqîl à Koufa, ils ont essayé de l’aider. Habîb et Muslim b. 'Awsaja ont secrètement obtenu l’allégeance de la population de Koufa pour Muslim b. ‘Aqîl [18].

Après l’arrivée à Koufa d’Ibn Zîyâd qui a tourmenté les habitants de la ville, ces derniers ont laissé seul Muslim oubliant leur serment. La tribu Banî Asad a caché chez elle Habîb et Muslim b. 'Usajah pour les protéger. Ils ont quitté Koufa pour rejoindre l’Imam al-Husayn (a). Pour rester inaperçus des espions et des agents d’Ibn Zîyâd, ils se cachaient les jours et cheminaient pendant la nuit. Enfin, ils ont rejoint,le 7 Muharram, la caravane de l’Imam al-Husayn (a) à Karbala [19].

A Karbala

Articles connexes : Evénement de Karbala et Karbala.

Dès son arrivée à Karbala, Habîb témoigne pratiquement pour une nouvelle fois sa fidélité à l'égard de l’Imam al-Husayn (a). Constatant le nombre très restreint des protecteurs de l’Imam et le nombre bien élevé de ses ennemis, il lui a dit :

« Près d’ici, est installée une tribu de Banî Asad, si vous me permettez, j’irai les inviter à vous secourir, peut-être Dieu les orientera ».

Après avoir obtenu la permission de l’Imam, il s’est précipité vers les membres de la tribu et commença à leurs donner des conseils. Mais ‘Umar b. Sa’d envoya une division de l’armée, et les empêcha ainsi de rejoindre l’Imam[20].

Dans l’après-midi de Tâsû’â

Article connexe : Tâsu'â.

Avant le jour de ’Ashûra, Habîb b. Mazâhir conseilla à un homme chargé par ‘Umar b. Sa’d d’apporter une lettre à l’Imam al-Husayn (a) de quitter le camp des oppresseurs[21]. Dans l’après-midi de Tâsû’â, Habîb a cité les qualités de l’Imam et de ses compagnons, s’est adressé à l’armée de l’ennemi qui cherchait à prendre d’assaut les tentes du camp de l’Imam, pour les empêcher de déclencher la guerre[22].

Dans la nuit précédant de Achoura

Pendant la nuit précédant de Achoura, Nâfi’ b. Hilâl, informa Habîb de la préoccupation de Zaynab, fille de l’Imam Ali (a), de la fidélité des compagnons de l’Imam. Hilâl et Habîb réunirent les compagnons de l’Imam al-Husayn (a), qui sont tous allés auprès de lui pour annoncer leur soutien à la famille du Prophète (s) jusqu’à la dernière goutte de leur sang[23].

Jour de Achoura

Article connexe : Achoura.

Le matin de Achoura, l’Imam al-Husayn (a) a choisi Habîb b. Muzâhir comme commandant de l’aile gauche de ses forces. Il chargea Zuhayr b. Qayn du commandement de l’aile droite et plaça l’honorable Abu al-Fadl, drapeau à la main, dans le cœur de l’armée [24].

Dans son discours, l’Imam al-Husayn (a) parla de sa noble naissance, de son ascendance, de ses qualités et rappela le hadith :

« Ces deux fils qui sont les miens (al-Hasan et al-Husayn) sont les seigneurs des jeunes au Paradis »

ajoutant :

« Il y a parmi vous des gens qui auraient entendu ce hadith au Prophète (s) » Et Shimr répondit :
« J’ai adoré Dieu dans l’état de doute, si je sais de quoi tu parles »,

Habîb b. Muzâhir lui répondit :

« Par Dieu, je te vois adorer Dieu avec soixante-dix doutes. Je témoigne que tu ne dis que la vérité et que tu ne comprends pas ce qu'al-Husayn (a) dit, parce que ton cœur est noir et scellé [25].

Au début de la guerre, où un membre de l’armée d’Umar b. Sa’d appelait à la guerre, Habîb et Barîr sont entrés sur le champ de bataille, mais l’Imam al-Husayn (a) les empêcha.

Quand Abû Thumâma rappela à l’Imam al-Husayn (a) qu’il était le moment de la prière, l’Imam répondit :

« Demandez-leur d’arrêter la guerre. Nous allons faire la prière ».

Hasîn b. Numayr (Hasîn b. Tamîm) dit :

« Votre prière ne sera pas admise par Dieu ».

Habîb b. Muzâhir répondit :

« Penses-tu que la prière de la famille du Prophète (a) n’est pas recevable et que c’est ta prière qui l’est ? ô buveur (ô âne) ! » Habîb se lança vers lui, Hasîn tomba par terre et ses amis coururent vers lui et le sauvèrent [26].

Après la fin de la guerre, Muslim b. 'Awsaja était tombé dans le sang, passant les derniers moments de la vie. L’Imam al-Husayn (a) et Habîb vinrent près de lui et l’Imam lui dit :

« Ô Muslim, que Dieu t’absolve » puis récita le verset coranique «‌فمنهم من قضی نحبه و منهم من ینتظر و ما بدلوا تبدیلا‌ »[27].

Habîb vint auprès de lui et dit :

« Il m’est bien difficile de supporter ta mort, cependant, je te promets le Paradis ».

Par une faible voix, Muslim b. 'Awsaja dit :

« Que Dieu te promet la miséricorde. »

Puis Habîb lui dit :

« Si ma mort en martyre n’était pas proche, je te demanderais de me confier ce qui t’est important, pour que je l’accomplisse comme devoir religieux et lien de parenté ».

Muslim b. 'Awsaja fit allusion à l’Imam al-Husayn (a) et dit à Habîb :

« Je te demande de protéger l’Imam al-Husayn (a). Que Dieu te comble de Ses Miséricordes, défends-le tant que tu le peux et ne cesse pas de l’assister jusqu’au bout »

Habîb b. Mazâhir lui dit :

« Je ferai ce que tu me demande et tu en seras rempli d’honneur ! »[28]

Martyre

Habîb b. Muzâhir, malgré son âge, confrontait les ennemis comme un héros. C’est Badîl b. Maryam ‘Aqfânî qui l’attaqua et le frappa par une épée la tête, alors qu'un autre, osa le viser par une lance. Habîb tomba du cheval par terre et sa barbe se trempa dans le sang de sa tête ; puis Badîl b. Maryam lui coupa la tête [29]. Habîb b. Muzâhir avait un fils nommé Qasim, il paraît que c’est lui qui tua, plus tard, Badîl b. Maryam[30].

Il est rapporté qu'il est mort avant l’Imam Husayn qui se rendit aussitôt auprès du corps de Habib et dit : (احتسب نفسی و حماة اصحابی‌),

« J’attends ma récompense et celle de mes amis qui m’ont soutenu, de mon Seigneur Très-Haut »[31]. Selon certains livres traitant la tragédie de Karbala (maqtal), il aurait dit :
« O Habib! tu étais un homme honnête et capable de lire l’intégralité du Coran en une nuit. »[32]

Tombe

Lorsqu’on enterrait les martyrs de Karbala, la tribu des Banî Asad enterra Habîb. Il est considéré comme un grand homme respecté, et enterré à dix mètres de la tombe de l’Imam Husayn (a); sa tombe se trouve aujourd'hui à l’intérieur du sanctuaire de l'Imam al-Husayn (a), dans le portique Sud, à Karbala[33].

Nom de Habîb dans les oraisons (zîyârat)

Le nom de Habîb b. Muzâhir est cité dans les oraisons (zîyârat) rendues à l’Imam al-Husayn (a), ainsi que les oraisons rendues à l'Imam caché à l'occasion de son anniversaire (mi-Sha’bân), et autre[34].

Références

  1. Al Amîn, A’yân al-Shi’a, vol. 4, p. 553
  2. Ibn Jarîr, Tabarî, vol. 5, pp. 352, 355, 416
  3. Balâdhurî, Ansâb al-Ashrâf, vol. 2, pp. 462, 478, 480
  4. Ibn A’tham Kûfî, Al Futûh, vol. 5, pp. 28, 34, 87
  5. Tanqîh al-Maqâl fî ‘Ilm ar-Rijâl, vol. 17, pp. 394-395
  6. Al Amîn, A’yân al-Shî’a, vol. 4, p. 553
  7. Cheikh‘AbbâsQumî, Nafs al-Mahmûm, p. 124
  8. Al Amîn, A’yân ash-Shi’a, vol. 4, p. 553
  9. Samâwî, Absâr al-'Ayn fî Ansâr al-Husayn, p. 126
  10. Al-Isâba fî Tamyîz as-Sahâba, vol. 2, p. 142
  11. Rijâl at-Tûsî, pp. 60, 93, 100
  12. Al Amîn, A’yân ash-Shî’a, vol. 4, p. 554
  13. Samâwî, Absâr al-'Ayn fî Ansâr al-Husayn, p. 127
  14. Sciences des événements qui auront lieu dans l’avenir ; Al Husayn fî Tarîqilâ al-Shahâdah, p. 6
  15. Cheikhal-Mufîd, Al Ikhtisâs, pp. 2-7
  16. Samâwî, Absâr al-'Ayn fî Ansâr al-Husayn, p. 127
  17. Mufîd, Al Irshâd, p. 378
  18. Muhsin Al Amîn, A’yân al-Shi’a, vol. 4, p. 554
  19. Samâwî, Absâr al-Ayn fî Ansâr al-Husayn, p. 128
  20. Al Amîn, A’yân ash-Shî’a, vol. 4, p. 554
  21. Samâwî, Absâr al-'Ayn fî Ansâr al-Husayn, p. 130
  22. Balâzarî, Ansâb al-Ashrâf, vol. 2, pp. 484
  23. Mawsû’ât Kalimât al-Imâm al-Husayn Alayh as-Salâm, pp. 407-408
  24. Khârazmî, Maqtal al-Husayn, vol. 2, p. 7
  25. Mufîd, Al Irshâd, p. 450
  26. Cheikh‘Abbâs Qumî, Nafs al-Mahmûm, p. 124
  27. Sainte sourate “Partis: 33”
  28. Sayyid b. Tâwûs, Luhûf, p. 133
  29. Cheikh‘Abbâs Qumî, Nafas al-Mahmûm, p. 124
  30. Samâwî, Absâr al-AynfîAnsâr al-Husayn, p. 127
  31. Abî Mikhnaf , Waq'at at-Taf ,p. 265
  32. Cheikh‘Abbâs Qumî, Nafas al-Mahmûm, p. 124
  33. Qâ’idân, ‘Atabât Aliyât ‘Irâq, p. 122
  34. Majlisî, Bihâr, vol. 45, p. 71 et vol. 98, p. 27 ; Sayyid b. Tâwûs, Iqbâl al-A’mâl, p. 229

Bibliographie

  • Ibn A’tham Kûfî, Kitâb al-Futûh, Beyrouth, par AliShîrî, 1991
  • Ibn Hajar ‘Asqalânî, Al Isâbat fî Tamyîz as-Sahâbah, par ‘Âdil Ahmad ‘Abd al-Mawjûd et Ali Muhammad Mu’awaz, Beyrouth, 1415/1995
  • Ahmad b. Yahyâ Balâdhurî, Ansâb al-Ashrâf, Damas, par Mahmûd Firdus al-‘Azam, 2000
  • Khârazmî, Muwafaq b. Ahmad Khârazmî, Qom, Anwâr al-Hudâ, 1418 de l’hégire lunaire
  • Samâwî, Muhammad b. Tâhir Samâwî, Absâr al-‘Ayn fî Ansâr al-Husayn, traduit par ‘Abbâs Jalâli, Qom, éd. Zâ’ir, 1381
  • Sayyid b. Tâwûs, Ali b. Mûsâ b. Ja’far b. Tâwûs, Iqbâl al-A’mâl, Beyrouth, Mu’asisat al-IlmîlilMatbû’ât, 1996
  • Sayyid b. Tâwûs, Ali b. Mûsâ b. Ja’far b. Tâwûs,Luhûf, traduit par Bakhshâyishî, Qom, DaftarNawîd Islâm, 1378
  • Sayyid Muhsin Amîn, A’yân al-Shî’a, Beyrouth, Dâr al-Ta’âruf lil Matbû’ât, 1986
  • Cheikh‘Abbâs Qumî, Nafas al-Mahmûm, traduit par Kamari’ï, Téhéran, éd. Islâmîya, 1376
  • ‘Abd allâh Mâmaqânî, Tanqîh al-Maqâl fî ‘Ilm ar-Rijâl, Qom, par Muhya ad-Dîn Mâmaqânî, 1423
  • Qâ’idân, Asghar, ‘Atabât Aliyât ‘Irâq, Téhéran, Mash’ar, 1387
  • Muhammad b. Hasan Tûsî, Rijâl at-Tûsî, par Jawâd Qayyûmî Isfahânî, Qom, 1415
  • Muhammad b. ‘Umar Kushî, Ikhtîyâr Ma’rifat ar-Rijâl, [extrait] Muhammad b. Hasan Tûsî, par Hasan Mustafawî, Mashad, 1348 de l’hégire solaire
  • Mufîd, Muhammad b. Muhammad Nu’mân, Al-Irshâd, traduit par Sâ’idî Khurâsânî, Téhéran, éd. Islâmîya, 1380
  • Mawsû’a Kalimât al-Imâm al-Husayn ‘Alayh as-Salâm, A'dâd Lujnat al-Hadîth, par Tahqîqât Bâqir al-'Ulûm Alayh as-Salâm, Qom : Dâr al-Ma’rûf, 1374 de l’hégire solaire